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L'incroyable
saisie de la voiture
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Si l'on
en croit le dossier d'enquête, le coupé Peugeot
aurait été saisi à trois reprises:
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Le
5 juin 1974 vers 23 heures |
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Après avoir fouillé le véhicule, les policiers
saisissent la voiture pour la ramener à l'hôtel
de police de Marseille.
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... Mentionnons
que pour les nécessités de l'enquête,
il nous appartient de procéder à la
saisie du véhicule 304 Peugeot de couleur
gris métallisé immatriculé 1369SG06.
Ce véhicule se trouve garé dans
le garage collectif de l'immeuble occupé par
Ranucci Christian, à savoir les Floralies,
Bt F, à Nice.
...
Mentionnons
que nous conduisons le véhicule 304 Peugeot,
propriété du nommé Ranucci
Christian, à l'Hôtel de Police de
Marseille, pour les nécessités
de l'enquête, et regagnons le service.
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L'inspecteur
Robert Canonge rédige un procès-verbal de déposition
de témoin relatif à l'audition de Mme Mathon.
La seconde partie du procès-verbal atteste la
restitution de la voiture. Il est ainsi libellé:
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De
même suite, procédons à la
restitution du véhicule de marque Peugeot "304" immatriculé 1369SG06 à Mme
Mathon Héloïse. Elle en reprend possession
et nous donne acte en signant avec nous le présent
procès-verbal ...
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Le
10 juin 1974 - 8 heures 30
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L'inspecteur
Robert Canonge rédige un procès-verbal de transfert
du véhicule de Nice à Marseille.
Il y enregistre la déclaration de son collègue,
Ernest Ott, qui confirme avoir pris possession
de la voiture la veille, 9 juin, à
la sûreté urbaine de Nice.
Voici le contenu de ce procès-verbal:
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Robert Canonge, inspecteur principal
Officier
de police judiciaire en résidence à Marseille,
Vu la commission rogatoire ci-joint, en date du
4 juin 1974, de Mlle Di Marino, premier juge d'instruction
du Tribunal de Grande Instance de Marseille,
Et
relative à la procédure suivie
contre le nommé Ranucci Christian, inculpé d'enlèvement
de mineure de moins de quinze ans - Homicide volontaire.
Entendons
en son rapport verbal, le sous-brigadier de police
Ott Ernest, en fonction à la section
criminelle Nord.
Lequel,
après avoir déclaré n'être
ni parent, allié, ni serviteur de l'inculpé et
avoir prêté serment de dire la vérité,
toute la vérité, rien que la vérité,
a déposé comme suit: "Conformément
aux instructions reçues, je me suis rendu
le neuf juin mil neuf cent soixante quatorze, en
la ville de Nice. Je me suis présenté au
siège de la sûreté urbaine
de cette ville où y étant, j'ai reçu
des mains des fonctionnaires de ce service, afin
de le conduire à Marseille, le véhicule
de marque "Peugeot", immatriculé sous
le numéro 1369 SG 06. Le voyage "Nice
- Marseille" s'est effectué sans incident.
A mon arrivée à Marseille, j'ai garé ce
véhicule devant l'hôtel de police
de l'Evêché suivant les ordres reçus.
Je vous remets les clés de ce véhicule."
Après
lecture faite personnellement, persiste et signe.
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Le
10 juin 1974 - 10 heures
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L'inspecteur
divisionnaire Antoine Poli, de la sûreté urbaine de Nice, déclare par procès-verbal
se rendre au domicile de Mme Mathon pour procéder
à la saisie de la voiture.
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Antoine
Poli
Officier
de police judiciaire en résidence à Nice,
Agissant
en exécution des instructions
télégraphiques, adressées
ce jour à Monsieur le commissaire principal,
chef de la sûreté urbaine de Nice,
par Mlle Di Marino, premier juge d'instruction
au Tribunal de Grande Instance de Marseille, dans
le cadre de la commission rogatoire du chef de:
Enlèvement de mineure de moins de 15 ans
- Homicide volontaire, contre Ranucci Christian,
Nous
prescrivant de saisir provisoirement le véhicule
de marque Peugeot, type 304 S, immatriculé 1369
SG 06, ayant servi à la commission des
faits et se trouvant au domicile de la mère
de l'inculpé,
Madame Mathon Héloïse, demeurant 61
bis avenue des Terrasses de la corniche fleurie à Nice,
Nous
transportons, assisté de l'inspecteur
de police Ferrer du service, à l'adresse
sus-indiquée où étant, sommes
reçus par la dame Mathon à qui nous
déclinons notre qualité et expliquons
l'objet de notre démarche.
Et,
sans désemparer,
Entendons Madame Mathon Héloïse, divorcée
Ranucci, née le 16 septembre 1922 à Avignon
- 84 - sans profession, demeurant à l'adresse
sus-indiquée qui déclare:
"
Je prends acte que la voiture automobile de marque
Peugeot, immatriculée 1369 SG 06, qui aurait été utilisée
par mon fils Christian pour les faits qui lui sont
reprochés, doit être saisie provisoirement
par décision de justice. Je vous signale
que je suis la légitime propriétaire
de cette voiture. Je me réserve d'en solliciter
ultérieurement la restitution. Je prends également
acte que ce véhicule doit être conduit à Marseille.
Je
laisse donc à la disposition de la justice
ce véhicule, en l'état, qui m'a été remis
par les services de police de Marseille ainsi que
les clés. Je ne détiens pas la carte
grise de cette voiture, document qui a été conservé par
les services de police de Marseille.
