Coupable ou innocent à tout prix Affaire Tangorre

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    Mai 1983. C'est l'engrenage final du procès. Empêché de prendre la parole pour critiquer l'Acte d'Accusation, Tangorre veut quitter le box. Certains verront là une démonstration de sa double personnalité. Puis, à tous les témoins à décharge, le Président Brousse pose cette question préalable: «Faites-vous partie d'un de ses comités de défense?»

Jacques Derogy    Me Paul Lombard aura beau plaider que les plaignantes l'ont moins reconnu à son visage qu'à ses baskets, les Jurés suivront mieux l'Avocat Général Pascal dans sa terrible péroraison: «Le doute doit lui profiter, mais, si vous l'acquittez, il vous aura bien eus». Au lendemain de la Pentecôte, ils le déclareront coupable de trois viols, six attentats à la pudeur, et de la tentative de viol contre Hélène L., en se trompant... d'un an sur sa date (un cas flagrant de Cassation)! En revanche, ils l'acquitteront de l'attentat à la pudeur avec violence commis sur la personne de Bénédicte R.

    Ce qui a emporté leur conviction, c'est un rapport de Police du 13 mai 1982, selon lequel aucune plainte de même nature n'avait été enregistrée depuis l'arrestation de Tangorre. Or, il s'était aussi écoulé plus d'un an entre la tentative contre Hélène I., et le viol de Béatrice H. sur le parking de Morgiou... Et, depuis le 6 mars dernier, un autre juge de Marseille instruit une plainte en tentative de viol sur une mineure commise, en juin 1983, dans le même quartier des Baumettes, par un individu ressemblant étrangement au portrait-robot, somme toute assez banal, qui a servi à perdre Le condamné.

Jacques Derogy



    Les agressions avaient-elles réellement cessé ? Le rapport de Police était-il fiable?. Rien ne semble moins sûr si l'on s'en tient à l'article que publiera "Le Provençal" quelque mois plus tard sous le titre : «Ses victimes racontent». Le sous-titre, à lui seul, attire tout de suite l'attention : «Une paire de baskets».

Assises des Bouches-du-Rhône    «Depuis le mois d'août 1975, date de la première plainte, c'est par dizaines que les dépositions presque similaires se sont accumulées dans l'énorme dossier dont est saisi la P.J. marseillaise. C'est une incroyable et dramatique partie de cache-cache qui se poursuit maintenant depuis près d'une décennie. Le violeur a gagné toutes les manches, mais aux policiers, il suffit d'une seule.»

    «Pour mettre toutes les chances de leur côté, ils se sont attardés sur chaque trait de caractère du personnage. Ses qualités physiques et ses talents d'acrobate en premier lieu. Cela peut donner, bien sûr, des indications sur sa profession. Ouvrier du bâtiment, pompier, moniteur d'éducation physique : aucune éventualité ne peut être envisagée mais, comme le souligne un policier, sa première arme, celle qui lui permet ses coups d'audace et ses fuites, c'est avant tout la paire de baskets qu'il porte toujours aux pieds et qu'il ne quitte jamais! Le second point qui intrigue et qui inquiète, il faut le dire, c'est sa parfaite connaissance des quadrillages policiers car, à plusieurs reprises, le violeur reconnu par l'une de ses victimes qui avait prévenu la Police, avait pu passer à travers les mailles du filet, semblant connaître fort bien les faiblesses d'un dispositif. D'où l'hypothèse envisagée très sérieusement qu'il pouvait s'agir d'un représentant de l'ordre complètement dévoyé, en exercice ou qui n'était plus en fonction. Dans cette direction, les recherches n'ont donné aucun résultat... Récemment, lors d'un procès d'Assises, on a vu des dizaines de personnes venir témoigner en faveur d'un étudiant en éducation physique qui a été reconnu coupable de quinze viols!»

    Le verdict du 24 mai 1983 déboucha sur un tollé général. De sérieux incidents, relatés par la Presse régionale le lendemain, émaillèrent encore la sérénité du procès. Le Provençal relata, sous la plume d'Alex Panzani, les «violents incidents à l'énoncé du verdict» tandis que Paul Teisseire, du journal La Marseillaise, exprima ouvertement sa désapprobation: «en effet, conclut-il, après les plaidoiries revues et corrigées de la Défense, on n'entrevoyait plus de vérité suffisante pour justifier une condamnation».



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