Gilles Perrault
énonce dans son livre plusieurs éléments de nature à jeter un doute sur
les conditions de la découverte du couteau:- Le premier argument concerne
la fiche de scellé attachée au couteau, confectionnée par les gendarmes
et permettant d'identifier celui-ci, porte les mentions
suivantes:«Gendarmerie nationale - Compagnie d'Aubagne - brigade de
recherches - procès-verbal n° 610/Gréasque du 5 juin 1974 - Affaire:
découverte de cadavre: Rambla M. Dolorès. Scellé n° 8: un couteau à cran
d'arrêt, de marque "Virginia Inox", à ouverture automatique,
manche nacré, de longueur fermé de 12,5 cm, longueur lame sortie de 22
cm, lame tâchée de sang. Couteau découvert enterré dans de la tourbe par
20 cm de profondeur, à proximité de l'entrée de la champignonnière.
»Gilles Perrault déduit de la mention «procès-verbal n° 610/Gréasque du 5
juin 1974» qu'il existe un procès-verbal de saisie du couteau, datant du
5 juin 1974, soit de la veille de la découverte officielle de ce couteau.
Ainsi donc, Gilles Perrault sous-entend que le procès-verbal décrit
ci-dessus est soit un faux, soit un procès-verbal décrivant une mise en
scène de découverte d'un couteau qui, en réalité, a été découvert la
veille et qui a été caché pour que les gendarmes puissent faire semblant
de le découvrir grâce aux déclarations de Ranucci. On posera tout de
suite la question à notre auteur à succès: pourquoi, puisque Ranucci a
indiqué aux policiers avant 17 h 30 où il avait caché le couteau - et
cela est attesté par son procès-verbal d'audition - les gendarmes, au
lieu de bien montrer que c'est grâce à ses indications qu'ils le trouvent
très vite, mettent presque deux heures pour cela?Leur intérêt, en cas de
mise en scène, était de dire ou d'écrire: «Christian Ranucci a indiqué à
17 h 30, avec précision, que le Couteau était à tel endroit et nous
l'avons trouvé tout de suite sur ses indications. »En fait, Gilles
Perrault commet une erreur grossière qui montre qu'il connaît malles
détails de la procédure policière ou de celle des gendarmes. En effet, la
date du 5 juin 1974 portée sur la fiche de scellé ne fait pas référence
au procès-verbal de saisie du couteau mais au numéro de la procédure. Les
gendarmes ont été saisis de la recherche du cadavre de Marie-Dolorès le 5
juin 1974 et, ce jour-là, ont pris pour numéro de procédure le n° 610. Le
premier procès-verbal de leur Procédure porte le n° 610/1, le deuxième
610/2, etc. Le procès-verbal de la saisie du couteau porte le n°
610/5.C'est pour cela qu'il est écrit sur la fiche de scellé: P V n°
610/Gréasque du 5 juin 1974. La mention portée en dessous
« Découverte du cadavre de Rambla M. Dolorès », montre bien que la
date du 5 juin correspond à celle de la découverte du cadavre et non pas
à celle de la découverte du couteau. Si les gendarmes avaient voulu, sur
la fiche de scellé, faire référence à la découverte du couteau, ils
auraient marqué: « P V n° 610/5/ Gréasque du 6juin 1974. Découverte
du couteau. »Mais ce n'est pas ainsi que l'on numérote dans la
gendarmerie et toutes les fiches de scellé portent la même mention de
découverte du cadavre du 5 juin 1974.Le seul fait d'imaginer que les
gendarmes aient pu se livrer à une telle mise en scène pour faire accuser
injustement une personne, dans une affaire où la police détenait le
monopole de l'enquête, est tout simplement farfelu. Sans tenir compte de
l'outrage sous-jacent aux représentants de l'ordre. Mais imaginer en plus
que ces gendarmes, alors qu'ils sont en train de monter une mise en scène
de découverte, le 6 juin, d'un couteau qu'ils ont déjà depuis le 5 juin,
commettent une erreur de date sur la fiche de scellé, constitue une
insulte de premier ordre![…]Le deuxième argument présenté par Gilles
Perrault est que, selon lui, les gendarmes auraient commencé à/chercher
le couteau dans les sous-bois au début du chemin menant à la
