Coupable ou innocent à tout prix Affaire Tangorre

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    Dans le silence revenu, la télévision, la radio, la presse ne s'intéressant provisoirement plus à lui, Luc Tangorre traverse une période dépressive.

    C'est le moment où Florence, sa fiancée, perd pied. Peut-être a-t-elle senti qu'elle ne retrouverait pas Luc avant de nombreuses années. A vingt ans, la vie l'emporte. La jeune femme espace ses lettres, puis elle n'écrit plus. Luc dit qu'il la comprend, mais au fond de lui-même pense que ce «lâchage» est un manque de confiance. Elle ne croit plus en lui. Il ne reste plus que le dernier carré des fidèles autour de Joseph et de Marie, ses merveilleux parents: Marie Laffranque, membre actif, dès 1985, de l'antenne toulousaine du comité de soutien, Claire-Lise Foiret, Gisèle Tichané qui, dans une longue lettre à Pierre Vidal-Naquet, très en retrait depuis la deuxième affaire, s'inquiète pour le détenu qu'elle a trouvé déprimé, abattu. Elle craint un suicide.

    — J'y ai pensé, reconnaît Tangorre. J'étais coincé, je sentais que je m'enlisais doucement dans des sables mouvants. Il fallait que j'en sorte...

Maison d'arrêt    Le 12 juin, il passe brusquement de la fiction à la réalité. Il s'évade. En douceur, serait-on tenté de dire, en escaladant le grillage du terrain de sport, puis en profitant du passage à la porte principale d'un fourgon de police pour se précipiter dehors. Le fourgon, les gardiens se lancent à sa poursuite et le rattrapent de l'autre côté de la rue, dans le garage d'une maison du mas de Poulac où il avait cherché refuge.

    Il n'aura connu que dix minutes de liberté et il va les payer cher. Trois semaines de cachot après une raclée mémorable.

    — Ils m'ont attaché et ils se sont mis à cinq pour me frapper. J'avais la mâchoire démise, je ne pouvais plus manger. Je n'ai pu m'alimenter que grâce au dévouement d'une religieuse, soeur Lucie Larousse, qui passait tous les jours les légumes de mon repas à la Moulinette.

    L'enquête de la police ne parvient pas à établir si Tangorre a bénéficié d'une complicité extérieure. La découverte de vêtements cachés dans une poubelle semble en apporter la preuve. Les policiers pensent que l'intervention du fourgon, au moment où Tangorre s'évadait, a bouleversé les plans de ses complices et que, si une voiture l'attendait, le chauffeur a préféré prendre le large pendant qu'il était encore temps. Tangorre proteste:

    — Pour rien au monde je n'ai voulu prendre la fuite, explique-t-il. Je désirais simplement attirer l'attention. C'était un appel au secours!

    François Vidal-Naquet aura beau expliquer à la presse que ce geste est dans «la logique d'un innocent», les journalistes penseront plutôt qu'il est au contraire dans la logique d'un coupable sachant déjà qu'il va être condamné.

    Domynique Azema qui, depuis le début, a suivi cette affaire pour Le Midi libre écrit:

    «En tentant hier de faire la belle, n'a-t-il pas brûlé une des dernières cartouches de sa défense? Cette attitude désespérée n'est-elle pas en elle-même un aveu?»

    Assurément. En dépit des raisons psychologiques invoquées par Tangorre, cette évasion sera mal perçue par l'opinion.

    Joseph Tangorre, si attentif, si dévoué, ne pourra que reconnaître, la mort dans l'âme:

    — Mon fils a fait une grosse bêtise.

Roger Colombani - Les ombres d'un dossier



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