Guillaume Seznec, coupable pour l’éternité
Hier, la Cour de révision a refusé d’annuler la condamnation de celui qui fut envoyé au bagne pour le meurtre de Pierre Quemeneur. Son petit-fils va saisir la Cour européenne.
L’affaire Guillaume Seznec vient de connaître un ultime revers, un énième coup de grâce pour les tenants de l’innocence de l’ancien maître de scierie, envoyé au bagne pour le meurtre de son ami Pierre Quemeneur. En dépit des multiples zones d’ombre entourant une enquête et une instruction menées à charge, malgré l’absence de véritables preuves, d’aveux, de cadavre ou même de mobile clairement établi, la Cour de révision a rejeté, hier, la demande d’annulation de la condamnation de Guillaume Seznec qui était présentée - pour la première fois dans les annales - par un garde des Sceaux, à l’époque Marylise Lebranchu.
un combat contre l’institution
Reconnu coupable le 4 novembre 1924 par la cour d’assises du Finistère aux travaux forcés à perpétuité, puis gracié en 1947 pour bonne conduite après vingt années passées à Cayenne, Guillaume Seznec est mort en 1954. Depuis plus de huit décennies, ses descendants, et notamment son petit-fils Denis, se sont battus contre l’institution pour lui faire admettre une erreur judiciaire. Treize demandes de révision ont ainsi été déposées. Toutes ont connu la même issue : le rejet. Lors du procès en révision, le 5 octobre dernier, Denis Seznec avait imploré les magistrats de la chambre criminelle de la Cour de cassation, réunis en Cour de révision, de réhabiliter son grand-père : « Si une erreur judiciaire comme celle-là n’est pas - reconnue, il y a de quoi s’asseoir par terre et pleurer. »
Hier, sur les marches de la Cour de cassation, le même a fustigé une justice rendue « folle » et annoncé son intention de déposer un recours devant la justice européenne pour contester la manière dont a été instruite la révision du dossier de son aïeul : « la justice avait rendez-vous avec l’histoire, la chambre criminelle siégeant comme Cour de révision a raté une occasion historique et unique de montrer qu’elle était capable de reconnaître une erreur judiciaire (...) C’est un désastre pour la justice, pour sa crédibilité, son image et son autorité ». - Plusieurs victimes de la machine judiciaire étaient présentes à l’énoncé de la décision : Alain Marécaux, l’abbé Dominique Wiel et Roselyne Godard, acquittés lors des deux procès d’Outreau, Patrick Dils, innocenté après avoir été condamné pour le double meurtre de Montigny-les-Metz (Moselle) ou encore le chanteur Yves Duteil, descendant d’Alfred Dreyfus.
De son côté, la Cour de cassation a expliqué dans un communiqué s’être « tout spécialement attachée à l’argumentation relative à l’existence d’une "machination policière" », de même qu’aux « éléments relatifs aux déclarations de Mme Colette Noll ainsi qu’au rôle qu’auraient tenu l’inspecteur Pierre Bonny et un dénommé Boudjema Gherdi » (lire l’Humanité du 5 octobre dernier). Mais « au terme de son analyse », la Cour de révision « a considéré qu’il n’existait aucun fait nouveau ou élément inconnu de la juridiction au jour du procès (le 5 octobre dernier, NDLR) qui soit de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de Guillaume Seznec. »
la plus grande énigme du XXe siècle
L’actuel ministre de la Justice, Pascal Clément a également réagi en rendant « hommage au courage et au - dévouement » de Denis Seznec, mais en soulignant qu’en « raison de l’ancienneté de l’affaire Seznec et du décès du condamné et de ses enfants, toute nouvelle demande de révision ne pourrait être introduite que par le seul garde des Sceaux, ministre de la Justice qui, en outre, devrait produire à l’appui de celle-ci d’autres éléments ou des faits nouveaux. » Une manière de mettre un terme à l’une des plus grandes énigmes du XXe siècle. Et qui le restera.
Sophie Bouniot
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