Citation :
J'ai beau faire, Marc, je ne peux m'empêcher de penser que vous usez un peu de ce déni comme cela vous arrange.
J'ai l'impression que, chaque fois que vous butez sur une invraisemblance impossible à expliquer, vous expliquez la chose par le déni.
Quand vous parvenez à trouver une explication plausible (comme par exemple l'absence de sang dans la voiture parce que le sang aurait séché et été essuyé par CR ou l'absence d'empreintes de Marie-Dolorès parce qu'il aurait nettoyé la voiture dans le tunnel), vous considérez que Ranucci est pleinement conscient de son crime et n'est donc pas encore entré dans le déni.
Par contre, comme il est totalement aberrant qu'il ait pu ensuite laisser le pantalon ensanglanté dans la voiture, c'est qu'il est à ce moment là entré dans le déni.
Il a dû, j'imagine, en sortir le lendemain, puisqu'il achète 1 ou 2 journaux afin de s'informer.
Mais quand il rentre chez lui après le travail, il y replonge forcément puisqu'il ne songe quand même pas à se débarasser du pantalon.
Quelques jours plus tard, lorqu'il rencontre pour la 1ère fois Jean-François Le Forsonney et lui dit que c'est o-bli-ga-toi-re-ment lui, il semble bien qu'il en soit à nouveau ressorti, puisque vous considérez que cette remarque est de sa part d'une habileté machiavélique.
Je ne sais pas, Marc, j'ai du mal à vous suivre.
Non, tout se suit d'une façon régulière. Tout d'abord, il vient de tuer la petite et a le corps devant lui. Il a du sang sur lui. Difficile d'entrer dans le déni à ce moment-là. L'urgence : cacher le corps (et cela, uniquement parce qu'on l'a repéré sur place, sinon il n'a absolument aucune raison de le dissimuler), essuyer le sang et détaler. Il ne pourra entrer dans le déni que plus loin. Tant qu'il a des traces du meurtre sur lui, c'est impossible. Une fois sa toilette faite, le couteau dans le tas de fumier, il n'a plus que le sang sur son pantalon pour lui rappeler le meurtre, mais il a séché le sang avec de la poussière ou de la terre, donc ça ne lui saute pas aux yeux. Une fois le pantalon dans le coffre, rien ne lui rappelle le meurtre.
Pour ce qui est du journal, je n'ai qu'à utiliser les arguments de la défense pour l'expliquer : il cherche à savoir si on parle de son accident, surtout qu'il est assorti d'un délit de fuite, qui pourrait intéresser les journalistes et provoquer un appel à témoins. Parce que l'accident, il ne peut pas le nier : l'état de sa voiture est là pour le lui rappeler.
PS : Pour les aveux, j'en ai déjà parlé, les policiers arrivent à briser la barrière du déni, ce qui fait renaître le cauchemar. C'est pourquoi il pleure, et répète sans cesse qu'il n'est pas un salaud. Sinon, c'est insupportable.
Ensuite, à la reconstitution, il replonge dans le déni. Voici ses propres mots, qu'il présente comme une prise de conscience, mais qu'on peut aussi voir comme une nouvelle plongée dans le déni :
"Je compris combien il était absurde, impensable, irréalisable que je commette un acte tel que celui de tuer un être humain, de plus une enfant. La conception seule de l'idée n'est déjà pas possible." Revenu sur les lieux du meurtre, il lui est de nouveau impossible d'accepter l'idée qu'il puisse avoir tué cette enfant, car cette idée est insoutenable et traumatisante pour lui. Qu'il ait tué ou pas. Qu'il soit le meurtrier ou pas, la conception du meurtre lui est impossible.