Citation :
Extraits du Var Matin du 23 juillet 1976:
LE MAXIMUM DE MOYENS POUR UNE ENQUÊTE DIFFICILE (encadré en orange)
VÊTU D’UN SEUL SLIP DE BAIN
Au moment de son rapt, Vincent n’était vêtu que d’un seul slip de bain jaune. Il était pieds nus et portait ses baskets bleu et blanc à la main ;
UN INCONNU AU PRADET
A tous ceux, enfants, comme grandes personnes, nous avons posé la même question. Connaissez-vous ou avez-vous déjà vu au Pradet, un homme répondant au signalement du ravisseur ? Et toutes les réponses furent négatives. Jamais personne n’a vait vu au Pradet un individu correspondant à cette description et circulant à bord d’une voiture de sport bleu métallisé.
DES TÉMOIGNAGES QUI NE CONCORDENT PAS
Comme dans toutes affaires criminelles, on peut mesurer la fragilité des témoignages humains. Ainsi pour la voiture
- C’est une Alpine – disent certains avec assurance.
- C’est une Capri – rétorquent d’autre avec non moins d’assurance.
Et quelques uns de surenchérir – Pas du tout, c’est une DS.
Cependant l’unanimité se fait quant à la couleur « bleu métallisé » et au « 13 » du numéro d’immatriculation.
Mais rechercher une telle auto, et surtout en cette période de l’année qui voit sur les routes, un nombre extraordinaire d’autos de ce genre sillonner les routes, revient à chercher une aiguille dans une botte de foin.
Il est vrai que parfois on trouve l’aiguille ! La chance et le hasard aidant.
Divergence aussi sur l’heure du rapt.
Une jeune fille ayant assisté à la scène de l’enlèvement est précise. « J’ai vu monter dans l’auto Vincent et Michel Ange à 21 heures. Je m’en souviens car le film ‘’L’homme d’acier’’ devait être donné ce soir là à la télévision, à cette heure là et je tenais à le voir. Et on l’avais déjà annoncé. »
« Il était environ 20h30 », affirme une autre jeune fille.
Démêler le vrai du faux, distinguer entre la vérité et l’affabulation est une des tâches essentielles des enquêteurs. Et ce n’est pas la plus facile.
LA PLAGE DES OURSINIÈRES
On a parlé pendant un certain temps de la plage des Oursinières. Pourquoi ?
Mlle Bernadette Morillas qui a entendu le ravisseur dire aux deux frères « Montrez-moi la plage », devait préciser son témoignage par la suite en ajoutant
« Montrez-moi la plage des Oursinières ».
Ce témoignage est en quelque sorte consolidé par celui d’une femme. Elle tient énergiquement à conserver l’anonymat, mais elle aussi assista à la scène, sans cependant, étant trop éloignée, entendre la phrase dite par l’inconnu. Et elle confirme qu’effectivement, dès que les enfants furent montés dans l’auto, celle-ci pris la direction de la plage des Oursinières. Il est vrai que par la suite, elle a pu bifurquer et modifier sa direction.
18 BRIGADES DE GENDARMERIE SUR LE TERRAIN
Dès que l’alarme fut donnée, dans la nuit de mercredi à jeudi, vers minuit, Ce fut dans la compagnie de gendarmerie de Toulon le grand branle-bas.
Le lieutenant Catanéo, commandant par intérim la compagnie, alerta immédiatement les quinze brigades qui la composent, ainsi naturellement que la brigade des recherches. Le chien de la gendarmerie fut également amené sur les lieux. De ce temps, l’adjudant Beulque, commandant la brigade du Pradet, s’était livré aux premières constatations et avait recueilli les premiers témoignages, encore flous et imprécis.
Au petit matin, l’adjudant chef De Saintjean, major de la compagnie, avait installé son PC à la brigade du Pradet et coordonnait les recherches.
Des barrages avaient été dressés sur les routes, toutes les voitures de sport ‘’bleu métallisé’’ faisant l’objet d’une fouille minutieuse, cependant que le chauffeur était brusquement interrogé sur ses allées et venues, l’objet de sa présence sur le littoral, etc…
Peu après, le commissaire principal Guilpain, chef de l’antenne varoise du SRPJ arrivait, accompagné de l’inspecteur de service. Enfin, M. Pouget juge d’instruction chargé par le parquet de Toulon de cette affaire survenait à son tour.
« Rien, absolument rien ne sera négligé pour retrouver l’enfant », devait-on nous dire.
Un signe qui inquiète les enquêteurs, aucune demande de rançon n’a été formulée.
A partir de ce fait, le pire est à redouter.
Et si Vincent avait été enlevé par un sadique, un fou sexuel ? on a encore en mémoire l’affaire Ranucci de Marseille, qui enleva une fillette. Et plus près de nous encore, dans le temps, l’affaire de Troyes.
Au fil des heures, hier, alors que la journée s’écoulait, que les recherches restaient vaines, l’inquiétude, l’angoisse même, gagnaient les enquêteurs.
AVEC LES PARENTS DE VINCENT
Dans l’après midi, nous avions repris le chemin de l’appartement de M. et Mme Gallardo.
Les pauvres gens sont accablés, effondrés par le malheur qui a soudainement fondu sur eux… la maman surtout est terriblement frappée. Elle pleure… « Pourquoi nous avoir fait ça…Pourquoi ? » Le père, lui, va et vient, serrant nerveusement ses mains, l’une contre l’autre. Il ne parle pas. Sur le divan, toujours, toujours sous l’effet du choc, Michel Ange regarde sans sourire… On ne sait trop quoi. Les autres enfants, conscients du drame qui s’est déroulé, discutent entre eux. A voix basse… Des voisins se présentent. Ils disent de pauvres mots, gauchement, pour atténuer cette grande douleur. Et nous-mêmes, intimidés, nous n’osons rien dire.
