Citation :
surtout, je me demande pourquoi il n'a jamais évoqué de complice éventuel, jusque devant la guillotine
Il faut se garder d’estimer le comportement des acteurs de l’Histoire en fonction des événements postérieurs à leurs actions. Sinon, vous viendrez bientôt nous poser la question de savoir pourquoi Jules César, le 15 mars 44 avant Jésus-Christ, s’est bêtement rendu au Sénat pour se faire assassiner en dépit du fait que Calpurnie, sa femme, l’avait averti le matin même d'une grave menace et lui avaiit part de mauvais présages. Le fait est que César ne savait pas qu’il allait être assassiné. De même, tout porte accroire que, jusqu'à la dernière seconde, Ranucci était persuadé qu’il allait être innocenté. Je me réfère par exemple à sa réaction lors du verdict (« ils sont fous »), au témoignage du prêtre qui l’a visité la veille de son exécution (il continuait à délirer sur le Venezuela et sur une future indemnisation par la France ), et à sa réaction lorsqu’on l’a réveillé pour le guillotiner : « Qu’est-ce qu’ils ont été raconter à Giscard ? »
De plus, dénoncer celui que vous appelez son complice – et que je préfère quant à moi appeler le véritable meurtrier – équivaudrait pour lui à admettre sa participation dans l’enlèvement et dans le meurtre. Or, j vous rappelle que rien que la complicité d’enlèvement était elle-même passible de la peine de mort. Quant au meurtre lui-même, et eu égard au climat hystérique de l’époque, il ne devait s’attendre à aucune clémence du jury s’il avait été établi qu’il avait laissé le meurtrier égorger la fillette sous ses yeux sans n’avoir eu d’autre réaction que de l’aider à dissimuler le cadavre. Il en aurait eu pour trente ans de prison effectifs au bas mot. Ce n’est pas ce que recherchait Ranucci. Ce que voulait Ranucci, c’était l’acquittement.
Citation :
Il devait bien l'aimer son complice pour le laisser en réchapper alors que lui-même allait se faire exécuter.
Ranucci n’avait aucune amitié pour le meurtrier. Il le détestait, le meurtrier. Si Ranucci avait eu l’impression qu’il aurait pu sauver sa propre peau en dénonçant son meurtrier, il n’aurait pas hésité une seconde à le faire. Il n’est d’ailleurs pas exclu que Ranucci reproche au meurtrier l’accident de la Pomme lui-même. En effet, Ranucci était au volant, le ravisseur étendu sur la banquette arrière, chargé de surveiller Marie-Dolorès, coincée sur le plancher de la Peugeot entre les sièges avant et la banquette arrière. Il n’est pas interdit de penser que, à un certain moment, l’enfant ait tenté de se débattre, ait passé un bras sous le siège du conducteur et ait saisi le pied de Ranucci, l’empêchant ainsi d’atteindre la pédale de frein. Le ravisseur, par défaut de surveillance, aurait donc été responsable de l’accident aux yeux de Ranucci et du meurtre « nécessaire » qui s’en est suivi. « Il me le paiera, ça et le reste », confiera-t’il plus tard à Guazzone, en pensant probablement au meurtrier.