Je me faisais la réflexion, il y a quelques jours, que lorsqu'on se penche sur l'affaire Seznec, il faut en quelque sorte, pendant toute une première phase, qui pour moi a représenté trois ans, se gaver du plus grand nombre de données jusqu'à avoir en tête en permanence des détails qui semblent n'avoir que peu d'importance - tel le crayon-encre que Vidal trouve dans la mallette de Seznec arrivé à Paris en qualité de témoin - avant d'être en mesure dans un second temps de mettre tous les éléments à plat devant soi dans un ordre différent de ce qui a été écrit et d'adopter une nouvelle optique.
Lorsqu'on débroussaille la masse de faits supposés ou réels qui s'enchevêtrent pour former l'affaire, on peut dire qu'il n'y a que deux éléments qui servent de fondement à l'accusation portée contre Seznec :
- la machine à écrire, avec toutes les ramifications qui se développent autour d'elle : son achat et les circonstances dans lesquelles il se réalisa au vu et su des témoins de la maison Chénouard, les faux actes qu'elle servit à taper, sa découverte chez Seznec
Cet ensemble constitue, dans l'optique de l'accusation, les preuves de la culpabilité de Seznec faussaire
- le fait que Seznec fut la dernière personne avec qui Quéméneur se trouvait avant le moment établié de sa disparition
En réalité, ce que l'accusation a voulu voir et ce que l'on a jugé, c'est l'intention attribuée à Seznec de s'emparer de l'argent de Quéméneur et de sa propriété de Traou-Nez, et que l'on a reliée à la disparition de Pierre Quéméneur
Les deux aspects, tout au long de l'instruction, sont constamment renvoyés l'un à l'autre : Quéméneur a disparu parce que Seznec voulait le déposséder et Seznec voulait dépouiller Quéméneur puisqu'il l'a fait disparaître et que la disparition même de Quéméneur prouve l'intention de Seznec
Tout un chacun qui se penche sur l'affaire sait d'où provient cette orientation donnée aux investigations
La détermination de cette intention, à l'appui de quoi interviennent les témoignages, les fausses promesses de vente et la preuve matérielle de la machine à écrire dans les bâtiments de Seznec, vient en droite ligne de la série d'affirmations énoncées par les membres de la famille Quéméneur, qu'ils lancent et que, pour certaines, il ne cessent de répéter, ainsi:
- Seznec dirigeait toute l'affaire et c'est lui qui prenait les initiatives
- il leur avait toujours semblé douteux
- ils ne virent jamais la somme en dollars-or
- leur frère n'aurait jamais vendu Traou-Nez à un prix aussi bas
- Seznec avait déclaré, le 4 juin, que Quéméneur pouvait être en Amérique
- Quéméneur n'avait jamais vu Cherdly
- il avait la plus grande confiance en Seznec
- Seznec n'avait-il pas montré à Quéméneur la lettre à en-tête de la Chambre de commerce américaine qui le convoquait le 26 mai à Paris ?
Or, on ne doit pas oublier que le caractère mensonger établi pour la plupart de ces dires se révèle par les contradictions que leur apportent leurs auteurs eux-mêmes, soit directement par une déclaration explicite qui infirme l'élément rapporté, soit en raison de l'illogisme dont s'entache leur assertion
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