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Lors
de sa seconde audition officielle, Christian Ranucci
"libéra sa conscience", le 6 juin
1974 à 14
heures, à l'issue
d'une confrontation
décisive
avec les époux Aubert.
L'inspecteur divisionnaire
Jules Porte enregistra ses aveux dans un
procès-verbal
ainsi rédigé:
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Poursuivant
l'exécution de la commission rogatoire
sus-visée, en date du 4 juin 1974, de
Mlle Di Marino juge d'instruction au T.G.I de
Marseille, et relative à une affaire d'enlèvement
d'enfant de 15 ans suivie contre inconnu.
Extrayons
de la garde à vue le nommé Ranucci
Christian, né le 6 avril 1954 à Avignon
(Vaucluse), représentant, de nationalité française,
demeurant à Nice - 06 - 61 Corniche Fleurie,
Lequel
après
avoir prêté serment de dire la vérité,
toute la vérité, rien que la vérité,
a déposé comme suit:
"Je
préfère libérer ma conscience
et vous dire tout ce que je sais sur cette affaire.
C'est bien moi effectivement qui ai invité la
jeune fille à venir avec moi dans ma voiture.
Par la suite, je vais vous expliquer que je ne
comptais pas lui faire de mal, et pourtant j'ai
perdu la tête.
Arrivé à ce
stade de sa déposition, notifions à l'intéressé les
termes de l'art. 105 du CPP selon lesquels il pourrait
ne faire aucune déclaration et demander à être
conduit devant Mlle le juge mandant. Il déclare: "Je
reconnais que vous m'avez notifié cet article
du CPP selon lequel je pourrais
me taire et demander à être
conduit devant Mlle le juge d'instruction. Je préfère
libérer ma conscience et vous dire tout
ce qui s'est passé. En effet je ne suis
pas "un salaud" et je réalise à peine
comment j'ai pu agir de la manière qui est
la suivante.
J'ai
passé la nuit du dimanche à lundi
dans mon véhicule. J'avais garé la
voiture dans un chemin de campagne situé non
loin de Salernes dans le Var. Je me suis réveillé assez
tard; je me suis mis au volant de ma voiture
et j'ai pris la direction d'Aix-en-Provence par
de petites routes.
Je
ne peux vous donner de précisions sur
les horaires car ma montre est en réparation
et celle du tableau de bord de ma voiture ne
fonctionne plus.
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On
sait aujourd'hui que Christian Ranucci était
déjà à Marseille le dimanche
soir vers 20 heures 30. Un automobiliste, Mr Daniel
Moussy, qui suivait la Peugeot 304 dans les quartiers
nord de la ville, confirma ce point. Les détails
de ce témoignage sont résumés sur
cette page.
On
sait également que, dans la matinée
du 3 juin, Christian Ranucci s'est vraissemblablement
rendu à Allauch pour y rencontrer son père.
Les détails de cette visite figurent sur
cette page.
Pourquoi
Christian Ranucci a-t-il occulté ces deux éléments
essentiels? A la suite de l'amnésie dont
il affirma toujours avoir été victime?
Avait-il, à cet instant précis de
sa garde à vue, encore assez de lucidité pour
se rendre compte de ses propos ou ne faisait-il
qu'aller là où les policiers voulaient
l'emmener?
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Procès-verbal:
Je
suis arrivé à Marseille et j'ai
pensé retrouver un camarade de l'armée
qui se nomme Benvenutti et qui demeure avenue
Alphonse-Daudet, n°51. Sans trop connaître
Marseille, j'ai donc garé mon véhicule
et je pensais aller me promener à pied.
A un moment, j'ai remarqué deux enfants
jeunes qui jouaient devant une cité. Je
ne me souviens pas exactement de l'endroit. Je
peux cependant vous dire que cette rue était
assez étroite et qu'elle n'était
pas bordée d'arbres. Après avoir
regardé ces enfants pendant quelques minutes,
je les ai abordés. J'avais garé mon
véhicule à dix mètres de
l'endroit où jouaient les enfants. Il
y avait un petit garçon auquel j'ai donné cinq
ou six ans, qui avait les cheveux courts. Il
y avait également une petite fille qui
semblait un peu plus âgée, peut-être
sept ou huit ans. Elle était vêtue
de clair, un pull-over et un pantalon court.
Je
me suis approché de ces enfants et je
leur ai demandé s'ils avaient vu une bête.
Je ne me souviens pas très bien des termes
que j'ai employés et je pense qu'il s'agissait
de chien ou de chat. Le petit garçon est
parti de son côté pour rechercher
la bête. Je suis resté sur les lieux
en compagnie de la fille.
Les
souvenirs me reviennent et je suis en mesure
de vous dessiner le plan des lieux. Je m'exécute.
