Coupable ou innocent à tout prix Affaire Tangorre

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    Le 23 novembre 2008, dans un débat intitulé «Justice, presse et médias: de Zola à Outreau», dont le sujet était «la place de la justice dans la démocratie, les évolutions suivies par le statut de la victime et le rôle de la presse dans les processus d’identification à la victime et d’indignation face aux faits divers», Florence Aubenas, journaliste au Nouvel Observateur, résumait les conséquences de l'affaire Tangorre de la manière suivante:

Florence Aubenas    «Pour ce qui est des contre-enquêtes, là aussi les choses sont difficiles parce que de plus en plus les journalistes se sont rendus compte qu’eux-mêmes pouvaient se tromper. C’est récent. Etant parmi les plus présomptueux de France, ils pensaient qu’une fois qu’ils avaient fait leur contre-enquête, la cause était entendue et que le « dénonciateur », celui qui remettait en cause la justice, était forcément du bon côté. Il y a eu un traumatisme dans la presse avec l’affaire Tangorre, ce jeune homme, prof de gym, moustachu, baskets, accusé d’être le violeur des quartiers Nord de Marseille. Il avait été arrêté et décrit par un certain nombre de jeunes femmes victimes du violeur. Mais pour l’un de ces viols, il était à l’hôpital, avec un bras dans le plâtre. Néanmoins, pendant la Cour d’assises, il a été condamné pour quinze viols, y compris celui-là. Prenant cette contradiction comme levier, un comité de soutien s’est créé, animé par des signatures importantes, dont Marguerite Duras. Et Mitterrand le gracie et il sort libre. Une chercheuse, Gisèle Tichané a fait une contre-enquête typique pour un livre, « Coupable à tout prix ». Donc Tangorre est gracié. Deux mois plus tard, deux jeunes filles américaines se présentent dans un commissariat de Lyon, où il habitait à ce moment-là, en déclarant avoir été violées par un type qui avait dans son coffre un livre intitulé « Coupable à tout prix » avec sa photo. L’enquête a démontré qu’elles avaient bien été violées. Donc le juge d’instruction convoque Gisèle Tichané en lui disant très finement, voilà Madame, grâce à vous deux américaines ont été violées. La malheureuse tombe d’une crise cardiaque dans le bureau du juge. Un deuxième procès a lieu. Il s’est avéré que les gens qui le défendaient avaient raisonné comme les enquêteurs mais à l’inverse. Les enquêteurs s’étaient dit : « s’il a commis cinq viols de manière tout à fait sûr, il a pu en commettre quinze. » Le comité de soutien s’était dit à l’inverse : « s’il n’a pas pu faire celui-là, il n’a pu en faire aucun ». Le mécanisme de la grâce et de la pétition de soutien a pris un sacré coup sur la tête. Cela a provoqué un très gros débat dans la profession de journaliste à ce moment-là. Depuis, il a eu très peu de pétition invoquant innocence.»

    Dans le même débat elle disait aussi:

    «Il faut rappeller que l’affaire Dreyfus n’est pas une erreur judiciaire, l’affaire Dreyfus est un crime judiciaire, elle est voulue, organisée par des gens qui savent qu’il est innocent.»

source: http://www.ldh-paris-14-6.org/spip.php?article193


    C'est l'opinion de Luc Tangorre au sujet de sa deuxième condamnation. Gisèle Tichané ayant démontré la très probable existence d'une erreur judiciaire au terme du premier dossier, si «crime judiciaire» il y a après le second, à qui profite ce crime?



LETTRE DE LUC TANGORRE


    Un beau jour (où était-ce déjà la nuit?), j’ai fait un rêve:

    Le pouvoir législatif de mon pays inventait plus et mieux en matière de protection des libertés individuelles.

    Le pouvoir judicaire fondait sa crédibilité en respectant la présomption d’innocence plutôt que son opposé diamétral.

    Le pouvoir médiatique s’autocontrôlerait pour organiser la profession en deux catégories: les journalistes de l’information d’une part, les journalistes de l’interprétation de l’autre. Plus aucune place ne subsistait alors pour la désinformation.

    Le pouvoir exécutif cessait de se conduire en potentat hégémonique, d’être absolument «celui-là» s’il n’en restait qu’un des quatre.

    Ce rêve achevé, je me suis ensuite demandé ce que pesaient l’honneur et la liberté d’un homme (moi en l’occurrence), face au cauchemar que ma famille et mes amis avaient également vécu en guise de réalité quotidienne ces trois dernières décennies?

    Je sais que, pour le sens commun, je suis, j’ai toujours été, je serai éternellement, un «manipulateur», une espèce de fou qui s’ignore... Tellement commode... On vous l’a dit sans jamais le démontrer, martelé, répété jusqu’à ce que cela rentre en force dans les crânes. Comment blâmer ceux qui tiennent cette «information» pour exacte, tant ce préjugé a désormais pignon sur rue, tant il est communément admis, depuis la diffusion de «Faites entrer l’accusé» en mars 2008, que le diable en personne ne saurait m’arriver à la cheville?

    L’émission de Christophe Hondelatte, je l’affirme haut et fort, constitue le plus convaincants des trompe-l’œil. Partiale et partielle, elle n’a pu qu’altérer tout jugement serein.

    L’information, la vraie, se mérite au-delà des passions, des apparences, de toute forme de paresse intellectuelle. Ce forum propose une réflexion contradictoire. Chacun, précisent ses modérateurs, y est libre d’intervenir, de répliquer, de rectifier, de souligner, de préciser, d’apporter ses propres éléments d’information, d’exposer sa propre réflexion, de développer son argumentation avec les seules restrictions qu'imposent les lois sur le respect des personnes. Ne vous en privez pas!

    Même le paria que je suis devenu (malgré moi) est ici prié d’utiliser cette liberté incroyable. Je m’empresse donc de redire, avec force, détermination, ce que j’ai toujours dénoncé: la manipulation a bel et bien existé dans ce double dossier. On peut même le démontrer!

    Reste à comprendre qui sont «le» ou «les» auteurs de cette manipulation.

    De ma descente aux enfers, des coups de fourches incessants pour m’y reléguer sans risque d’échappatoires, des tourments indicibles de ma famille, de l’ineffable destruction personnelle qui en résultera ad vitam aeternam, je ne dirai rien. Plus par pudeur que par fierté. A quoi bon les jérémiades d’une loque laminée par l’injustice poussée à son paroxysme?

    De celle qui pourrait un jour vous frapper, à l’aveuglette, au hasard de mécanismes abstrus qui nous échappent à tous, j’ai le devoir moral de vous prévenir, d’allumer les «warnings»:

    Qui sera «L’autre » un jour? Lesquels d’entre vous seront les «SUIVANTS»?

Luc Tangorre
février 2009

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