Citation :
Pourquoi s'acharner ? Une réponse peut-être ! C'est dans l'Humanité du 3 février 2001 :
Gilles Perrault : " L’honneur de la justice est d’admettre qu’elle peut se tromper "
Gilles Perrault, écrivain, auteur du Pull-over rouge sur l’affaire Ranucci, fait partie des milliers de signataires, avec Jacques Chirac, Henri Leclerc, Robert Badinter, Jeanne Moreau ou Pierre Vidal-Naquet qui demandent la révision du procès Seznec.
Pourquoi faites-vous partie des demandeurs de la révision ?
Gilles Perrault. Je crois que l’un des retards considérables de notre justice se manifeste précisément à l’occasion de ces affaires de révision. L’affaire Seznec, l’affaire Mis et Thiénot : deux jeunes condamnés après la Libération, alors qu’ils avaient été FTP, dans un climat politique épouvantable, torturés par des policiers qui avaient été au service de Vichy. La Cour de cassation se refuse à réviser ce dossier alors que le doute n’est plus permis, le coupable, connu, est décédé. L’affaire Ranucci dont par trois fois la révision a été refusée.
À quoi tiennent ces blocages ?
Gilles Perrault. Au corporatisme de la justice. Nous pensions qu’une commission de magistrats serait moins verrouillante qu’un ministre, dont les raisons pouvaient n’avoir rien à voir avec l’équité. On a eu tout faux. Les magistrats ne veulent pas que l’on puisse dire que la justice s’est trompée. Les magistrats de la Cour de cassation vous disent : " la cour d’assises est la juridiction suprême, il faut que les justiciables aient confiance en elle. Si nous révisons à tour de bras, c’est la confiance du justiciable dans la justice que nous ébranlons ". Ils ne vont pas jusqu’à dire : " plutôt une injustice qu’un désordre ", mais c’est ce qu’ils pensent. L’un des conseillers qui a refusé la révision de Mis et Thiénot m’a même dit : " Ils ont été condamnés en 1947. Si on les reconnaît maintenant innocents, vous vous rendez compte des indemnités qu’il faudra leur payer ? "
C’est lamentable. D’autant que ce n’est pas ce qu’ils recherchent.
Pour Ranucci, on m’a demandé d’être raisonnable parce que le président de la cour d’assises est mort, mais ses deux magistrats sont vivants, comme presque tous les jurés : si nous disons à ces gens-là qu’ils ont envoyé à la mort un innocent de vingt-deux ans, on brise leur vie. Comment pourront-ils supporter le regard de leurs enfants ? Ils se sont trompés peut-être, mais ils se sont trompés de bonne foi.
Je suis accessible à tous les arguments. Mais si Ranucci est innocent, il est innocent. Après tout, sa mère est vivante, elle a le droit de voir reconnaître l’innocence de son enfant. Il n’y a pas que le confort moral des jurés qui compte.
Et dans l’affaire Seznec, tout le monde est mort, l’argument ne tient pas. C’est une très bonne chose que Marylise Lebranchu ait pris cette décision. C’est une très bonne chose qu’elle ait succédé à Élisabeth Guigou, qui avait refusé de demander la révision, et qui a montré, dans l’affaire Patrick Henry, les limites de son courage.
Peut-on penser vraiment que les chaumières de France seront ébranlées quand l’innocence de Seznec sera reconnue, que la confiance en la justice diminuera ? Le dossier de l’accusation est un champ de ruines. Et on sait qui était le policier qui a mené l’enquête... Cela devrait, au minimum, inciter à la plus grande prudence.
Pour moi, l’honneur de la justice, c’est d’admettre qu’elle peut se tromper.
Entretien réalisé par E. R.
Article paru dans l'édition du 3 février 2001.
J'aime beaucoup ce texte !!
Didi
Je viens de lire un itw avec un philosophe scientifique, qui s'acharne pour la révision de ce qu'il pense être des erreurs judiciaires.
Il dit des choses, qui sont bien intéressantes, comme les remarques de Gilles Perrault le sont.
Il dit que le ministère publique sélectionne ses fonctionnaires/juristes fondé sur leur fermeté, sur leur esprit de décision, sur leur détermination, sur leur résistance à la pression publique, pas fondé sur leur amour pour la véracité. Avec ce type de gens on a exactement le faux genre. Recherches psychologiques ont montré, que ce sont des gens dogmatiques, qui ne tiennent pas bien compte de tous les arguments et qui ne supportent pas de critique.
Ça n’empêche pas, que cette type soit honnête, mais il est incompétent pour trouver la vérité. Tout court c'est le genre , qui ne se rend pas compte qu'il ment, quand il dit que soleil se couche. La majorité des erreurs judiciaire ont pu être évitées, si les juges d'instructions auraient été plus vigilants et s'ils avaient vraiment cherché la vérité ainsi formant un tampon entre la police trop zélée et le tribunal ignorant.
Il dit également, qu'un nombre de petites adaptations/ simplifications fait par la police, cause parfois un résultat totalement différent et allant dans le sens de la culpabilité, jamais dans le sens de l'innocence.
L'argument de Gilles Perrault, que Madame Mathon a également droit de voir reconnaître l'innocence de son fils ne vaut plus. Je me demande donc est-il suffisant de continuer la lutte à sa mémoire ?
Pour moi si, mais c'est également l'injustice, que je ne supporte pas. Si c'est l'injustice ne serait-il plus malin, de s'engager pour Omar Radad ou Daniel Massé ? Je ne sais plus.