CONFRONTATIONS DE TÉMOINS
Gendarmes et gendarmes mobiles, aidés de motards de la route, fouillent chaque plage, chaque crique ou alors s’enfonçant dans l’intérieur, cherchant dans les bois, ou dans les HLM ‘’Le Clos Meunier’’ et ‘’Le Monaco’’, font patiemment du porte-à-porte à la recherche d’un renseignement, d’un indice, qui si minime soit-il peut s’avérer par la suite être capital. Et pendant ce temps, une confrontation générale de tous les témoins avait lieu à la gendarmerie, en présence de l’adjudant chef De Saintjean, de l’adjudant Beulque et des inspecteurs de la police judiciaire de toulon.
UNE VERSION INÉDITE
Peut-on chercher dans le dépit amoureux l’origine de ce rapt odieux ? C’est une version inédite que nous donnons sous toute réserve. Elle est d’une fragilité extrême. Mais dans une affaire de cette dimension, et en l’absence totale de toute piste, on recueille tous les renseignements possibles et imaginables, même les plus invraissemblables.
La semaine dernière, un incident minime en soi se produisit au ‘’Clos Meunier’’. Un jeune homme demeurant à Toulon, importunait Raymonde, une des filles de M. Gallardo. Le père le pria de la laisser tranquille. Il partit.
Lundi dans l’après midi il revint au ‘’Clos Meunier’’. Apercevant Lysiane, une des sœurs de Raymonde, il lui pinça les joues et l’invita à monter sur sa mobylette. Elle refusa. Mardi, enfin, on le revit, une troisième fois.
Ce témoignage a-t-il quelque valeur ? Et peut-il être pris en considération ? L’avenir nous le dira.
Henri Ceccaldi
Hier après minuit, plusieurs véhicules de la gendarmerie de Toulon continuaient de patrouiller aux environs du Pradet, dans l’éventualité, hélas, peu probable, où le ravisseur sortirait d’une hypothétique cachette et mettrait à profit l’obscurité pour tenter de quitter la région.
LE SIGNALEMENT DU RAVISSEUR (encadré en bleu)
- Entre 40 et 50 ans
- 1,70m environ
- Cheveux grisonnants et petites moustaches
- Vêtu d’une chemise bleu ciel et d’un pantalon gris
En interrogeant les enfants qui, on le sait, sont d’excellents observateurs, on devait peu à peur reconstituer la scène de l’enlèvement. Et c’est ainsi que nous apprîmes que Michel-Ange avait lui aussi été enlevé. Mais il devait être rapidement libéré par le ravisseur.
Mlle Odette Morillès, jeune fille de 18 ans, demeurant, elle aussi au Clos Meunier dans l’immeuble mitoyen du H16, a pu voir de très près le ravisseur ; Elle l’a rencontré. Elle nous a fait un récit détaillé :
« Vers 8h30, 8h45 du soir, je ne sais plus très bien exactement, je me trouvais derrière l’immeuble. C’est alors que j’ai vu la voiture… je ne connais pas très bien les marques des autos… C’était peut-être une Alpine, ce que je sais, et j’en suis sûre, c’est que c’était une voiture de sport, bleue métallisé. Je n’ai pas spécialement remarqué le numéro d’immatriculation, mais il se terminait par un 13.
« La voiture est passée lentement à ma hauteur à ma hauteur, tout près de moi…le conducteur m’a regardé fixement. Il a arrêté son auto et est descendu. Il s’est trouvé à moins d’un mètre de moi. Alors, vous pensez si j’ai pu le détailler et le dévisager ! »
« je peux vous le décrire comme si je le revoyais. Il n’était pas très grand… 1,67m… 1,68 peut-être… Il avait les cheveux grisonnants, le front haut et portait de petites moustaches. Il était vêtu d’une chemisette bleu-ciel et d’un pantalon gris. »
« Il m’a regardé pendant un moment puis est passé, à pied, sans se presser devant moi. »
Le manège m’a semblé drôle. Je me suis dit qu’il voulait me ‘’draguer’’, alors je suis partie et j’ai pris le chemin de ma maison qui se trouvait à 200 mètres de là. »
« Il m’a suivie. Je l’ai regardé de travers, méchamment. Il est alors remonté dans sa voiture qui a démarré… »
Ce signalement que Mlle Odette Morillas nous donne du ravisseur correspond point par point à celui fourni par les enfants qui assistèrent au rapt.
LE SIGNALEMENT DONNÉ PAR LA GENDARMERIE
Voici le signalement lancé par la compagnie de gendarmerie de Toulon à tous les services de police concernant l’auteur du rapt de l’enfant Vincent Gallardo (8ans).
Taille 1,70m environ, âgé d’environ 45 ans, portant une petite moustache, vêtu d’un pantalon gris et d’une veste coupe classique grise, chemise bleu-ciel, lunettes de soleil.
Circulait à bord d’un véhicule de genre Alpine Matra bleu métallisé, probablement immatriculée ‘’13’’. Il y avait peut-être sur le siège avant une rabane de plage.
La gendarmerie de Toulon fait rechercher une Alpine Renault immatriculée 2043 GD 13 bleu métallisé et volée Grans (bouche du Rhône) le mardi 20 juillet, ayant des décalcomanies sue l’aile avant gauche et dotée d’un pare-soleil portant une inscription publicitaire ‘’guilhas''.
Est également recherchée une MG bleue, volée à Toulon et immatriculée 7615KG 83.
