La reconstitution
Dernière mise à jour: 21 septembre 2011

 

 


Conformément aux articles 92 et suivants du code de procédure pénale, la juge d'instruction avait informé le Procureur de la République, par ordonnance de transport sur les lieux du 17 juin 1974, de son intention de reconstituer les faits 7 jours plus tard.
L'ordonnance était ainsi libellée:
" Attendu que, dans l'intérêt de la manifestation de la vérité, il apparaît nécessaire que nous procédions à des mesures d'instructions sur les lieux où l'infraction a été commise".
" Disons que nous nous transporterons assisté de notre greffier à Peypin lieudit "la pomme".

Le 24 juin 1974, à 10 heures 45, Mlle Ilda Di Marino quitte donc le Palais de Justice de Marseille.

Sont présentes, outre Christian Ranucci, les personnes suivantes:
La juge d'instruction et sa greffière;
Mr Marnet, Substitut du Procureur de la République;
Le Bâtonnier Chiappe et Maître Jean-François Le Forsonney, conseils de l'inculpé;
Maître Arnoux, remplaçant Maître Pollak, conseil de Mr Rambla;
Le Docteur Vuillet;
Le commissaire Alessandra;
Les fonctionnaires de l'identité judiciaire;
Les gendarmes assurant le service de sécurité.


Procès-verbal de transport sur les lieux:

Des questions devant être posées à l'inculpé en cours de route, nous avons pris place avec celui-ci, ses conseils, le conseil de la partie civile, Monsieur le Procureur, notre greffier dans le même fourgon.
Partis du Palais de Justice, nous nous sommes rendus à la Cité Ste Agnès où a eu lieu l'enlèvement. Par mesure de sécurité, nous n'avons pas reconstitué la scène même de cet enlèvement. Nous avons cependant longé l'endroit où il a eu lieu, matérialisé par un platane.

L'ordonnance de transport sur les lieux précisait que Christian Ranucci était inculpé "d'enlèvement de mineure de moins de 15 ans et d'homicide volontaire".
Très soucieuse de respecter le Code de Procédure Pénale, la juge d'instruction voulait se rendre sur les lieux où l'infraction a été commise.

Assez curieusement, l'ordonnance précitée et le procès-verbal de transport sur les lieux ne prévoyaient pourtant qu'un déplacement au carrefour de "La Pomme". Mais rien sur la Cité Ste Agnès. Rien par conséquent sur le chef d'inculpation d'enlèvement de mineure de moins de 15 ans.

Le magistrat instructeur justifia l'absence de reconstitution de l'enlèvement pour des raisons de sécurité. Celles-ci devaient-elle l'emporter sur la recherche de la vérité? N'y avait-il pas à Marseille assez de forces de l'ordre pour assurer cette sécurité et permettre à la justice de faire son travail? Non, selon la juge d'instruction !!!

Pourquoi ne pas avoir convoqué Jean Rambla ou à tout le moins Eugène Spinelli, témoins directs de l'enlèvement? Pourquoi ne pas avoir convié le garagiste dans le fourgon de justice? Craignait-on que la confirmation de son témoignage ne réduise à néant la version développée dans les aveux?

Le procès-verbal mentionne le fameux platane du 132 rue Albe, élément important pour l'accusation puisqu'il symbolise le lieu de l'enlèvement. Détail donc essentiel qui, rappelons-le, ne figurait pas sur le croquis dessiné par Christian Ranucci lors de ses aveux





Procès-verbal de transport sur les lieux:

Interpellé par nous, Ranucci a confirmé qu'il avait bien pris la petite Marie Dolorès à proximité dudit platane.
Sur indication de l'inculpé, le conducteur du fourgon a fait un demi-tour pour suivre le boulevard parallèle à la Cité Ste Agnès que Ranucci avait emprunté après l'enlèvement pour sortir de Marseille.
Après avoir quitté la banlieue de Marseille nous avons demandé à Ranucci où il s'était arrêté, comme il l'avait déclaré, sur le bord de la route avec la petite Marie Dolorès. Ranucci n'a pas été en mesure de reconnaître cet endroit, c'est en tout cas ce qu'il a affirmé. Nous avons donc poursuivi notre route et nous sommes arrivés à Peypin.


Voici ce qu'écrivait Mathieu Fratacci sur cette partie de la reconstitution: "La route étroite et sinueuse qui déroule son ruban d'asphalte vers la Bouilladisse était investie, depuis 10 h du matin, par une cinquantaine de gendarmes de Gréasque et d'Aubagne. La crainte de réactions imprévisibles et violentes justifiaient la mise en place d'un tel service d'ordre".

Le quotidien Le Provençal précisait:" Transporté dans un fourgon blindé, vêtu d'une chemise rayée et d'un pantalon beige, Christian Ranucci était entouré par cinq ou six policiers qui faisaient comme un mur humain collé à sa personne".

Ainsi donc, pour les autorités, l'accrochage de La Pomme était plus important que l'enlèvement de Maria-Dolorès puisque les mesures furent prises pour le reconstituer dans ses moindres détails.




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