Dominici : la piste négligée
(16/11/2007)
Le Belge qui a pris les dernières photos est encore vivant
BRUXELLES "Il existe peut-être un moyen, auquel je n'avais pas encore songé, de retrouver la 3e photo." M. Nicolas Robert, un Hutois de 87 ans, est le Belge qui, en 1952, a pris les dernières photos connues du couple anglais Jack et Ann Drummond et de leur petite Elisabeth, assassinés le 5 août 52 à Lurs. L'assassinat des Drummond allait devenir mondialement célèbre sous le nom d'affaire Dominici.
Nicolas Robert, toujours de ce monde, conserve comme le bien le plus précieux deux des trois photos vieilles de 55 ans prises à Domrémy le 29 juillet 1952 dans la cour de la maison natale de Jeanne d'Arc qu'avec un couple d'amis, les Viercet, sa femme et lui visitaient au même moment que les Drummond.
Ces photos auraient pu changer la face de l'affaire Dominici. Jusqu'en 1995, elles n'ont tout simplement pas été exploitées par les enquêteurs français. Il y a 12 ans, le Belge contacté par le journaliste français William Reymond a espéré qu'elles permettraient aux Dominici d'obtenir la révision du procès et la réhabilitation de Gaston. C'est encore l'espoir de Nicolas Robert.
Dès 1952, le Belge a pourtant fait ce qu'il fallait pour alerter les policiers français. C'est le bourgmestre d'alors de Ben-Ahin, feu M. Nicolas Jadot, qui devait leur faire parvenir le meilleur des trois clichés. Le Belge n'a jamais reçu de réponse. Et personne n'a plus jamais reparlé de ces photos... jusqu'il y a 12 ans. La photo envoyée en France a disparu. Elle ne figurait pas dans le dossier qui a valu à Dominici d'être condamné à mort en 54. Preuve, pour le dernier témoin retrouvé hier, que le dossier présenté aux jurés de Digne était incomplet.
L'intérêt des photos, c'est qu'elles montrent que les touristes Drummond qui traversaient la France de Dunkerque vers le Midi n'ont pas constamment été seuls. Au moins à Domrémy, ils ont été accompagnés par un couple d'Anglais qui, malgré l'horreur du drame, ne s'est jamais manifesté, ce qui, au final, rend ce couple suspect au moins autant que le vieux Dominici. Circonstance aggravante : la piste n'a pas été suivie et ce fut délibéré : une photo explicite a été escamotée, celle prise par Nicolas Robert que nous retrouvons hier, à 87 ans. "C'était visible à leur façon d'être que les deux couples étaient ensemble. Et puis, leurs voitures, deux breaks Hillman identiques immatriculés GB, étaient parqués côte à côte alors que le parking était vide. À un moment, ils nous ont demandé de nous écarter, en anglais, pour photographier la statue de Jeanne d'Arc. C'est en apprenant le drame de Lurs que ma femme a fait le rapprochement et que nous avons fait développer les photos. Il y en avait trois et les Anglais se trouvaient sur les trois. Sur la meilleure que le bourgmestre a envoyée en France, on voyait les deux couples et Elisabeth."
Un deuxième cliché montre, de dos, une femme en tailleur blanc - sans doute Ann Drummond - avec, photographié de côté, en discussion avec le guide, l'homme aux verres fumés qui accompagne les Drummond et qu'on voit de face sur le dernier document : nous lui trouvons l'air sévère alors qu'il semble fixer les Belges comme s'il n'appréciait pas d'être photographié. Qui est cet homme qui, malgré la médiatisation de l'affaire Dominici, ne s'est pas fait connaître et n'a jamais été identifié, même 55 ans après ?
Sur deux photos, l'inconnu porte un objet qui, sur un agrandissement, ressemble vaguement à une corne.
Le Belge qui a passé des journées à chercher les négatifs pense subitement hier à une recherche à laquelle il n'avait jamais songé. Pendant 43 ans, Nicolas Robert n'a aucune nouvelle de France jusqu'à ce qu'un journaliste, W. Reymond, lui téléphone en 1995. Au procès, le Belge, voyant que la piste était négligée, aurait pu descendre jusqu'à Lurs.
Il y a songé aussi quand de Gaulle a gracié Dominici. Hier, à 87 ans, Nicolas Robert dans son home se reproche un peu de ne pas l'avoir fait.
Source : La dernière Heure, 16 novembre 2007
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