Edwige Andréani
ANGOISSE AU PRADET (encadré en jaune)
Un enfant de six, Vincent, enlevé au Pradet, alors qu’il faisait encore jour, sous les yeux de ses petits camarades avec lesquels il jouait dans la cour du ‘’Clos Meunier’’ où il demeure.
La nouvelle se répandit rapidement dans la petite station balnéaire. Elle bouleversa non seulement ses habitants, mais aussi les très nombreux estivants qui l’ont choisis comme lieu de vacance.
Et tous de se poser la même question angoissante : pourquoi cet enlèvement ?
Sera-t-il assorti d’une demande de rançon ?
Vingt-quatre heures après le kidnapping, le kidnapper ne s’était en aucune façon manifesté.
Et quelle rançon exiger des parents ?
Le père, Pierre Gallardo, est un modeste ouvrier maçon, travaillant dans l’entreprise Almonetti. Son salaire et les allocations familiales lui permettent tout juste de faire vivre décemment ses huit enfants.
Si l’on écarte la rançon, reste alors le geste, redoutable et inquiétant d’un sadique. Et alors dans cette éventualité que l’on ne peut à priori, repousser, tout est à craindre, même le pire.
Toutes les brigades de gendarmerie de la région, tous les services de police ont été alertés. Mais, hier, les recherches de grandes envergures menées énergiquement n’avaient pas abouti.
Et pendant ce temps, un père, une mère, en pleurs, en proie aux affres de l’angoisse attendent.
Et espérant que leur petit Vincent leur sera ramené bientôt. Sain et sauf.
Edwige Andréani
IL EST 20H30 : « MAMAN, OÙ EST VINCENT ? » (encadré en vert)
A main gauche, en entrant dans le Pradet, venant de Toulon, s’élève un groupe de HLM, fait d’immeubles de modeste hauteur. C’est le Clos Meunier.
Au deuxième étage du bâtiment H16 demeure la famille Gallardo. Famille modeste s’il en est.
Le père Pierre, petit de corpulence, mince, le visage orné d’une brève moustache, est ouvrier-maçon et travaille pour le compte de l’entreprise Almonetti à qui il donne entière satisfaction. Sobre et travailleur, il est estimé de tous ceux qui le connaissent depuis 14 ans qu’il s’est installé au Pradet ;
C’est un couple en pleurs que nous trouvons hier matin. La mère, Marie Antoinette, une femme jeune encore, au visage régulier, vêtue d’une robe bleue marine de coupe sobre, est entourée de tous ses enfants. Elle en a huit… Seul Vincent, l’avant-dernier manque. Où est-il à l’heure où elle nous parle : « Dieu seul le sait… » ne cesse-t-elle de murmurer en essuyant ses larmes.
Les frères et sœurs de Vincent sont là, n’osant ni parler, ni sourire… Il y a Marie-Pierre, Raymonde, Manuel, Brigitte, Lysiane, Christophe et Michel-Ange.
Michel-Ange ! Trois ans !
Lui aussi a été enlevé par le mystérieux inconnu. Et relâché au Monaco, à proximité du jeu de boules, à deux cent mètres de là… Car tout s’est passé, dans la cour du clos Meunier en présence de nombreux enfants, qui n’ont pas tous compris qu’un drame se nouait sous leurs yeux.
Elle sait peu de choses de l’enlèvement de Vincent, Mme Marie-Antoinette Gallardo, et ce qu’elle sait, elle le tient du récit que lui ont fait les petits camarades de son fils.
Il était 20h30 environ, mon mari était dans la maison. Il dormait, fatigué par une dure journée de travail. Moi, je préparais les petits pour le lit… Les enfants jouaient avec leurs camarades, des voisins. Ils font ainsi tous les soirs.
« …J’ai envoyé ma grande, Brigitte, dire à Vincent et à Michel-Ange de monter parce que c’était l’heure de se mettre au lit…Elle est descendue et a appelé ses frères et sœurs.
A un certain moment, elle m’a demandé d’en bas : « Maman où est Vincent ? » Ça m’a étonné.
J’ai répondu : « Il n’est pas avec vous ?
« …Non, il n’était pas avec eux.»
J’ai réveillé mon mari et avec des voisins nous avons commencé à le chercher…A minuit nous ne l’avions pas trouvé. J’étais morte d’inquiétude et alors j’ai couru jusqu’à la gendarmerie où j’ai tout raconté…Tout de suite, les gendarmes ont commencé à chercher…Depuis, nous attendons… » et elle éclate en sanglots, en murmurant à travers ses larmes : « Où il est mon Vincent… Où il est ? ».
Il avait disparu, il avait été enlevé.
« MONTRE-MOI LA PLAGE ! »
Bernadette Mourillas, âgée de 14 ans, nous a révélé pour sa part, que le petit Miche-Ange avait lui aussi été enlevé. Mais il devait être libéré presque immédiatement.
Ecoutons-la…
« J’étais sur mon balcon d’où l’on voit la cour du clos Meunier. On entend même ce que l’on dit.
Tous les frères de Vincent et lui aussi s’amusaient. J’étais avec eux au jeu de boules et on était revenu en chantant comme on le fait tout le temps.
A un moment donné, les garçons sont entrés dans le couloir du H16. Vincent et Michel-Ange sont ressortis quelques instants plus tard.
C’est alors qu’une auto est arrivée. Elle venait du côté de la sortie du Pradet vers Carqueiranne. C’était une voiture de sport, genre Alpine, bleu métallisé, avec un 3 à la fin du numéro d’immatriculation.
