Bonsoir,
Je me suis amusé à effectuer une analyse des différents textes mis en ligne sur le forum (les lettres de Ranucci et son Récapitulatif) avec un logiciel d'analyse de texte.
L'analyse de texte peut être intéressante pour notre affaire, on le sait que derrière l'Ecrit se cache l'Homme (Buffon: "le style c'est l'Homme)… Et je me suis dit que pour Ranucci cela pouvait être intéressant d'analyser ce qu'il avait laissé comme écrit -écrit en recherche "plein texte" que Ludivine a généreusement tout mis en ligne: travail gargantuesque, toutes mes félicitations!
Il s'agissait alors plus que de reprendre ces textes, de les adapter avec un traitement de texte pour les mettre dans le soft.
En gros, ce logiciel d'analyse de texte a -entre autres- comme possibilité de regrouper les mots dans des grandes catégories lexicales dont chacune a son importance: les verbes, les connecteurs, les modalisations, les adjectifs qualificatifs, les pronoms personnels. Le logiciel détermine dans chacune de ces catégories des sous-catégories dans lesquels il place les mots:
Ainsi, je vous en donne une brève descriptions
1) pour les verbes, on a comme sous catégories:
a. les verbes factifs qui expriment des actions ("travailler", "marcher",...);
b. les verbes statifs qui expriment des états ou des notions de possession ("être", "rester",...);
c. les verbes déclaratifs qui expriment une déclaration sur un état, un être, un objet, ("dire", "croire",...);
d. enfin les verbes performatifs qui expriment un acte par et dans le langage ("promettre", "exiger",...).
2) pour les connecteurs (conjonctions de coordination et de subordination, locutions conjonctives) qui relient des parties de discours, on a:
a. des conditions ("si", "dans l’hypothèse", "au cas où", ...);
b. des causes ("parce que", "puisque", "car", "donc", ...);
c. des buts ("pour que", "afin de", ...);
d. des additions ("et", "ensuite", "puis"...);
e. des disjonctions ("ou ... ou", "soit ... soit", ...);
f. des opposition ("mais", "cependant", "toutefois", ...);
g. des comparaisons ("comme", "tel que", "ainsi que", ...);
h. des locutions de temps ("quand", "lorsque" , "avant que", ...);
i. des locutions de lieu ("où", "jusqu’où", ...).
3) pour les modalisations (adverbes ou locutions adverbiales), qui permettent à celui qui parle de s'impliquer dans ce qu'il dit, ou de situer ce qu’il dit dans le temps et dans l’espace, on a celles:
a. de temps ("maintenant", "hier", "demain", ...);
b. de lieu ("là-bas", "en haut", "ici", ...);
c. de manière ("directement", "ensemble", ...);
d. d'affirmation ("tout à fait", "certainement", ...);
e. de doute ("peut-être", "probablement", ...);
f. de négation ("ne...pas", "ne...guère", "ne...jamais", ...);
g. d'intensité ("très", "beaucoup", "fortement", ...).
4) pour les adjectifs, on a des adjectifs:
a. "objectifs" permettent de caractériser des êtres ou des objets, indépendamment du point de vue du locuteur (par exemple les adjectifs de couleur);
b. "subjectifs" indiquent une appréciation sur quelque chose ou quelqu'un, ils permettent
d’exprimer le point de vue du locuteur ("intéressant","gentil","agréable", ...);
c. "numériques" regroupent les nombres (en lettres ou en chiffres) et les adjectifs ordinaux et cardinaux.
D’un point de vue général, on peut dire que :
1. les connecteurs et modalisations de temps et de lieu permettent de situer l’action;
2. les modalisations d’intensité et de négation permettent de dramatiser le discours;
3. les connecteurs de cause et de condition permettent de construire un raisonnement;
4. les connecteurs d’addition permettent d’énumérer des faits ou des caractéristiques;
5. plus particulièrement, les connecteurs d’opposition permettent à la fois d’argumenter,
de relativiser et de présenter des points de vue opposés.
J'ai donc examiné de manière séparée le Récapitulatif et les lettres de CR à sa mère.
