Coupable ou innocent à tout prix Affaire Tangorre

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    Luc Tangorre obtint sa première permission de trois jours le 4 juillet 1986, afin d'assister aux obsèques de son oncle. Ce décès enclencha prématurément, dès la fin de l'automne 1986, le cycle trimestriel des permissions auxquelles peuvent prétendre la plupart des condamnés (ceux, Français, dont le reliquat de peine touche à sa fin).

    Au lieu d'en profiter en épicurien, il sacrifia ses premiers instants de liberté à la promotion du combat auprès des comités et des médias. Entre autre Geneviève Molle d'Antenne 2, venue l'interviewer le 17 avril 1987 à Lyon. Sa détermination n'eut pas l'heur de plaire à la commission d'application des peines puisqu'elle priva le condamné de toute permission d'avril à octobre: «Mesure de rétorsion», selon Libération, «après deux récentes permissions au cours desquelles Luc Tangorre avait rencontré la presse afin, une fois de plus, de clamer son innocence« alors que, d'après Le Monde, «l'administration avait conseillé au détenu de ne pas faire de tapage».

    Existe-t-il une relation de cause à effet entre ces mesures d'intimidation et l'incendie criminel qui ravagea intégralement la cellule du prisonnier au mois d'août 1987?

    Rien ne le démontra objectivement, mais nombre d'observateurs relièrent ce nouvel incident à celui qui frappa Joseph Tangorre le 23 avril 1984. Ce jour-là, le père du condamné échappa in extremis à une tentative d'assassinat : un individu, muni de menottes et d'une cagoule, vêtu d'un costume et d'une cravate, s'était introduit dans l'arrière boutique de son commerce.

    Là, il lui assenait de violents coups au visage et tentait de l'étrangler sans manifester le moindre intérêt pour le tiroir caisse à portée de main. Monsieur Tangorre, petit mais large d'épaules, riposta et parvint à dérouter son agresseur. Il s'en tira miraculeusement avec un visage fortement tuméfié, trois implants dentaires, un cou lacéré et une aphonie provisoire. Quelques jours d'hospitalisation furent nécessaire à son rétablissement. Lorsqu'on évalue l'importance du rôle des parents Tangorre dans la promotion des comités, en pleine expansion à cette époque, on ne peut que s'interroger.

    De péripéties en rebondissements, tout le monde espérait du Président de la République qu'il accorde une Grâce Présidentielle. L'écrivain Claude Mauriac s'en fit le porte-parole lorsqu'il publia dans le Matin du 24 mars 1987, un article intitulé «De grâce Monsieur le Président».

    Marguerite Duras et Françoise Sagan joignirent également leurs efforts sous forme de pétition.

François Mitterrand    François Mitterrand finit par s'enquérir du problème auprès de ses conseillers. Les uns, ceux qui redoutaient d'indisposer la Magistrature, lui suggéraient de faire la sourde oreille. Les autres, Ceux qui plaçaient l'idéal de Justice au-dessus de considérations tacticiennes, l'exhortaient à user de son droit régalien. Sa secrétaire personnelle, Paulette Decraene, pesa favorablement de tout son poids.
    Messieurs Robert Lorenzi et Francis Bari, respectivement éducateur pénitentiaire, l'un en poste à Mausac, l'autre à Muret, furent convoqués dans son bureau. De même Monsieur Jean Contandriopoulos, aumônier protestant aux Baumettes. Après avoir attentivement écouté ces trois hommes, les derniers à fréquenter assidûment le prisonnier, le Chef de l'Etat prit, en son âme et conscience, la décision d'accorder quatre années de réduction de peine.
    Mesure qui livra le sort du condamné au bon vouloir de la Commission d'Application des Peines et celui de la Chancellerie.

    Ce sont ces dernières qui, elles et elles seules, souverainement, prirent tour à tour la décision de libérer Tangorre. Le Garde des Sceaux du gouvernement de Jacques Chirac, Albin Chalandon, s'en justifia dans Midi Libre: «Croyez-moi, tout cela est bien pesé. Mais pour autant, et au-delà même de l'affaire Tangorre, le souci des victimes ne vaut jamais la condamnation d'un innocent. Et pour moi, il est de l'honneur de la Justice (comme de toute institution) de reconnaître ses erreurs quand c'est le cas.»

    Le 15 février 1988, Luc Tangorre, libéré conditionnel, sort du Centre de Détention de Muret, officieusement blanchi. Son message est clair: «Pas de liberté sans honneur».



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