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Le même
Antoine Poli rédige un nouveau procès-verbal
actant la remise du véhicule et sa saisie provisoire:
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Antoine
Poli
Officier
de police judiciaire en résidence à Nice,
Poursuivant l'exécution de la dite
commission rogatoire,
Constatons que la dame
Mathon, Héloïse,
nous conduit dans un box sis dans l'immeuble
et où se trouve garée le véhicule
1369 SG 06.
Avec
le consentement de la dame Mathon, l'inspecteur
Ferrer dégage la voiture de son box et en
compagnie de la sus-nommée se rend au siège
de la sûreté urbaine, 45 rue Gioffrédo,
où la voiture est garée dans la cour
intérieure. Disons que ce transport s'est
effectué sans incident.
Et,
dans le même temps,
En la présence constante de la dame Mathon,
nous saisissons provisoirement ce véhicule
et instituons le brigadier chef de poste, gardien
de cette voiture jusqu'à son enlèvement
devant être effectué par les services
de police de Marseille.
Et la dame Mathon signe avec nous le présent
en ce qui concerne la saisie provisoire et pour
avoir pris connaissance de la destination qui sera
donnée à ce véhicule.
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Très étonnantes
ces gesticulatons autour de la Peugeot 304. La
voiture est saisie "normalement" le
5 juin et menée à Marseille pour,
c'est ce que l'on pouvait supposer, un examen
minutieux. Examen très rapide en vérité puisque
le véhicule était restitué à Mme
Mathon moins de vingt-quatre heures après.
"
Un nouvel examen ayant été jugé nécessaire",
selon Mathieu Fratacci, "on a procédé ultérieurement à une
seconde saisie".
Quand celle-ci fut-elle opérée?
Mystère...
Le 9 juin, selon le procès-verbal de l'inspecteur
Canonge daté du lendemain 10 juin à 8
heures 30. Comment dès lors expliquer que
ce même 10 juin, à 10 heures, les inspecteurs
Poli et Ferrer ont déclaré, par procès-verbal,
s'être rendu chez Mme Mathon ... pour prendre
possession du même véhicule?
Dans ses cahiers publiés avec la correspondance
de son fils, Mme Mathon devait par ailleurs donné quelques
précisons tout aussi étranges: "...
Après divers examens, la voiture fut rendue.
Ce fut un journaliste de "Détective" qui
me la ramena à Nice. Je fis le voyage à ses
côtés... Il gara la Peugeot, ferma
les portes du garage et me donna les clefs. Cependant,
lorsque le lendemain matin, deux policiers de Nice
me demandèrent de leur remettre à nouveau
la voiture pour la rapporter à Marseille
... celle-ci n'y était plus. Elle avait
dû être enlevée, la nuit, par
les policiers de Marseille..."
Sans vouloir
privilégier la parole de Mme
Mathon sur celle des policiers, cet incident peut
laisser perplexe. Même si elle commettait
une erreur de date, ce n'était pas le lendemain
mais trois jours après, Mme Mathon aurait-elle
imaginé la "disparition" de la
Peugeot, sachant au moment de la révéler
c'est-à-dire bien après l'exécution
de son fils, que cela ne changerait plus rien à son
quotidien et à sa vérité?
Peut-être. Mais si l'on rapproche ses écrits
avec la datation des procès-verbaux, on
peut s'interroger.
On le peut d'autant plus
en lisant la note rédigée
par l'inspecteur Canonge, le 12 novembre 1974,
et destinée à Mlle Di Marino:
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Objet: Véhicule automobile saisi et placé devant
l'hôtel de police.
Affaire: C/Ranucci Christian
Référence: PV n° 828, du 6 juin
1974, du service.
Le
6 juin 1974, le véhicule automobile
de marque Peugeot 304, immatriculé 1369
SG 06, propriété du nommé Ranucci
Christian, avait été saisi et placé devant
l'hôtel de police.
A
ce jour et à seule fin de libérer
le parking du commissariat central, il serait utile
de remiser ce véhicule saisi dans un garage
spécialisé à cet effet.
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Ainsi,
selon ce document interne, la saisie aurait été
faite officiellement le 6 juin.
La
note de Mr Canonge semble également évoquer
une présence ininterrompue de la Peugeot 304
sur
le parking
du commissariat central.
Dans son arrêt du
9 février 1977, statuant sur la demande
de restitution de la voiture, la chambre d'accusation
de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence précisait
de son côté: "Attendu que la voiture automobile
Peugeot 304 immatriculée sous le numéro
1369 SG 06 et appartenant à Christian
Ranucci a été saisie
le 10 juin 1974 par les services de police agissant sur
commission rogatoire du juge d'instruction."
Tout ceci, avouons-le, est bien curieux. Quelle
interprétation donner à tant erreurs
ou "bizarreries"?
Difficile à dire. Sont-elles l'illustration
de manipulations visant à dissimuler quelque
chose de peu convenable? Ou ne sont-elles que
la conséquence
d'un à priori de culpabilité qu'il
convenait de confirmer au plus vite?
Citons la réflexion de Mathieur Fratacci
sur ces "discordances": "S'il
en était
vraiment ainsi, ce serait en effet inquiétant
du point de vue du respect de la légalité dans
le déroulement des opérations,
mais ça n'aurait aucune influence déterminante
sur la culpabilité ou l'innocence de l'inculpé."
Conclusion
édifiante puisqu'elle justifie le non-respect
des règles de procédure et le recours à des méthodes
que nous nous garderons bien ici de qualifier.
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