La visite d'Allauch
Dernière mise à jour: 21 septembre 2011

 

 



C'est Maître Paul Lombard qui révéla, après le dépôt de la première requête en révision, la probable visite de Christian Ranucci à son père, le jour de l'enlèvement de Maria-Dolorès.

L'avocat marseillais avait en effet reçu une lettre de la tante de Christian Ranucci qui précisait:
" ... Après l'exécution de Christian, à une période où mon père Léopold vivait à Allauch, il m'a dit un jour que mon neveu avait été vu le jour de l'enlèvement en train de sonner à l'entrée de la villa de son père à Allauch. La seconde épouse, Antoinette, a interrogé Christian sur son identité. Il a répondu qu'il venait voir son père. Antoinette a répondu qu'il n'était pas là et Christian est donc reparti. Mon père ne s'est jamais expliqué sur le point de savoir de qui il tenait ce récit. Mais il a fait allusion à ces évènements une bonne dizaine de fois devant son ami Marcel Joseph et Mme Milazzo, patronne de l'hôtel."

Lors de la seconde requête en révision, le commissaire divisionnaire Le Bruchec chercha à en savoir plus et mena, à cette fin, plusieurs auditions qui apportèrent les précisions suivantes:
- Mr Joseph et Mme Milazzo ont confirmé la véracité des propos de Leopold Ranucci.
- Trois autres personnes, voisins ou amis, ont également affirmé avoir entendu parler de cette visite par une voisine de Jean Ranucci, qui a toutefois nié être à l'origine de ces confidences.
- Il a été vérifié que le père de Ranucci ne travaillait pas ce lundi 3 juin 1974 et qu'il se trouvait très probablement chez lui.

Entendu à son tour par le commissaire, Jean Ranucci, ainsi que son épouse, nia l'existence de cette visite mais précisa toutefois qu'il avait un jour chargé un avocat marseillais de faire des recherches pour retrouver la trace de son fils.

Ce dernier point est intéressant car il vient contredire les propos tenus par Jean Ranucci au commissaire Alessandra lors de son audition du 17 juin 1974: "Je vous signale tout de suite que depuis mon divorce... je n'ai plus revu mon fils ni sa mère. De ce fait, j'ignore tout de mon fils Christian... Je ne me souviens même plus de son visage...Je n'ai jamais tenté de le retrouver".

Le commissaire Le Bruchec conclut en considérant la visite de Christian Ranucci à son père comme très probable. Elle ne constituait pas un alibi pour Christian Ranucci vu la proximité d'Allauch et de Marseille mais aurait pu cependant en constituer un en fonction de l'heure de la visite, restée malheureusement incertaine.

Pourquoi Jean Ranucci, à défaut d'avoir accepté de recevoir son fils, a-t-il nié sa présence devant sa villa le 3 juin 1974?
Il avait été condamné à trois reprises, dont l'une pour avoir porté des coups de couteau à la mère de Christian. Son passé judiciaire l'a peut-être incité à nier tout contact avec son fils par crainte d'une accusation pour complicité éventuelle ou, à tout le moins, par souci d'éviter que la police ne s'intéressât de nouveau à lui.

Pourquoi Christian Ranucci n'a-t-il jamais évoqué cette visite?
On sait que la séparation de ses parents avait été douloureuse et brutale. Mme Mathon craignait par dessus tout que son ex-mari enlevât son fils s'il les retrouvait. C'est pourquoi leur vie fut marquée par des déménagements incessants. Christian aurait donc choisi de cacher cette visite par amour et égard pour sa mère.
Cette hypothèse est peu probable car, à un moment ou un autre, Christian aurait inévitablement évoqué, même indirectement, la visite à son père dans sa correspondance avec sa mère. Or le silence sur ce point fut total.
Mme Mathon fut, en tout cas, la seule à avoir évoqué la possible visite de son fils à son père puisqu'elle déclarait le 13 juin 1974, au cours de l'instruction: "Il se pourrait que mon fils ait profité de ce voyage pour aller rendre visite à son père à Allauch".
Elle savait donc que Christian s'intéressait à son père. Serait-ce le pressentiment de cette visite qui motiva en partie son refus d'accompagner son fils le dimanche 2 juin?

Une autre explication au silence de Christian Ranucci serait l'amnésie dont il a toujours dit avoir été victime. Cette même amnésie qui lui fit oublier l'existence de Daniel Moussy et qui expliquerait que, dans les lettres à sa mère et dans son récapitulatif, aucun de ces deux incidents ne fut abordé.

On ne comprendrait pas d'autre part pourquoi, lors de sa garde à vue et de ses interrogatoires serrés, Christian Ranucci aurait sciemment tu sa visite d'Allauch s'il n'avait pas eu cette amnésie car elle pouvait compromettre l'emploi du temps qu'on voulait lui attribuer et par conséquent remettre en doute le bien-fondé de ses aveux.

Et de s'interroger, une nouvelle fois, sur l'absence de curiosité des enquêteurs et du magistrat instructeur dans la vérification de l'emploi du temps de l'inculpé et de certains témoignages.


   
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