Bonjour, je suis nouveau sur ce forum, veuillez m'excuser si je n'ai pas la même connaissance des faits et des hypothèses que les plus experts d'entre vous.
Ceci étant, je parcours le forum depuis 2 ou 3 semaines, et je suis frappé par certaines discussions parfois très passionnées sur des points de détail. Ce n'est pas que je crois les détails sans importance: de certains auraient pu naître si ce n'est la vérité, du moins une connaissance plus précise de cette vérité. Mais... plus de 30 ans sont passés, les témoignages humains, déjà par essence fragiles initialement, le sont encore plus, ou sont plus difficilement crédibles. Quant aux éventuelles preuves scientifiques, les pièces à conviction ont si je comprends bien été détruites, de telle sorte qu'il n'y aura jamais d'analyse ADN possible du sang du couteau, p. ex. Dîtes moi si je me trompe.
Par ailleurs, je suis persuadé que dans n'importe quelle affaire judiciaire, une analyse détaillée, surtout 30 ans après et sur Internet, révélera des détails inexpliqués ou inexplicables, des hypothèses mal étayées, des approximations, des erreurs administratives sur les PV, etc.
Tout celà ne prouve rien... si ce n'est qu'on peut discuter à l'infini de certains éléments sans vraiment faire avancer les choses.
Bon, je voudrais revenir sur un point qui me chiffone.
Considérons que Ranucci est soit innocent, soit coupable (je veux dire que je confonds à ce stade les hypothèses de la culpabilité isolée et partagée avec d'autres).
Posons comme hypothèse qu'il est innocent: il n'a ni enlevé ni tué Marie-Dolorès. Et regardons sa ou plutôt ses versions des faits.
Version 1: il reconnait le délit de fuite, dit s'être arêté pour réparer (sans voir M. et Mme Aubert), avoir vu un chemin avec une barrière (blanche et rouge), être allé réparer et avoir constaté qu'il était embourbé "au fond d'un trou", avoir demandé de l'aide. Il estime que l'accident a eu lieu vers 16 h, et être parti vers 18 h, mais précise ne pas être sûr (pas de montre, pendulette de la 304 en panne). Fait important, ce sont les gendarmes de Nice qui prennent cette déposition. Or ils ne connaissent pas les lieux, et n'ont pas d'intérêt a priori à lui suggérer une déclaration qui l'innocente. Donc c'est bien sa version de ce moment là, même si elle est fausse. Elle est fausse car: (1) le délai ne colle pas: en réalité accident vers 12:15, et contact avec M. Rahou vers 17:00. Quatre heures et demi, c'est beaucoup pour redresser une tôle et essayer de se désembouber. (2) témoignage des Aubert. Ou alors c'est qu'ils ont confondu la 304 avec une autre voiture (une Simca 1100?). Mais ils ont ramené le numéro à M. Martinez, qui n'en connaissait au mieux que les chiffres et pas les lettres. Ranucci, dans son récapitulatif, suggèrera plus tard qu'ils ont pu lire le numéro pendant la poursuite, puis perdre la 304 de vue, et ensuite voir une autre voiture garée au bord de la route. Je ne connais pas les lieux, mais çà me semble improbable:ils sont partis à sa poursuite avec un certain retard, ils auraient réussi à le combler pour se rapprocher assez pour lire la plaque, puis se seraient laissés distancer suffisamment pour, au détour d'un virage, avoir perdu de vue la 304 alors qu'une autre voiture était garée là? De plus, leur attention est focalisée sur le voiture qu'ils poursuivent, une 304, un coupé, accidenté...Comment auraient-ils pu la confondre? Ce qui est génant mais possible avec M. Spinelli (qui regardait une scène somme toute banale et a pu se focaliser sur l'inconu étranger à la cité) est ici invraisemblable. (3) le couteau, avec les réserves que certains y mettent: il n'en parle pas dans cette version. (4) et Ranucci ne reviendra plus sur cette version, même une fois condamné. On peut donc raisonnablement considérer qu'il ment. Cà n'en fait pas un coupable: il peut mentir parce qu'il a perdu connaissance sous l'effet de l'alcool, et qu'il pense que celà fait une circonstance aggravante pour son permis. Ou qu'il y a des éléments qu'il ne s'explique pas (le couteau? son réveil inexpliqué dans la champignonnière?) et dont il préfère ne pas parler.
Version 2: les aveux. Bon, s'il est innocent (mon hypothèse de travail) ils sont donnés en situation de faiblesse extrème, et suggérés par les policiers. Au passage, une question et une remarque. On connait des exemples d'aveux non fondés (p. ex. affaire Dils), mais quelqu'un a t'il une idée de la proportion d'aveux dont on a pu montré par le suite qu'ils étaient non fondés? Bien sûr, même si c'est rare, celà ne fait pas de Ranucci un coupable. Quant au commentaire, pour ne pas oublier: Ranucci ne cite rien que les policiers ignoreraient et pourraient vérifier (p. ex. des détails sur la famille de la petite). Par contre il dit que MD est montée à l'arrière au départ, puis à l'avant après la "pause cigarette". Rien ne peut le prouver bien sûr, mais si les aveux sont faux, pourquoi les policiers suggèreraient-ils ce détail, ou pourquoi Ranucci l'inventerait-il? Mais ce n'est qu'un détail.
