Un bon article dans le Monde :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 080,0.html
Dans des affaires aussi anciennes et aussi passionnelles que l'affaire Seznec, la justice a toujours le choix. S'obstiner ou faire preuve d'humanité. Comme elle n'aime pas se contredire, elle a pris le risque de se voir reprocher son inhumanité. Cela faisait la quatorzième fois que la justice était saisie d'une requête destinée à réhabiliter Guillaume Seznec, condamné le 4 novembre 1924 aux travaux forcés à perpétuité par la cour d'assises du Finistère pour le meurtre d'un ami, Pierre Quemeneur, conseiller général de Sizun. Quatre-vingt- deux ans que lui-même et ses descendants se sont battus pour faire reconnaître son innocence.
Au fil des années, l'affaire Seznec a quitté le terrain du droit, des faits et de leur interprétation, pour devenir le symbole de la bonne - ou mauvaise volonté - de la justice à reconnaître ses erreurs. Les politiques ont beaucoup oeuvré dans ce sens en adoptant en 1989 une loi assouplissant les conditions de révision des affaires criminelles, la "loi Seznec". En 2001, Marylise Lebranchu, alors ministre de la justice et élue socialiste du Finistère, avait elle-même déposé la requête que les magistrats de la Cour de révision ont rejetée jeudi.
Les politiques n'ont pas été entendus. Ni l'opinion, émue par l'obstination et la passion mises par Denis Le Her-Seznec à obtenir la réhabilitation de son grand-père. A lire attentivement les quarante pages de la décision rendue publique jeudi, on pourrait avoir le sentiment que la Cour de révision répond point par point, de manière argumentée, aux demandes des requérants. Ce n'est pas si évident. Les magistrats font fi, à plusieurs reprises, de certains éléments troublants qui auraient pu les inciter à rendre une décision inverse. Le 5 octobre, lorsque la Cour de révision s'est réunie pour entendre les ultimes arguments des uns et des autres, ces éléments avaient ainsi conduit le représentant du parquet à demander que la mémoire de Guillaume Seznec fût réhabilitée, au bénéfice du doute.
Il n'y a pas de fait nouveau permettant de blanchir l'ancien négociant en bois de Morlaix, a tranché la Cour. Que les débats au sein de cette formation collégiale aient été serrés importe peu. Le résultat est là. La justice suscite, une nouvelle fois, le doute sur sa capacité à être à l'écoute des petits. Parmi ceux qui entouraient Denis Seznec jeudi à la Cour de cassation figuraient Patrick Dils, innocenté du double meurtre de Montigny-lès-Metz, et trois condamnés de l'affaire d'Outreau, innocentés eux aussi. Leur présence symbolique démontre à nouveau que la justice est prête à condamner un innocent plutôt que de donner le sentiment de céder à l'opinion ou à la pression médiatique. Cette démonstration serait plus convaincante si l'indépendance de la justice n'était trop souvent mise en doute lorsqu'elle se mêle de juger les puissants.