Elle a atteint l’immeuble H17 et s’est arrêtée devant Vincent et Michel-Ange. Et j’ai parfaitement entendu le conducteur dire aux deux petits : « Montrez-moi la plage !» Ils ont accepté. Ils ont fait le tour de la voiture. Le chauffeur a ouvert la portière droite. Il les a fait monter et il est parti très vite au bout de la cour, il a tourné pour prendre la route… »
MICHEL-ANGE EST LIBÉRÉ
C’est Mimoun qui devait retrouver Michel-Ange. C’est un petit Algérien blond, à la mine éveillée. Il nous dit comment il a retrouvé Michel-Ange, qui rappelons-le n’a que trois ans :
« Je l’ai aperçu près du Monaco. Il pleurait. Je lui ai demandé pourquoi. Il m’a répondu : « La voiture… ! La voiture… ! » Il ne savais dire que ça. Je l’ai pris par la main et je l’ai ramené chez lui. C’est tout ce que je sais. »
Précisons que le Monaco est lui aussi un groupe de HLM jouxtant le Clos Meunier. Michel-Ange fut abandonné par le kidnappeur à deux cent mètres de chez lui !
Nous l’avons vu dans le living de ses parents. A chaque question que nous lui avons posée, relativement à cet enlèvement, il se contentait de nous regarder de ses grands yeux sans nous répondre. Malgré son tout jeune âge, il a été profondément traumatisé et est incapable de fournir le moindre renseignement. Et si l’on insiste, il éclate en sanglots.
Edwige Andréani
Citation :
Extrait du Var Matin du 24 juillet 1976:
VINCENT ASSASSINÉ !… (encadré en vert)
Vincent est mort noyé… Tel est le résultat affreux de l’autopsie, pratiquée hier soir de 19h30 à 12h30, par les docteurs Robert et castella. Mais il n’a subi aucune violence sexuelle. Faible, très faible consolation pour les parents terrassés par la douleur.
On n’a pu avec exactitude, établir quand remonte la mort. Elle se situerait très approximativement entre 21heures jeudi et 1h30 vendredi, heure à laquelle un témoin aperçut dans le faisceau de ses phares, l’assassin porter sur son épaule Vincent, inconscient.
Mais encore vivant.
Et le suspect ?
On n’avait, cette nuit, pratiquement plus aucune charge contre lui. C’est bien l’homme qui, au Pradet, brûla un feu rouge, hier matin à 7 heures, après avoir eu un incident avec un patron de bar. Il le reconnut, mais ajouta t-il pour s’excuser »j’étais pressé ».
Il a fourni, de plus, un alibi qui, vérifié, s’avère exact sur son emploi du temps, mercredi et plus particulièrement sur la soirée de ce jour terrible. Il dit où il se trouvait et avec qui, entre 20 heure et 21h30…
Ainsi donc, il faudra aux enquêteurs repartir à zéro, cette piste étant sur le point de s’effondrer.
Arrêtera-t-on un jour, plus ou moins proche l’assassin de Vincent ?
Un vieil adage policier veut que si dans les 48 heures on n’élucide pas les affaires de ce genre, on ne les élucide, pratiquement plus.
Roland Tardy (?)
28 HEURES D’ATTENTE ET D’ANGOISSE (encadré en bleu)
Comme on le redoutait, l’enlèvement du Petit Vincent Gallardo a débouché sur la plus affreuse des tragédies.
Aux premières heures de la matinée, trois cantonniers de la ville d’Hyères, affectés au nettoyage des plages, ont découvert son cadavre, jeté sur des algues, entre deux rochers, en bordure de la route du Sel qui longe la mer.
Vers 9 heures, on apprenait qu’un agent du corps urbain de Toulon avait intercepté, place Noël-Blache, un automobiliste répondant au signalement du ravisseur et circulant à bord d’une R17…bleu métallisé. Mais immatriculé dans le Var.
Allait-on très rapidement vers le dénouement de ce drame qui confond l’imagination, fair reculer les bornes de l’horrible et plonge dans la plus profonde des douleurs humaines une modeste famille d’ouvriers ?
On le crut longtemps. Pendant de longues heures, conduit au siège de la police judiciaire de Toulon, interrogé, confronté avec les témoins du rapt, en majorité des enfants, conduits aux alentours de midi, menottes aux poignets, au commissariat central de police…
Tout permettait d’espérer que l’auteur de ce crime avait été arrêté… Déjà on se réjouissait. Cependant qu’au Pradet, où s’était installé une psychose de l’enlèvement d’enfant, on éprouvait un sentiment de soulagement, mais aussi de la colère. On criait vengeance.
Tôt hier matin, un gendarme de la brigade du Pradet, se présentait au domicile de M. e Mme Gallardo. Il était porteur de la terrible nouvelle qu’il annonça avec quelques ménagements.
Un voisin devait nous dire…« J’ai entendu Mme Gallardo hurler de douleur, aux cris se mêlaient des sanglots… »
Toute une famille, étroitement unie, pleurait la mort de Vincent. Et nous entendions la maman qui, jeudi matin, nous disait : « Qu’il me le rende, mon petit, qu’il me le rende…Je lui pardonne tout… »
Le ravisseur qui aujourd’hui est un assassin, a rendu Vincent. Mais il l’a rendu mort…
Tout le monde hier, au Pradet, était plongé dans l’affliction. Et tous se répétaient les circonstances du rapt.
Rappelons-les.
Mercredi…la journée s’achève…Dans la cour du Clos Meunier, des enfants jouent. Parmi eux, Vincent, 6 ans, aux cheveux presque blonds, aux yeux clairs, et son petit frère Michel-Ange, 3 ans.
Une auto pénètre dans la cour. Jamais personne ne l’a vue. Comme jamais personne n’a vu le conducteur, un homme de 1,68…1,70 m… cheveux grisonnants, front découvert, petite moustache…vêtu d’une chemisette bleu-ciel, d’un pantalon gris.
