Une archive d'un article de Gilles Smadja. que je viens de retrouver sur le net :
COPIER-COLLER
Estimant que l’émission de Jean-Pierre Foucault a donné une version unilatérale de l’affaire le comité pour la révision du procès Ranucci demande un droit de réponse à TF1 Et voilà relancé le débat sur justice et télévision
JUSTICE et télévision ne font décidément pas très bon ménage. Dernière bavure en date, le magazine de Jean-Pierre Foucault, « En quête de vérité », consacrée à l’affaire Ranucci. Scandalisé par le contenu de l’émission de TF1, le comité pour la révision du procès de celui qui fut guillotiné le 28 juillet 1976 après avoir été jugé coupable du meurtre de la petite Maria-Dolorès Rambla, demande un droit de réponse à la chaîne. S’adressant à l’animateur-vedette qui sautille allègrement des variétés au judiciaire en passant par Disney-parade, le président du comité, Georges Muratet, lui reproche vertement d’avoir pris « la grave responsabilité de condamner, sans possible contradiction, une nouvelle fois Christian Ranucci ».
Et c’est vrai que l’affaire revue et corrigée le 15 avril dernier par l’oeil cathodique de Foucault avait de quoi mettre en colère. D’abord par la mise en scène sur le plateau. Les seuls présents sont le frère et le père de Maria-Dolorès, accompagnés de leur avocat Me Collard. L’animateur a eu beau se défendre de vouloir « rouvrir un dossier compliqué, ni débattre d’une affaire jugée », la seule thèse librement développée fut celle de la culpabilité de Ranucci. D’autant plus facilement que personne n’était là pour livrer le moindre élément de contradiction dans un dossier qui en est pourtant truffé.
C’est l’autre aspect contestable de l’émission. Seize ans après les faits, on jette en pâture quelques éléments très partiels, simplifiés à outrance, où la recherche du sensationnel prime sur une approche rigoureuse d’événements toujours controversés. Quitte à multiplier les bévues. On parle d’un « comité de réhabilitation de Ranucci » au lieu d’un « comité de révision du procès Ranucci ». On prête au livre de Gilles Perrault, « le Pull-Over rouge » la volonté d’innocenter Ranucci, quand l’auteur lui-même a toujours déclaré vouloir ouvrir des brèches dans les certitudes d’une justice qui avait décidé la mort d’un homme. Et d’erreurs grossières en fausses évidences, l’avocat de la famille ferme le banc : « Les gens qui ont vu le dossier savent que la culpabilité est indiscutable. »
Encore une généralité assénée comme une vérité. Car parmi ceux qui ont eu accès au dossier, beaucoup ont trouvé à redire. Le mémoire de MesJean-Denis Bredin et Daniel Soulez-Larrivière, accompagnant la demande de révision du procès, ne manque pas de relever tout ce qui a dérapé dans cette affaire. Depuis l’absence dans le rapport d’autopsie de la date du décès de la petite Rambla, jusqu’au refus du juge d’instruction de procéder à une reconstitution de l’enlèvement, en passant par des témoins écartés, des pièces non retenues, ou des incohérences manifestes de dates et d’heures dans certains procès-verbaux. Des faits auxquels le troisième rejet de demande en révision n’a d’ailleurs pas apporté de réponse.
Encore moins le show, façon Foucault. Si le dieu Audimat pousse les chaînes à transformer certains procès en spectacle, la recherche de la vérité y laisse beaucoup de plumes. « Aborder la justice à la télévision avec des erreurs, des approximations, en tablant sur l’émotion, ça peut être extrêmement dangereux, met en garde Me Soulez-Larrivière. Il faut au minimum permettre l’expression des contradictions. » Ce minimum qui devrait accorder le droit de réponse revendiqué par le comité Ranucci.
Gilles Smadja.
http://www.humanite.presse.fr/journal/1 ... -29-652728