Coupable ou innocent à tout prix Affaire Tangorre

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Paul Lefèvre    Il n'y a pas une affaire Tangorre, ni même deux, mais plutôt un mystère Luc Tangorre. Condamné une première fois, en mai 1983, à quinze ans de réclusion criminelle, il est mis en liberté conditionnelle par grâce présidentielle le 15 février 1988... mais condamné de nouveau à dix-huit ans de réclusion criminelle pour des faits différents mais de même nature... viols et tentatives de viols...

    Luc Tangorre est un mystère : il a été accusé et condamné deux fois... A chaque fois, il s'est toujours proclamé innocent et beaucoup l'ont cru... Aujourd'hui encore et malgré la répétition troublante, personne ne peut affirmer que les verdicts des cours d'assises qui l'ont sanctionné ne sont pas des erreurs judiciaires.

    Deux fois, Luc Tangorre a été accusé du crime le plus difficile à démontrer : le viol. Les deux instructions, menées bien entendu par des magistrats différents, n'ont pas complètement balayé le doute qui entoure une accusation fondée, exclusivement, sur des témoignages. A la suite du premier procès, ce doute a conduit le président de la République à user de la grâce pour remettre en liberté un homme dont il a pensé qu'il avait été mal jugé.

    Quelques années plus tard, Luc Tangorre était de nouveau accusé de viol par deux femmes qui ne le connaissaient pas et qui n'avaient jamais entendu parler du précédent procès. L'ont-elles véritablement reconnu?

    Au-delà des questions que les procédures soulèvent, le mystère Tangorre est aussi — surtout — le mystère d'un homme dont on n'a pas réussi à percer la personnalité. Et c'est surtout à cet inconnu que Roger Colombani, vieux praticien de l'investigation et chroniqueur judiciaire renommé, s'est attaché à répondre pour tenter de dissiper les «ombres du dossier Tangorre».

Paul Lefèvre - préface de Les ombres d'un dossier



Le Marigny

    Pas un instant Luc Tangorre ne renonce à la révision de son procès et prépare un dossier dans ce but, avec l'aide de Me Jean-Denis Bredin. Il accorde des interviews et diffuse une troisième édition de «Coupable à tout prix»: 1000 livres (240 kg) ramenés de Paris dans sa Renault 4 L et qu'il distribue dans plusieurs villes.

    Le 22 mai 1988, il assiste au baptême de sa nièce Elodie. La cérémonie se déroule à Marseille ; la rencontre familiale se prolonge le 23 mai jusqu'à 17h15 environ.

    Jusqu'au 1 er juillet, il remplit des emplois divers et précaires. Puis il assure le fonctionnement d'un bureau de tabac acheté et rénové par ses parents, devant la gare de Lyon-Perrache. Commerce où il travaillera tous les jours, sans exception, à raison de cent cinq heures hebdomadaires.

La rédaction



    Le 22 mai, deux jeunes Américaines font de l'auto-stop à la sortie de Marseille. Jennifer MacCluney et son amie Carole Ackerman désirent rejoindre la capitale. Bientôt, une 4L verte s'arrête à leur hauteur. Le conducteur, très avenant, leur propose de monter. Les jeunes filles acceptent sans hésiter tant cet homme inspire confiance.
Borne d'appelA la hauteur de Nîmes, le conducteur propose d’aller cueillir des cerises. Pourquoi pas? se disent les deux Américaines. La 4L s'engage dans un petit chemin à travers la garrigue. La nuit tombe. L'auto s'arrête. Le lieu est isolé. Et soudain, c'est l'horreur. L'aimable conducteur [...] menace ses passagères, les viole et les sodomise. « Si l'une tente de s'échapper, je tue l'autre! » Les Américaines se soumettent, impuissantes, sans pouvoir se défendre. Mais, malgré la violence qu'elles subissent, ces deux jeunes filles intelligentes notent un maximum de détails.
L'homme s'est enfui. Il fait nuit. Jennifer et Carole s'enfoncent dans la garrigue. Elles essaient de retrouver la route. Enfin, à 22 h 30, elles peuvent téléphoner à la gendarmerie. Fortement choquées, vêtements déchirés, couvertes d'écorchures, elles sont rapidement conduites au service des urgences du C.H.U. de Nîmes. Là, l'interne de service constate les viols et procède à des prélèvements vaginaux et anaux.
Les deux jeunes filles sont ensuite longuement entendues par les gendarmes. Leur récit est extrêmement précis. Elles décrivent l'homme : trente ans, de type européen, il portait un polo jaune de marque Lacoste, un jean blanc et des baskets Nike grises à bandes noires. A son annulaire gauche, une chevalière. La description de l'auto du violeur n'est pas moins détaillée: la 4L verte a des sièges recouverts de similicuir marron. Une pochette et un cartable sont posés à l'arrière. Le barillet-poussoir de la portière arrière droite manque et la jauge à essence ne fonctionne pas. Sur le pare-brise sont collées trois vignettes de 1986, 1987 et 1988. Enfin, et ce n'est pas le moindre détail, des piles de livres, tous semblables, sont rangées dans le coffre arrière, à côté d'un plaid écossais rouge, bleu et noir. Sur la couverture blanche des ouvrages, on voit la photo d'un homme moustachu et dans le titre imprimé En vert, il y a, disent-elles, le mot «coulpabilité»

Patrick Pesnot - Les Détectives de l'Impossible



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