Une jeune fille de 18 ans, Odette, le décrit très minutieusement. Une demi-heure avant le rapt, l’inconnu l’apercevant, l’a longuement dévisagée avant de mettre pied à terre et de la suivre. « Il est passé à un mètre de moi » nous a-t-elle déclaré. Aussi, j’ai pu le détailler parfaitement.
Revenons à Vincent et à Michel-Ange. L’auto s’est arrêtée à leur hauteur. L’inconnu se penche par sa portière : «Montrez-moi la plage ! ». Ils acceptent, montent dans l’auto qui démarre aussitôt, prenant une direction que l’on ne peut alors déterminer.
Un demi-heure plus tard, le jeune Mimoun rencontrait devant le Monaco, HLM jouxtant le Clos Meunier, Michel-Ange. Il pleurait, ne sachant que dire : « Vincent…Vincent !… »
Justement…Vincent ?
L’inconnu l’avait enlevé.
200 GENDARMES ET POLICIERS
Les parents, leurs voisins, le cherchèrent…longtemps…Jusqu’à minuit…Vainement.
En proie à l’angoisse, ils alertèrent alors la gendarmerie. Le maréchal des logis-chefs Moulinès déclencha aussitôt le dispositif de recherches…
Mais c’est avec un handicap de trois heures que la machine judiciaire s’ébranla. Et en trois heures, une voiture de sport fait de la route.
Mais cette auto ? Quel était sa marque, son type ?
Des témoins l’avaient aperçu. Rapidement, mais parmi eux, les enfants étaient nombreux…Pour eux, toutes les voiture se ressemblent…aussi diverses marques furent avancées : Alpine-Renault, Ford Capri, RDS et aussi R17.
Tous cependant, concordèrent sur sa couleur, bleu métallisé. Et le nombre 13, immatriculation des Bouches du Rhône qui terminait son numéro minéralogique.
200 gendarmes, gendarmes mobiles, sous les ordres du major Desaintjean et de l’adjudant Beulque, chef de la brigade, des inspecteurs de la police judiciaire de Toulon, avec le commissaire principal Guilpain et la brigade canine de la gendarmerie, furent mobilisés.
Tout l’arrière-pays fut ratissé…Les criques et les calanques du littoral fouillées !… Rien !
La nuit tomba… Le rythme et la cadence des recherches s’abaissèrent. Mais des hommes continuèrent cependant, de chercher…
VINCENT ASSASSINÉ
Cette nuit de jeudi à vendredi devait-être capitale. Elle vit l’enlèvement se doubler d’un assassinat.
On devait retrouver Vincent.
Mort ! Assassiné ! En bordure de la route du Sel, à Hyères.
UN SUSPECT INTERPELLÉ A TOULON
La chance jouait-elle en faveur pour les policiers ? Il faut le souhaiter, car, tout, hier, alla très vite.
Le corps du malheureux petit Vincent fut découvert par des cantonniers hyérois, chargés du nettoyage des plages, à 7 heures du matin.
Vers 8h30, un incident étrange se produisit dans un bar du Pradet. Un individu répondant au signalement du ravisseur, qui était maintenant un assasssin, circulant ç bord d’une voiture de sport, bleu métallisé, commande un café, engagea la conversation avec le patron à qui abruptement, il dit :
« On a retrouvé Vincent mort. »
« Comment le savez-vous ? » lui répondit, soupçonneux, le patron.
« Je l’ai entendu à la radio… »
Sur quoi, il quitta précipitamment l’établissement.
9h15, une R17 était interceptée à Toulon place Noël-Blache, par un agent du corps urbain. Au volant, un conducteur…grisonnant, petite moustache…Tout le portrait du ravisseur…Il fut conduit au commissariat central. Pendant que sa voiture, après avoir été fouillée, était livrée à l’identité judiciaire pour qu’elle essaie de relever d’éventuelles empreintes d’enfant, le suspect était remis au commissaire Guilpain qui entreprit son interrogatoire.
LE SUSPECT NIE ÉNERGIQUEMENT
A 15 heures, un coin du voile était levé.
D’abord, une certitude absolue. En procédant par recoupement on sait, aujourd’hui, d’une façon certaine, que la voiture utilisée par le ravisseur est une R17…
Et le numéro 13 ?
La certitude n’est pas aussi absolue. On éprouve quelques doutes. Et ce ‘’13’’ pourrait être finalement un 83.
Quelles sont les réactions du suspect ?
Il est très calme, décontracté même. Et il nie énergiquement être le ravisseur-assassin.
Enfin la question capitale : a-t-il été reconnu par les témoins ?
On a déjà procédé a de nombreuses confrontations. Dans l’ensemble, elles sont pour la police négatives. C'est-à-dire favorables au suspect. Il n’a pas été formellement reconnu. Mais il ne faut pas oublier que ces témoins sont, pour la plupart, des enfants.
Mais Odile, qui a été suivie par le ravisseur, n’est plus une enfant. Elle a 18 ans !
Réponse tranchante : nous ne l’avons pas encore confronté avec lui.
Et le patron de bar ?
Même réponse.
En conclusion : « Il nous reste encore un énorme travail à faire. Très délicat. C’est une affaire d’une gravité extrême. Nous devons encore vérifier les alibis, procéder à de nouvelles confrontations, comparer les empreintes relevées sur la R17. Cela demande du temps…
« Comptez-vous le relâcher ? »
« La loi nous autorise à le garder quarante-huit heures après accord avec les magistrats ».
Un EMPLOI DU TEMPS DE 28 HEURES
Vincent a été enlevé mercredi 21 juillet à 20h30.
Vendredi matin, à 1h30, route du Sel, un témoin prenait dans le faisceau de ses phares la silhouette de l’assassin portant sur son épaule droite le corps nu et sans vie de Vincent.
