Michel Fourniret réveille l'affaire Ranucci JUSTICE
«La Provence» affirme avoir retrouvé des clichés du procès de 1976 où l'on voit dans le public un homme qui ressemble au «tueur des Ardennes». Celui-ci dément.
Cyrille Louis et Angélique Négroni
[27 janvier 2006]
«JE N'AI pas quitté la région parisienne au printemps 1974 car je venais d'y être embauché comme dessinateur projeteur dans une petite entreprise. Je n'ai donc pas pu me rendre à Marseille, où je ne suis d'ailleurs allé qu'à deux reprises, dans mon enfance et au tout début de mon premier mariage. Il est enfin complètement farfelu de prétendre que j'étais présent à Aix-en-Provence lorsque s'est tenu le procès de Christian Ranucci, au mois de mars 1976.»
En quelques mots prononcés, hier, dans le cabinet du juge d'instruction de Charleville-Mézières, Michel Fourniret a contesté avoir jamais été mêlé, de près ou de loin, à l'affaire Ranucci. «Il refuse d'assumer ce crime qu'il n'a pas commis», complète son avocat Me Philippe Jumelin, en réponse à un article publié, le matin même, par le quotidien marseillais La Provence. Dans ses éditions d'hier, ce journal assure avoir retrouvé dans ses archives trois photos du procès Ranucci, sur lesquelles figurerait un homme affichant «une ressemblance frappante» avec le «tueur des Ardennes». La Provence a cependant choisi de ne pas les publier tant que la justice française ne les aura pas expertisées. Or ces images, découvertes le 19 janvier dernier et expédiées depuis lors au procureur du roi de Dinant (Belgique), n'étaient toujours pas parvenues hier soir au parquet de Charleville, qui centralise les dossiers Fourniret.
Ces pièces nouvelles relancent cependant les multiples questions laissées sans réponse après la mort sur la guillotine, en juillet 1976, de Christian Ranucci. A l'époque, cette exécution – l'une des toutes dernières avant l'abolition de la peine de mort, en 1981 – avait suscité une émotion considérable. La culpabilité du condamné, âgé de 22 ans, avait en effet été mise en doute par plusieurs témoignages livrés au cours du procès. Avant de mourir, Ranucci avait en outre murmuré à l'oreille de ses avocats : «Réhabilitez-moi !»
Commission de révision
Deux ans plus tôt, lors de sa garde à vue à la PJ de Marseille, le représentant en matériel thermique avait pourtant reconnu avoir enlevé et tué la petite Marie-Dolorès Rambla, 8 ans, dans le nord de Marseille. Plusieurs éléments, à l'époque, semblaient d'ailleurs l'accabler. Convaincus de sa culpabilité, les policiers assurent notamment, durant l'enquête, qu'il les a guidés jusqu'au couteau utilisé pour tuer la fillette. Mais voilà : rapidement, Ranucci est revenu sur ses aveux. Il a aussi contesté – élément capital selon ses avocats – être le propriétaire d'un pull-over rouge trouvé, quelques jours après le crime, à proximité du petit cadavre.
Depuis son exécution, les proches de Christian Ranucci et ses défenseurs ont plaidé sans relâche son innocence devant la commission de révision des condamnations pénales, sans succès. Lors de la troisième tentative, en 1991, l'auteur d'un livre à succès sur l'affaire, Gilles Perrault (*), a d'ailleurs prédit : «L'action pour la réhabilitation de Ranucci n'est pas interrompue et le combat continue.»
Dans ce contexte, la mise au jour d'une possible présence de Michel Fourniret lors du procès Ranucci, en 1976, a été saluée dès hier par Me Daniel Soulez-Larivière, avocat du comité de soutien au condamné : «La police belge semble convaincue qu'il s'agit bien de Fourniret sur les clichés. Le parquet doit maintenant faire un travail d'appréciation des preuves sans a priori, et plus sérieusement qu'il y a trente ans.»
Dossiers sans coupable
Côté parquet, on observe en revanche la plus grande prudence. «Lorsqu'on aura les clichés, nous ferons des vérifications de visu, avant de nous retourner si besoin vers la Chancellerie pour savoir ce qu'il faut en faire», explique un magistrat à la cour d'appel de Reims. Depuis son interpellation, en juin 2003, le «tueur des Ardennes» a déjà été soupçonné dans plusieurs affaires non résolues – notamment la disparition d'Estelle Mouzin et plusieurs meurtres en Bourgogne – mais, à ce jour, des indices n'ont été retenus contre lui «que» dans sept assassinats commis après 1987. Par ailleurs, le mode opératoire employé pour tuer la petite Marie-Dolorès ressemble peu aux méthodes généralement employées par le tueur. «Mais compte tenu de son profil, déplore son avocat, on cherche désormais à lui mettre sur le dos tous les dossiers sans coupable.»
http://www.lefigaro.fr/societe/20060127 ... tml?075342