Citation :
Bonjour tout le monde.
À gluon: malgré que je trouve l'expérience d'Aspect très intéressante, je ne vais pas disserter sur l'intrication des états quantiques ds particules car ce n'est pas mon paturâge.
Mais j'ai suivi avec intérêt vos arguments car je partage avec vous l'idée que l'approche probabilistique et/ou causale des faits ne peut qu'apporter un éclairage dont a bien besoin la pataugeoire en laquelle s'est transformée cette affaire.
Vous parlez de méthode déductive pour remonter des effets vers les causes et vous avez raison, mais encore faut-il être d'accord sur quels effets devons-nous considérer. L'effet Ranucci condamné ou l'effet cadavre de la victime retrouvé?
Du premier effet cité les causes n'en sont pas directement le dernier. Personne n'est jamais condamné directement pour un crime. Le processus causal entre le crime et la condamnation est justement le processus judiciaire. Si vous analysez ce dernier avec objectivité, vous percevrez l'arbitraire et les à priori qui l'ont guidé en connectant de manière vicieuse (au sens propre) l'intime conviction des jurés avec celle des enquêteurs en passant par celle de l'instructeur. Enquêteurs qui, malgré les aveux de Ranucci, n'ont pu/su/voulu apporter aucunes preuves formelles contre lui et se sont rabaissés à l'utilisation de méthodes impropres de leur fonctions. Vous en trouverez de nombreux exemples sur ce forum. A l'argument classique que Perrault a été condamné pour en parler, j'opposerai que Bouladou n'a pas été condamné par les gendarmes qu'il peint comme des bidasses en folie, car ceux-ci n'ont pas porté plainte. Et pourtant, dans ses livres, il les accuse, bien que sans utiliser le mot, de forfaiture.
Tout ceci, bien sûr , ne parle qu'en défaveur de la justice mais ne fait pas de Ranucci un innocent. Un coupable non plus.
Pour commencer la recherche des causes à partir de l'effet victime retrouvée, nous voilà aussi face à un problème de taille. Il n'y a pas de datation du décès, ni d'essai de le faire d'ailleurs. L'époque n'était pas le moyen-âge tout de même, et quand bien bien même les actes de routine qu'aurait dû pratiquer le légiste fussent impossibles, ils devaient être rapportés. Aucun relevé de température ni entomologique, pas de facteur rhésus, pas de mesures précises des blessures ni aucun élément formel permettant de considérer le lieu de découverte du corps comme lieu du crime. Ce qui nous amène, après l'incertitude temporelle, à l'incertitude spatiale. La victime a-t-elle été assassinée là où on l'a retrouvée?
D'autre part les déclarations des Aubert tendent à placer l'arrêt de Ranucci (si c'est réellement lui qu'ils ont vu, important doute) aux abords de la champignonière de Rahou à environ 1,7 km du carrefour et 1 km du cadavre. L'effet "arrêt de Ranucci pile en face du lieu du crime" est un ficelage du dossier. Je vous propose de l'étudier.
Reste l'approche probabilistique. Là aussi, d'emblée, un problème se pose. Quel est l'univers d'evènements possibles à considérer? Nous ne savons rien du nombre d'incidents, d'accidents et d'appels téléphoniques qui ont motivé des recherches semblabes à celles qui ont conduit à la découverte de la victime. Vous me direz qu'importe puisqu'on l'a retrouvée pas très loin où Ranucci a causé un accident. Mais il y a un certain déterminisme qui le conduit à ce carrefour. C'est son chemin naturel, surtout si on tient compte des témoignages, ignorés par l'enquête, qui le place à Allauch ce matin là. Et c'est aussi une fourchette horaire plausible puisqu'il doit rentrer chez lui avant le lendemain. On ne parle plus d'une vaste zone sinon d'une route, d'une trajectoire obligatoire pour Ranucci, enlèvement ou pas. Grâce au légiste on ne parle pas non plus d;une coincidence dans le temps de l'ordre de minutes, mais de plusieurs heures voire plus d'une journée. Quand deux évènements coincident dans l'espace et dans le temps (avec toutes les réserves antérieurement citées), elles ne sont pas obligatoirement reliées entre elles par un lien causal. Reste à démontrer que la victime était là car Ranucci l'a amenée. Ça n'a pas été fait.
Il est très improbable qu'un tirage de dés donne dix fois le même résultat sauf si les dés sont pipés. C'est piper les dés que de considérer ce dossier comme source d'information pour établir la vérité que ce soit de manière probabiliste ou déterministe.
Mon propos est de ne prendre en compte que la séquence de découverte du corps dans la mesure où c'est cet épisode qui, dans l'hypothèse où Ranucci est innocent, impose l'introduction d'une coïncidence (les physiciens parleraient de "fausse" coïncidence, c'est à dire la coïncidence de deux évènements qui n'ont aucune corrélation initiale, à l'inverse d'une "vraie" coïncidence se produisant parce les deux particules proviennent du même phénomène et sont initialement corrélées).
A partir de là on peut essayer de quantifier cette coïncidence, tout au moins lui donner un ordre de grandeur. Une probabilité de 0,5 ne permettrai pas d'écarter une telle coïncidence, alors q'une probabilité de 1/10 000 par exemple la rend peu vraisemblable.
Ce que de nombreuses personnes ne comprennent pas, et qui refusent que l'on "puisse sortir les calculettes", c'est qu'une telle approche probabiliste ne fait que formaliser ce que le monde judiciaire appelle une "intime conviction", souvent basée sur la cohérence ou l'incohérence de tel ou tel scénario.
La seule difficulté dans ce problème est effectivement de quantifier les probabilités, à partir par exemple de ce que vous dites à juste titre :
"Nous ne savons rien du nombre d'incidents, d'accidents et d'appels téléphoniques qui ont motivé des recherches semblabes à celles qui ont conduit à la découverte de la victime."
Mais en premiere analyse, dans l'hypothèse d'une coïncidence, c'est le lieu ou le meutrier X (donc non Ranucci) aurait pu déposer la victime qui devient une variable probabiliste. Dans ce cas là on peut considérer tous les endroits de la région marseillaise, dans un rayon correspondant à un parcours maximum raisonnable entre l'enlèvement et le jours de la découverte du corps (3 jours si je ne m'abuse) comme lieu possible de la découverte du corps. Donc ,sans même prendre de valeurs précises le rapport de la zone de découverte, corrélée elle initialement à Ranucci par le signalement des Aubert, à cette surface totale, ne peut être que très très très petite. Même si l'on multiplie cette probabilité par le nombre d'autre pistes suivi par les gendarmes ou policier, elle restera petite.
Je suis rassuré , avec vous et jacquesde vilejuif, que mon approche ait le mérite d'être a minima entendue et dicutée
Je vais essayer, si cela vous interese, de formaliser cela dans une approche bayesienne. Mon espace des évenement initial sera la partition binaire "Ranucci innocent" et Ranucci coupable"
A+