De l’enlèvement à cette scène vingt-huit heures se sont écoulées.
Et des questions se posent, venant tout de suite à l’esprit.
Qu’a fait le suspect N°1 pendant les vingt-huit heures ?
Il a travaillé et il a un emploi fixe, déterminé et régulier.
Il a une famille. Des amis.
L’affaire est toute récente. Il se souvient de son emploi du temps. Il peut justifier de sa présence à tel ou tel endroit. Des rencontres qu’il fit. Et ceux qu’il rencontra, avec qui il s’entretient, se souviennent aussi. Il peut donc, aisément, justifier de son emploi du temps au cours de ces dernières vingt-huit heures.
D’autres questions se posent, et se poseront, que le suspect N°1 soit ou ne soit pas, en définitive, coupable.
Où alla-t-il avec Vincent pendant ces fatidiques vingt-huit heures ?
Il ne le tua pas tout de suite, ni même jeudi. Le crime dut avoir lieu aux alentours de vendredi 1h30 du matin. Apparemment, en effet, la mort ne remontai qu’à quelques heures quand le cadavre fut découvert.
Où le ravisseur a-t-il conduit Vincent ? En quel endroit du Var s’est-il dissimulé avec lui ?
Et enfin, la dernière et la plus horrible des questions… Quand le tua t-il ? Et comment ?
Henri Ceccaldi
NOYÉ AU COURS DE LA NUIT DE JEUDI À VENDREDI (encadré en violet)
L’autopsie pratiquée hier soir de 19h30 à 21h30, du petit Vincent par les docteurs Robert et Castellas, en présence de MM Pouget, juge d’instruction, le commissaire Guilpain et le major Desaintjean, a apporté des réponses aux trois questions que l’on se posait après la découverte du cadavre.
Comment et quand est mort Vincent ? A-t-il subi des violences sexuelles ?
Vincent est mort noyé dans la mer. La présence d’eau salée dans ses poumons le prouve sans doute possible.
Son visage était marqué et portait quelques blessures d’où le sang avait coulé. Cela s’explique par le fait que le cadavre fut à plusieurs reprises roulé par les vagues et projeté contre les rochers. Un détail : dans des excoriations du visage, on devrait découvrir des larves de crevettes ! Ce qui confirme l’hypothèse des vagues roulant et submergeant le corps.
Enfin, Vincent n’a subi aucune violence sexuelles.
Mais quand a-t-il été tué ?
Les deux médecins n’ont pu apporter de réponses précises. Ils estiment que la mort est survenue entre 21 heures jeudi et 1h30 vendredi.
Pourquoi vendredi 1h30 ? parce que c’est le moment où un témoin saisit route du Sel, dans le faisceau de ses phares, la silhouette d’un homme portant sur son épaule un enfant inconscient. C’était l’assassin s’apprêtant à noyer Vincent encore en vie ! Du moins, le suppose-t-on.
QUE FIT L’ASSASSIN JEUDI ?
Si l’on s’appuie sur les résultats de cette autopsie, on sait, aujourd’hui, que l’assassin garda auprès de lui Vincent vivant du mercredi 20h30 au jeudi 21 heures.
Et peut-être même au-delà étant donné que l’on ne peut situer qu’approximativement l’heure de la mort.
D’évidence, le ravisseur ne jouit pas de toutes ses facultés mentales. C’est un déséquilibré. Disons-le tout net. Or les déséquilibrés ont des réactions imprévisibles et qui échappent à toute logique. Aussi, on ne peut comprendre, ni savoir quel fut son comportement vis-à-vis de Vincent, après qu’il l’eût enlevé jusqu’au moment où il le noya.
Pendant un minimum de 24 heures, le fou et l’enfant vécurent côte à côte… Seul l’assassin si on parvient à le découvrir dira ce que furent ces heures. Mais l’arrêtera-t-on ?
ET LE SUSPECT ?
Le suspect est toujours en garde à vue. Toute la journée, il a été interrogé, confronté avec des témoins, cependant que les alibis qu’il fournissait sur ses allées et venues au moment de l’enlèvement étaient vérifiées avec un soin extrême.
C’est une affaire extrêmement grave, délicate. Et difficile. Le coupable encourt la peine de mort ; Car l’enlèvement d’un enfant, suivi de son assassinat est un crime que personne ne pardonne et pour lequel on réclame d’ordinaire, le châtiment suprême.
Nous disons par ailleurs, comment ce suspect fut intercepté, place Noël-Blache, hier matin, à 9 heures. Nous disons aussi, que deux heures auparavant, un individu répondant au signalement de l’assassin avait brûlé un feu rouge au Pradet, après avoir eu une altercation avec un patron de bar, justement au sujet du rapt.
Il reconnu sans difficulté, être cet individu. « J’étais pressé… », invoqua-t-il pour sa défense.
On le confronta avec des témoins, des enfants pour la plupart. Certains reconnurent en lui le ravisseur. D’autres non, mais le témoignage est toujours sujet à caution.
On le confronta avec la jeune fille qui avait été suivie, ‘’draguée’’, car l’assassin, comme elle l’avait dit : « Je le reconnaîtrais facilement, je l’ai très bien vu, car il s’est trouvé à un mètre de moi ».
On le mit en présence du suspect. Elle ne fut pas affirmative, mais vit en lui certains traits de ressemblance avec le ravisseur. Mais, très honnêtement, elle avoua être incapable d’affirmer que c’était l’inconnu du Clos Meunier. Restait l’emploi du temps du suspect, et ses alibis. Que faisait-il, où était-il, mercredi entre 20 heures et 21h30 ? il le dit, sans difficulté, cite les personnages se trouvant en sa compagnie. On vérifie immédiatement. Son alibi se trouve confirmé.