Relativement au Récapitulatif, on constate sur l'ensemble du texte (le calcul des 100% est toujours pour chacune des catégories ci-dessous
a) que, pour les verbes, ce sont ceux qui expriment des actions qui sont les plus nombreux (les verbes factifs) (50%), suivis des verbes "statifs" (26%) et des "déclaratifs" (23%). On trouve seulement 1% de verbe performatif.
b) pour les connecteurs, on trouve seulement un petit nombre utilisé de ceux-ci servant à l'établissement de raisonnement et d'argumentation, soit 25% (connecteurs de cause et de conditions (13%), connecteurs de but (1%), connecteurs d'opposition (11%)). Par contre les connecteurs d'addition servant à énumérer des faits ou des caractéristiques sont en très grand nombre (57%), en sus, mais en moins grand nombre, de la présence de connecteurs servant à relier des propositions en séparant les idées (6%): en additionnant des deux derniers, on trouve un total de 63% de connecteurs simplement servant à juxtaposer les faits mais qui ne peuvent servir de manière lexicale à une argumentation quelconque.
c) du point de vue des modalisations, le système génère principalement sur la base du texte la grande présence des modalisations de négation et d'intensité, qui servent de manière générale à dramatiser et intensifier le discours: on trouve ainsi, sur l'ensemble des modalisations, 19% de modalisations servant à la négation et 32% dévolues seulement à l'intensité du discours, soit 51% de ces modalisations servant une dramatisation du discours. Si les modalisations de temps et de lieu sont aussi bien présentes à 30% (temps: 17%, lieu: 13%), le reste des modalisations comptées est bien faible: les modalisations d'affirmation du narrateur (ou le narrateur s'implique) ne sont qu'à 7%, les modalisations de nuance du discours ne représentent que 10%, et les modalisations de doute elles ne représentent qu'1%!
d) enfin on trouve dans le Récapitulatif un nombre d'adjectifs "objectifs" un peu plus élevés (38%) que les subjectifs (32%) présents en grand nombre; et 31% d'adjectifs numériques.
Le Récapitulatif apparait donc être un discours dépourvus de grande argumentation, mais avec un grand nombre d'énumérations de données (faits, temps, lieu etc) et surtout pourvu de mots spécifiques servant à dramatiser et intensifier sa langue, avec beaucoup de termes de négation.
Lorsqu'on regarde aussi la composition chronologique du texte, si l'on analyse en coupant le texte en tranche, on constate une baisse régulière du pourcentage des adjectifs "subjectifs", en comparaison de la tendance du pourcentage des adjectifs "objectifs" qui ont tendance a être augmentés dans le texte. Pour le reste, il semble que la composition soit homogène du début à la fin du Récapitulatif.
Maintenant, ce qui est intéressant de voir, c'est que les données du contenu des lettres de Ranucci donnent approximativement le même résultat (j'ai pris le texte des lettres débarrassés des dates, des formules de politesse, etc):
On y trouve:
a) 43% de verbe de verbe factif, 30% de verbe statif, 27% de verbe déclaratif et 1% de verbe performatif –on reste donc dans les mêmes ordres de grandeur du Récapitulatif
b) on trouve 32% de connecteurs servant au raisonnement et à l'argumentation (17% connecteurs de cause et de conditions, 1% connecteur de but, 14% connecteur d'opposition), par contre on trouve un grand nombre de pourcentage de connecteurs servant à énumérer des faits (45%) ou servant à relier des propositions en séparant les idées (8%), soit un total de 53% de ces connecteurs qui ne servent pas à des propos argumentatifs - à nouveau même ordre de grandeur du Récapitulatif
c) enfin pour les modalisations, on trouve aussi un grand nombre de modalisations dramatisant le discours, à 58% (20% négation, 38% intensifiant le discours), 24% de modalisations de temps et de lieu permettant de situer l'action (16% de temps, 8% de lieu), 8% de modalisations nuançant le discours, 7% de modalisations affirmatives (ou le narrateur s'affirme) et 2% de modalisation de doute du discours - à nouveau même ordre de grandeur du Récapitulatif.
d) enfin, différence avec le Récapitulatif, le nombre d'adjectifs objectifs (33%) est plus bas que les subjectifs (37%) et que les numériques (30%)
De manière générale, lorsqu'on compare chronologiquement tout le corpus de lettres, on observe une petite tendance avec la chronologie des lettres à l'accroissement du nombre de connecteurs servant à énumérer les faits, et un faible décroissement des connecteurs d'opposition et de comparaison.
Bien entendu, je ne suis pas spécialiste de l'analyse de texte, mais je trouve intéressant ces résultats passés à la moulinette de l'analyse de texte de software actuelle très puissant pour une meilleure connaissance de la personnalité de Ranucci, comprendre son sempiternel "Négatif", son attitude au procès (ou il n'a pas su se défendre, et ses textes montrent combien sa rhétorique d'argumentation est faible au travers de l'analyse de ses mots employés), et son discours clamé sur son innocence dans son Récapitulatif (qu'il savait être publié) et de ses lettres à sa mère.
Voilà je laisse à votre analyse ces données…