Citation :
Pourriez vous m'indiquer une, pas deux, une seul preuve irréfutable de la culpabilité de Ranucci dans le livre de Gérard Bouladou ?
Qu'entendez-vous par
"irréfutable" ? Une preuve qui résiste aux commentaires
hypercritiques, ou fondés sur
les abus du bon sens, ou aux
plus efficaces stratagèmes de la rhétorique ?
Je me vois mal débattre de cette affaire, et pour une excellente raison : si je dois le faire, c'est à partir d'une documentation brute, et en tout cas nombreuse. Je possède cette documentation sur d'autres sujets (affaire Kennedy, affaire Dreyfus, 39/45, Révolution & Empire, Guerre Froide, Jack ze Ripper, stalinisme, nazisme, etc.), mais pas ici, ou ma "culture" (
sic) se limite à la possession des livres de Gilles Perrault (qui, quoi qu'on en dise, possède un incontestable talent littéraire et rhétorique) et Gérard Bouladou, ainsi qu'une lecture passablement datée du bouquin passablement raté de Mathieu Fratacci. Or, vu le degré d'exigence documentaire posé ici, je ne suis pas certain de pouvoir contenter d'éventuels lecteurs par des citations de
L'affaire du pull-over rouge. Ranucci coupable !
Tout ce que je puis vous dire, c'est que j'ai cru à l'innocence de Christian Ranucci - l'innocence, oui, et non pas simplement le bénéfice du doute, comme en témoigne
mon message du 17 juillet 2003 posté sur le forum de William Reymond. En ce sens, j'ai été abusé par Gilles Perrault - mais j'aurais du m'y attendre, étant donné que ce n'est pas la première fois qu'il assimile un roman à un livre d'Histoire (cf.
L'Orchestre rouge, et certaines affirmations de
La longue traque). Voyant la faiblesse des arguments du camp d'en face, cette opinion aurait perduré s'il n'y avait eu
ce débat avec "Jeopardy" sur cette pièce à conviction capitale qu'est le couteau taché de sang...
Le livre de Gérard Bouladou m'a apporté moult éclaircissements, en particulier sur le témoignage des Aubert, celui du petit Jean Rambla, et j'en passe. Il a achevé de me convaincre. Et en ce qui me concerne, il n'est plus possible de plaider l'innocence. Oh, certes, des questions demeureront sans réponse (la psychologie de Ranucci, les circonstances
exactes du meurtre de Marie-Dolorès Rambla), mais l'essentiel est acquis. Ce d'autant que, en matière d'honnêteté intellectuelle et de rigueur méthodologique, Gilles Perrault a un passé. Je ne sache pas qu'il en soit autant du côté de M. Bouladou.
Le reste n'est que guerre des tranchées verbale, offensives des petits détails, diversions répétées, et grignotage de l'adversaire. Je vous le dis sans ressentiment ni hostilité, mais je dresse là un constat, pour avoir passé quelque temps à décortiquer différents fils - en tout cas sur les points essentiels.
Je comprends que le livre de Gilles Perrault exerce encore un tel pouvoir de séduction - moi-même je suis tombé dans le panneau, alors que je me méfiais
a priori du personnage. Je ne comprends que davantage la splendide fougue des partisans de l'innocence : un jeune homme au sortir de l'adolescence a été coupé en deux au terme d'un procès noyé dans un marécage de haine. Et voilà que des journalistes réputés sérieux (Gilles Perrault), des avocats prestigieux (Paul Lombard) se doublant d'historiens de talent (Jean-Denis Bredin) ajoutent à l'effroyable l'inadmissible : le guillotiné était peut-être innocent. Comment, au regard de la démonstration - brillante, mais malhonnête - du premier, des larmes du deuxième et de la considération du troisième, ne pas au moins ressentir l'ombre d'un doute ?
Mais la vérité est là : Ranucci était bien le coupable. Vous voulez une preuve irréfutable, alors ? La meilleure, à mes yeux, reste ce couteau taché de sang, cette arme du crime dont il ne reniera pas la propriété, et dont il s'est débarrassé le jour du meurtre, à proximité (relative) des lieux où une autre vie, celle de Marie-Dolorès Rambla, a été tranchée net alors qu'elle n'avait cherché qu'à aider à un individu ayant perdu son chien... Personne, sur un autre forum dont j'ai donné le lien, n'a été en mesure de m'apporter une explication convaincante destinée à résoudre cette énigme qui n'en est pas une : pourquoi, en ce jour funeste et près des lieux où s'est joué le drame, Ranucci se débarasse-t-il d'un couteau taché de sang ?
Cela dit, et au risque de vous surprendre, j'approuve l'idée d'une révision du procès. Le nouveau travail d'enquête ne pourra que contribuer à établir durablement la vérité après le doute distillé par Gilles Perrault. Mais je doute qu'après sa nouvelle condamnation - posthume - ses partisans se satisfassent de cette procédure...