L’espoir qu’avaient les policiers de tenir le coupable tomba. Et hier soir, à 23 heures, ils estimaient qu’il n’y avait pratiquement plus aucune chance que ce suspect soit le coupable.
Par mesure de sécurité pour lui-même, mais aussi pour procéder à d’ultimes vérifications, le commissaire Guilpain, en accord avec M. Pouget, juge d’instruction, le garda à sa disposition toute la nuit. Il est vraisemblable qu’il sera libéré aujourd’hui, à moins qu’un fait nouveau ne surgisse et ne remette tout en question.
Magistrats et enquêteurs n’étaient pas cette nuit optimistes… « Il nous faut repartir à zéro », disaient-ils… « Reprendre toutes l’affaire à son début ». ce qu’ils feront, si le suspect est définitivement hors de cause, comme tout le laisse supposer.
En espérant que la chance leur sourira enfin.
Edwige Andréani (?)
9h15, PLACE NOËL-BLACHE ARRESTATION DU SUSPECT N°1 (encadré en orange)
9h15, place Noël-Blache, à Toulon, hier matin. La circulation, contrairement à l’accoutumée, est relativement fluide. Une voiture R17 de couleur bleue arrive au carrefour en provenance de l’autoroute Est.
Immédiatement surgit un policier du corps urbain, très rapidement rejoint par plusieurs de ses collègues. Le conducteur de la voiture est fermement prié d’abandonner son véhicule et de suivre les agents jusqu’au commissariat central.
Un suspect, le suspect n°1, pourrait-on dire, vient d’être appréhendé.
La voiture de patrouille à bord de laquelle l’homme a été invité à monter envoie un message radio au commissariat central. A la sûreté, les enquêteurs sont à l’écoute du ‘’mouchard ‘’, terme qui désigne dans le jargon professionnel un petit récepteur filtrant toutes les communications, entre le central et les véhicules du corps urbain. C’est ainsi qu’on apprend très rapidement l’identité et l’adresse de l’intéressé, c’est-à-dire d’un homme répondant au signalement du ravisseur-meurtrier et propriétaire d’une automobile qui présente au moins des analogies avec celle dont les jeunes témoins du drame ont fait état.
S’agit-il réellement de l’assassin ? C’est évidemment ce que les enquêteurs de l’antenne PJ, commissaire Guilpain en tête, et les gendarmes de la brigade des recherches vont s’efforcer d’établir. C’est pour cette raison, notamment, que ce ravisseur éventuel va être littéralement kidnappé à son tour, c’est-à-dire entièrement soustrait à la professionnelle curiosité des journalistes.
Conduit directement à l’antenne PJ, avenue de la Victoire, l’individu allait durant toute la matinée répondre aux questions des enquêteurs. Le major Dessaintjean, de la compagnie de Toulon, l’adjudant Vedeau de la brigade des recherches participèrent à ces vérifications et le lieutenant colonel pelpin, commandant la gendarmerie du var se rendit d’ailleurs lui-même sur place.
Plusieurs témoins et même des membres de la malheureuse famille Gallardo furent confrontés au suspect. En fin de matinée, le commissaire Guilpain et ses collaborateurs ne cachaient pas leur septicisme : « Rien ne nous permet d’affirmer, à l’heure actuelle, qu’il s’agit du coupable. Cela demande du temps. »
Cet homme, ce suspect, nous avons pu l’apercevoir lors de son transfert du commissariat central à la PJ. Vêtu d’un ensemble ‘’jean’’ de couleur bleu légèrement délavé, chaussé de sabots de cuir de cuir à semelles de bois très à la mode cet été, portant une moustache assez peu fournie, il affichait un calme impressionnant. Trop impressionnant sans doute. Comment concevoir en effet qu’un homme adulte en pleine possession de ses moyens puisse accepter avec une telle passivité et un regard lointain, dénué d’expression, d’être interpellé, de devoir répondre à une foule de questions sur ses activités durant les dernières 48 heures ?
Certes, un suspect qui se sait hors de cause doit avant tout collaborer avec la police pour faire éclater plus rapidement son innocence. Mais de là à adopter une attitude aussi parfaitement sereine, aussi détachée, il y a beaucoup plus d’un pas…
Les rares journalistes (nous en étions) à l’avoir aperçu marquaient leur étonnement ? un étonnement qui depuis longtemps incitait policiers et gendarmes à fouiller dans les réponses de l’énigmatique personnage.
Ce personnage d’ailleurs n’a pas été appréhendé au hasard comme la plupart des propriétaires de voiture type sport de couleur bleu, sommés hier matin, d’exhiber leurs papiers et de décliner leur identité.
Cet homme-là en effet, avait été aperçu dans la matinée au Pradet. Puis, il a filé assez brusquement sur Toulon. Un message radio des enquêteurs présents dans la localité avertissait le commissariat central de Toulon qu’il semblait tout à fait opportun de l’intercepter en ville…
Quant à la voiture, elle a été mise sous scellés dans le garage du commissariat central où les témoins ont été invités à l’examiner attentivement.
Bernard Oustrières
UN SENTIMENT D’HORREUR (encadré en rose)
SUR LA ‘’ROUTE DU SEL’’ A HYERES UN AUTOMOBILISTE SURPREND DANS SES PHARES LA SILOUHETTE D’UN HOMME TRANSPORTANT UN CORPS
4 heures du matin, sur la route du Sel : il fait nuit, il fait froid. Au niveau de l’ancienne décharge publique, les gendarme arrêtent les voitures. Ce sont, pour la plupart des touristes, des étrangers. Ils ne savent pas que depuis 1h30 du matin, o, cherche vainement le corps du petit Vincent et son meurtrier. Les recherches, d’ailleurs, vont s’arrêter en attendant le jour, mais les contrôles de police se multiplient. A 4 heures du matin, un témoin est interrogé par la PJ, dans sa villa ‘’Akwaba’’, sur la route de la Madrague. Il est formel dans ses déclarations : il a vu un homme portant un corps sur l’épaule devant la décharge. Il devait d’ailleurs nous le confirmer quelques heures plus tard.