Version 3: celle qu'il donne progressivement à sa mère, à ses avocats, qu'il décrit dans le récapitulatif, qui est reprise et complétée par G. Perrault (au moins comme une possibilité) et qui est à la base des théories innocentistes. Elle repose pour l'essentiel sur sa perte de connaissance peu après l'accident, et sur son réveil dans la champignonnière. Au passage, Ranucci ne s'y explique pas quant au couteau, bien qu'il ait jusqu'au procès avoir reconnu qu'il s'agissait du sien. (En parle t'il dans le récapitulatif à un endroit que je ne connais pas?)
Interessons nous à cette perte de connaissance. Ranucci la rapporte au mélange alcool + fatigue + commotion.
Attention: le terme de commotion a une signification médicale précise. A ma connaissance, aucun argument ne soutient l'hypothèse d'une conséquence traumatique de l'accident chez Ranucci.
Mais l'alcool (et la fatigue) peuvent peut-être suffir.
J'ai effectivement déjà vu (longue fréquentation des services d'urgences et de réanimation) des patients ivres s'écrouler d'un seul coup et verser dans un coma éthylique. C'est possible entre autre car les effets d'une ingestion d'alcool peuvent être différés (temps nécessaire à l'absorption digestive). A jeun ce délai est assez rapide. Ranucci ne signale pas avoir mangé le matin. Cà ne peut coller avec les effets de ses whiskys du Vieux Port, mais peut-être buvait-il en conduisant? (il avait de l'alcool dans la 304). Toutefois il n'évoque pas lui-même cette possibilité. Bon, admettons, au bénéfice du doute. Juste avant la perte de connaissance, Ranucci conduit, certes mal (accident) mais conduit.
Puis il s'arrête et pert connaissance.
Les patients que j'ai décrits plus haut étaient bien incapables de conduire normalement juste avant de perdre connaissance. Sauf erreur les Aubert n'ont pas décrit la conduite de Ranucci ciomme anormale, ils parlent seulement de sa vitesse, mais bon, ils ont pu attribuer sa façon de conduire à la fuite. Admettons.
Donc Ranucci perd connaissance. Là, appelons un chat un chat: la "perte de connaissance" est un fourre-tout extraordinaire où chacun peut mettre ses propres croyances, mais elle a une réalité médicale plus précise. Si Ranucci, ivre, ne se rappelle plus que quelqu'un est monté sans la 304, l'a basculé à l'arrière, l'a conduit jusqu'à la champignonnière où il se réveille, alors c'est un coma éthylique.
Seument voilà: si on peut au bénéfice du doute admetre que ce qui est connu avant la perte de connaissance (l'accident et la poursuite par les Aubert) est compatible, ce qui est connu après (rapportée par Rahou et Gazzone -j'ai peur d'écorcher le nom - et aussi décrite par Ranucci) ne l'est plus du tout...
Elle ne l'est plus car: (1) la durée du coma est assez bien corrélée à sa profondeur. Quatre heures et demi, c'est assez peu pour un tel coma... (2) surtout: avez vous déjà "pris une cuite"? Vous pouvez alors imaginer Ranucci. Il se réveille progressivement , allongé sur sa banquette. Il fait sombre, il ne comprend rien. surtout, il a un mal de tête, la bouche empattée, il titube et sortant de sa voiture pour aller vomir dans un coin. S'il se regarde dans le rétroviseur à la lueur du plafonnier, il a une tête épouvantable... Et quand il sort de la galerie, il est obligé de réveiller les Rahou (car il est plus tard que 17:00) et Rahou et Gazzone ne pourront que décrire un jeune type aux vétements frippés, avec la tête d'un type " qui s'en ait pris une bonne" et qui parle avec une voix pâteuse. Or ce n'est pas du tout la description qu'ils font: rien dans leur portrait de Ranucci à ce moment là n'est compatible avec un type qui sort d'u coma éthylique suffisament profond pour que quelqu'un ait pu le baculer sur la banquette arrière et l'emmener dans la champignonnière sans qu'il se réveille...
Si ce n'est pas un coma éthylique, est ce qu'il y a une autre explication?
On peut faire une syncope d'origine cardiaque, mais çà dure 2 minutes, sinon c'est un arrêt cardiaque et Ranucci serait mort dans sa voiture.
On peut faire un malaise vagal ou vaso-vagal, mais la perte de connaisance y est brêve (quelques minutes).
On peut faire une crise d'épilepsie, mais Ranucci n'était pas connu comme épileptique, on ne s'affale pas sur le siège passager mais on a des mouvements caractéristiques qui auraint sans doute attiré l'oeil de M. Aubert, surtout le réveil se fait au bout de quelques minutes , pas au bout d'une heure ou deux, le plus souvent les patients urinent sur eux (Ranucci ne l'évoque pas, et c'est incompatible avec le description de Rahou et Guazzone).
Non, çà ne colle pas.
Quelqu'un veut-il commenter?
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