Heaulme disculpé, Dils garde son innocence
MARC METDEPENNINGEN
mardi 18 décembre 2007, 21:55
CONDAMNÉ deux fois pour le meurtre des garçonnets, Dils avait été acquitté. C’est au tour de Francis Heaulme.
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AFP
Les meurtres de deux garçonnets de huit ans, assassinés sur une voie ferrée de Montigny-lès-Metz (est de la France) le 29 septembre 1986, sont appelés à demeurer l’un des plus pesants mystères de l’histoire criminelle française, à l’égal du meurtre du petit Gregory, retrouvé noyé dans la Vologne (Vosges). Mardi, le juge d’instruction de Metz Thierry Montfort, conformément aux réquisitions du procureur de la République Joël Guitton, a rendu une ordonnance de non-lieu au bénéfice du tueur en série Francis Heaulme, déjà condamné pour six assassinats et qu’une enquête tardive de la gendarmerie incrimina dans la mise à mort de Cyril Beining et d’Alexandre Beckrich, tous deux tués à coups de pierre, il y a plus de dix-huit ans.
Ce double meurtre sordide, attribué à Patrick Dils, qui fut finalement acquitté au terme de trois procès d’assises, n’est donc plus imputable à quiconque. Les familles des victimes, désemparées par cette décision de non-lieu à laquelle elles s’attendaient, comptent poursuivre la procédure et obtenir, si une loi permettant une révision des procès criminels se terminant par l’acquittement d’un accusé est adoptée, une nouvelle comparution de Patrick Dils, dont elles ont toujours été convaincues de la culpabilité.
Le 29 septembre 1986, les corps de Cyril Beining et d’Alexandre Bekrich sont retrouvés, le crâne fracassé, sur la voie ferrée qui jouxte leur quartier ouvrier de Montigny-lès-Metz. L’enquête, menée par l’inspecteur Varlet, débouche, le 28 avril suivant, sur l’interpellation de Patrick Dils, un apprenti cuisinier alors âgé de 16 ans, qui admet avoir commis le double crime, sans pouvoir en expliquer les mobiles. Dils, un adolescent gauche et taiseux, réitère ses aveux à six reprises. Il donne des détails sur les pierres utilisées pour mettre à mort les deux enfants. Et lors d’une reconstitution organisée le 7 mai sur les lieux du double crime, il fournit encore des détails qui confortent la conviction des magistrats, des enquêteurs et des familles des victimes : ils tiennent le double meurtrier ! C’est aussi l’opinion des jurés de la Cour d’assises pour mineurs du département de la Moselle qui le condamne, le 27 janvier 1989, à la réclusion criminelle à perpétuité. Lors de ce premier procès, Dils ne semble pas vouloir se défendre. Il ne prend pas la parole. Il n’explique rien. Il garde la tête basse, comme un nouvel aveu.
Ses avocats demandent aussitôt la révision de son procès. Peine perdue. François Mitterrand, le président de la République, lui refuse sa grâce en mai 1994, signifiant aux parents des victimes que jamais il « ne gracierait un assassin d’enfants ». Des indices incriminant le tueur en série Francis Heaulme, rassemblés par le gendarme Jean-François Abgrall, sèment le doute au sein de la Commission de révision de la Cour de cassation, qui décide, en 1999, de rouvrir l’enquête. En 2001, un nouveau procès, tenu devant les assises de la Marne, conclut une nouvelle fois à la culpabilité de Patrick Dils, qui ne se défend, une nouvelle fois, que mollement. Condamné à 25 ans de réclusion, il interjette appel, comme le permet alors une nouvelle disposition du Code pénal.
Lorsque ce procès s’ouvre à Lyon en avril 2002, Patrick Dils apparaît plus combatif, sorti de la timidité maladive qui avait sans doute contribué à ses condamnations antérieures. Mais il perd vite son statut de « vedette » du procès lorsque le gendarme Abgrall et ses collègues viennent affirmer à la Cour et aux jurés que le crime des deux garçonnets de Montigny-lès-Metz porterait la « quasi-signature criminelle de Francis Heaulme ». Heaulme, le tueur en série, déjà condamné à six reprises et soupçonné d’autres crimes, nie son implication. Mais les jurés, impressionnés par la longue démonstration des gendarmes, finissent par acquitter Dils. L’avocat général avait lui-même fait part de ses doutes face à la démonstration des gendarmes, invitant toutefois Patrick Dils à « demeurer humble et à ne pas fanfaronner ». Les familles des victimes s’étaient érigées contre ce revirement d’une vérité judiciaire déjà deux fois établie. Elles avaient déclaré ne pas « vouloir d’un coupable de substitution ». Elles confirmèrent que les charges pesant sur Dils étaient autant de certitudes, qu’il était bien le meurtrier des deux enfants.
Le non-lieu prononcé en faveur de Heaulme anéantit l’hypothèse qui permit l’acquittement de Dils, rouvrant ainsi la voie à la suspicion qui ne peut plus légalement être reportée sur Patrick Dils, définitivement acquitté.
Patrick Dils, fort de son acquittement et de ses quinze années passées en prison, est devenu une vedette médiatique. Il a obtenu un million d’euros d’indemnités du gouvernement français, a publié un livre ainsi qu’une chanson dans laquelle il hurle son innocence
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