M. Pierre-Jean Pagan, agent commercial, n’oubliera pas cette nuit tragique.
« J’ai quitté la villa vers 1 heure du matin, après le départ de nos invités. Je voulais essayer ma nouvelle voiture dont les phares ne marchaient pas bien. Je me suis dirigé vers la route du Sel, toute proche, et je me suis arrêté en face de l’ancienne décharge. J’ai réglé les phares à la simple lueur d’une lampe électrique. Et lorsque j’ai tout allumé, de nouveau, je l’ai vu. Il marchait à trente mètres de la voiture, habillé de sombre et portant quelque chose sur l’épaule droite. Ce ‘’quelque chose’’ avait des jambes, puis j’ai distingué un tricot bleu, un maillot et des chaussures. L’homme s’est jeté derrière les blocs de rochers, avec le corps qu’il tenait toujours. Je suis rentré chez moi. Au passage, j’ai vu une R17 bleue, aux feux allumés, dans le virage. Je ne faisais pas encore le rapprochement avec l’enlèvement du Pradet. C’est ma femme qui a pensé aussitôt au petit Vincent. Je suis reparti pour alerter la police : il y avait justement une patrouille au bout de la route du Sel. En moins de cinq minutes, cinq véhicules étaient sur place.
Les recherches se prolongeront deux heures, dans la nuit et dans les marais proches. Le commissaire principal serra, de hyères, est sur place, ainsi que l’adjudant-chef Graille, commandant de la brigade de gendarmerie. On a fait appel à toutes les forces de police, aux CRS, aux gardes mobiles, aux pompiers, à la brigade canine de Toulon… On ne se doute pas qu’à quelques 800 mètres, sur la plage, le corps du petit Vincent repose déjà.
UN CORPS CACHÉ PAR LES ALGUES
Les recherches vont reprendre avec le jour. Mais ce n’est pas dans les marais que l’on trouvera Vincent. La découverte tragique est faite par trois cantonniers, encore bouleversés, lorsque nous les rencontrons à 8 heures du matin.
M. Gilbert Roux, qui fut le premier sur place, raconte :
« Il était 6h30, et nous procédions au nettoyage de la plage, comme tous les matins. Nous piquions les papiers, quand j’ai vu une forme claire, à moitié dissimulée par des algues. J’ai d’abord pensé à un poupon rejeté par la mer. J’ai appelé mes camarades, Elie Surle et Daniel Sasia. Malheureusement, c’était bien le corps de l’enfant. Il était nu, et les vagues, encore fortes, avaient recouvert son corps d’algues. Si la mer avait été plus forte, il ne fait aucun doute que le corps aurait pu être emporté vers le large. »
Le trois cantonniers, immédiatement, arrêtent une voiture et demandent au conducteur d’alerter la police. La police n’est pas loin : elle sera très vite sur place.
Dès lors, sous le contrôle du commissaire principal serra, le secteur est isolé. Jusqu’à l’arrivée du juge, le corps reste sur la plage. Il faut éloigner les curieux, faire circuler les touristes. La police, la gendarmerie, les CRS se trouvent sur place, ainsi qu’une ambulance des sapeurs- pompiers.
Un soleil vif brille dans le ciel : la journée sera belle, et les baigneurs nombreux. Mais sur ce coin de plage, le soleil ne brille plus pour Vincent, tué par un lâche, à l’âge de 6 ans.
UN SUSPECT ARRÊTÉ
A 8H30, M. Pouget, juge d’instruction, arrive, accompagné de Mme Giraudon, greffière. Arrivent également le commissaire divisionnaire Trappas, adjoint au directeur départemental de la police de Toulon ; M. Gulpain, commissaire principal, chef des SRPJ de Toulon ; le major Desaintjean, adjoint au commandant de compagnie ; M. Mounié, substitut du procureur ; le capitaine Vincens…
Les photos sont faites sur les lieux, puis le corps sera pris par une ambulance et transporté à la morgue de l’hôpital de brunet.
Par radio, la police apprend qu’un suspect a était arrêté. Chacun espère qu’il s’agit du fou meurtrier. Toujours par radio, on demande des détails sur la voiture. Il s’agit bien d’une R17 bleue, aux plaques minéralogiques réfléchissantes.
Immédiatement, M. Pierre-Jean Pagan, qui a participé aux recherches et qui se trouve également sur place, est conduit à Toulon où il verra le suspect.
Lentement, les véhiculent démarrent. L’affaire prend une nouvelle dimension.
Les seuls commentaires que l’on entend sont toujours les mêmes
« Il faut sévir, vite et sans faiblesse ».
En ville, où la nouvelle a été connue très vite, l’émotion est certaine ; les mères de famille, particulièrement, se sentent atteintes personnellement. Dans la journée, le commissaire principal Serra recevra plus de dix coups de téléphone de témoins divers affirmant avoir vu la R17 bleue.
Aujourd’hui, déjà, la plage de la route du Sel sera redevenue un lieu privilégié de vacances ; mais je ne crois pourtant pas que l’on puisse oublier si vite le drame de Vincent. Un drame qui peut encore se renouveler demain, aujourd’hui même. Une angoisse que le temps n’efface pas. Ni la justice.
Nicole Tardy