champignonnière. Ceci n'est pas du tout conforme au procès-verbal établi
par l'adjudant Monnin: « À dix-sept heures trente, nous nous transportons
sur un terre-plein précédant l'accès à la champignonnière... » Il n'est
pas fait mention dans le reste de la procédure d'une recherche qui aurait
été faite ailleurs. Les personnes présentes qui ont assisté aux
recherches des gendarmes ont bien vu ceux-ci commencer leurs recherches
du couteau devant la champignonnière, comme cela est indiqué sur le
procès-verbal des enquêteurs. Et Gilles Perrault s'étonne que, alors que
l'audition de Ranucci s'est terminée à 17 heures, les gendarmes ne
commencent leurs recherches qu'à 17 h 30. Ceci est pourtant
logique.[…]Dans la conférence donnée sur l'affaire Ranucci à
Sciences-Po-Paris le 5 juin 2002 sur le thème « La justice face à
l'erreur judiciaire, l’affaire du pull-over rouge, analysée par ses
acteurs», Gilles Perrault déclare encore: « Et quand vous prenez le
rapport de la gendarmerie, vous voyez qu'ils ont commencé à chercher à 1
200 mètres de l'endroit où se trouve le couteau. »Or, le seul document
des gendarmes indiquant en détail les opérations de recherche du couteau
est le procès-verbal rédigé par l'adjudant Monnin, qui précise que les recherches
ont commencé sur le terre-plein précédant l'accès à la champignonnière et
qui est daté, lui, du 6 juin 1974 - et non pas du 5 juin.[…]Le troisième
argument présenté par Gilles Perrault concerne un procès-verbal établi le
6 juin 1974 à 17 h 30 par l'inspecteur divisionnaire Porte. Ce
procès-verbal n'est pas un procès-verbal de saisie d'objets mais sert à
récapituler les scellés qui concernent l'affaire. Dans une première
mention, M. Porte indique qu'il place sous scellés:-le couteau de marque
Opinel, trouvé dans le coffre de la voiture de Ranucci ;- les quatre
lanières de cuir d'une longueur d'un mètre, entrelacées à une extrémité
et portant un élastique;- le pantalon d'homme, de couleur sombre;- la
seringue hypodermique en plastique, usagée;- les deux cheveux découverts
dans l'habitacle du véhicule de C. Ranucci. L’inspecteur divisionnaire
signe ici cette mention, comme si le procès-verbal était terminé. Le
lendemain matin, les gendarmes lui apportent, à l'Évêché, l'ensemble des
scellés découverts sur les lieux du crime, dans et autour de la
champignonnière. L’inspecteur divisionnaire Porte, au lieu de rédiger un
nouveau procès-verbal, portant la date du 7 juin - ce qui aurait été
normal-, reprend son procès-verbal décrit ci-dessus, et donc daté du 6 juin,
et y ajoute les scellés remis par les gendarmes sous la mention
suivante:« De même suite, disons que nous déposerons au greffe du
Tribunal de grande instance de Marseille, les objets saisis ; scellés à
nous remis par la compagnie de gendarmerie, brigade de recherches
d'Aubagne, Bouches-du-Rhône:- sous cote 1: un pull-over de couleur rouge,
masculin;- sous cote 2 : une chaussure de fillette genre sabot, semelle
marron, dessus imitation daim avec boucle métal, doré jaune et vert;-
sous cote 3 : une pierre de forme rectangulaire de 9 x 6 centimètres
environ, tachée;- sous cote 4: une branche de pin de 78 centimètres de
longueur, tâchée sur 20 centimètres;- sous cote 5 : une pierre de forme
sensiblement ovale, grand axe 8 cm, petit axe 6 cm, tachée;- sous cote 6
: un moulage de roue;- sous cote 7 : un moulage de roue;- sous cote 8: un
couteau à cran d'arrêt de marque Virginia Inox, à ouverture automatique,
manche nacre de longueur, fermé: 12,5 cm, longueur de la lame sortie de
22 cm, lame tachée. Sous procès-verbal n° 610 de la brigade de
gendarmerie de Gréasque, du 5 juin 1974. »Gilles Perrault va en déduire
que la police marseillaise avait le couteau entre les mains depuis le 6
juin 1974 à 17 h 30, alors qu'il ne va être saisi officiellement par les
gendarmes que le 6 juin à 19 h 29.
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