Comme
vous pouvez le constater sur ce plan que je viens
de vous dessiner de ma main, les enfants jouaient
sur un trottoir qui longeait une rue en pente.
J'avais garé ma voiture en bas de cette
pente, devant un immeuble situé à gauche,
en bas de la rue. Les enfants étaient
sur le trottoir en face de l'immeuble. A cet
endroit, la rue forme un léger virage.
Le petit garçon est parti en direction
du haut de la rue pour rechercher un animal.
J'ai alors discuté quelques instants avec
la petite fille et elle est montée sans
difficultés dans la voiture.
Je
vous précise que lorsque le petit garçon
est parti rechercher l'animal, nous nous trouvions
tous les trois à hauteur de ma voiture
et sur le même trottoir. Quand nous fûmes
seuls, la petite et moi, je lui ai proposé de
monter en voiture pour aller nous promener. J'ai "formulé" cette
offre à deux reprises car, la première
fois, elle a hésité. Finalement,
elle a accepté. Je suis monté le
premier dans la voiture, je lui ai rabattu le
siège avant et la petite a pris place à l'arrière.
Je précise que la porte côté conducteur
de ma voiture est bloquée, ce qui m'a
obligé à monter moi-même
par le côté passager. Je me trompe,
la porte n'était pas bloquée à ce
moment-là, je suis monté par le
côté gauche. C'est seulement après
l'accident que la portière gauche a été bloquée.
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Ranucci
justifie sa présence à Marseille par sa visite
à un copain de régiment. Ce dernier
fut interrogé
par les enquêteurs. Nous vous proposons le contenu
de sa déposition sur
cette page.
le
scénario avancé est surréaliste
et bien peu crédible.
Ainsi, si Christian Ranucci a bien enlevé Maria-Dolorès c'est parce
qu'il serait arrivé à la
cité Sainte-Agnès par erreur, à un kilomètre environ
de l'endroit où il voulait aller. Ayant alors décidé de
se promener à pied (il n'a pas encore aperçu les enfants à cet
instant), il gare sa voiture, non pas comme tout le monde le long de la rue,
mais à la perpendiculaire de celle-ci, en marche arrière et de
surcroît devant l'entrée d'un garage dont il bloque l'accès.
Le
plan des lieux de l'enlèvement, dessiné par
Christian Ranucci, a fait l'objet d'une polémique résumée
ici.
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Procès-verbal:
J'avais
garé mon véhicule l'arrière
face à l'immeuble. Je suis parti devant
moi et je me suis éloigné du centre
ville. Après avoir traversé la
banlieue, j'ai emprunté une petite route
en virages, elle montait. Après avoir
roulé une dizaine de kilomètres
au plus sur cette route, j'ai arrêté la
voiture sur un espace situé à droite
de la route. L'endroit ne m'a pas paru très
vaste. Je me souviens également avoir
traversé une petite agglomération.
Quand nous nous sommes arrêtés,
la petite est descendue de la voiture et s'est
assise au bord de la route. J'ai allumé une
cigarette et nous avons parlé. Pendant
le voyage, nous avons parlé; je lui ai
posé diverses questions sur ses conditions
de vie. Quand elle a vu que nous nous éloignions
de la maison, la petite a dit: "qu'il était
l'heure du repas". Je l'ai rassurée
en lui disant que j'allais la ramener chez elle.
Nous ne nous sommes arrêtés que
quelques minutes à l'endroit indiqué.
Quand nous sommes repartis, la petite est montée à l'avant.
C'est elle-même qui l'avait demandé.
A partir de ce moment, nous avons dû rouler
encore une dizaine de kilomètres.
A
un moment, je suis arrivé à un "stop" et
la route débouchait sur une autre, plus
importante. C'est à cet endroit qu'a eu
lieu l'accident. J'ai démarré en
seconde vitesse sans voir arriver un véhicule
sur ma gauche. J'ai été atteint à la
portière gauche, j'ai senti que mon véhicule était
déporté. Je ne sais pas trop bien
dans quelle direction je suis reparti. J'ai senti
une forte odeur de brûlé et j'ai
compris que je ne pourrais rouler très
longtemps dans ces conditions; le pneu qui frottait
contre l'aile faisait "un bruit d'enfer".
J'étais
affolé et je ne me rendais pas compte
que quelqu'un me suivait. Je me suis enfui pour
deux raisons: d'abord parce que l'on pouvait
penser que j'avais brûlé le "stop" et
ensuite à cause de la présence
de la petite fille dans ma voiture. J'ai roulé quelques
centaines de mètres environ, puis je me
suis arrêté. J'ai garé la
voiture sur le bord de la route. Ma portière
s'étant bloquée à la suite
de l'accident, j'ai ouvert la portière
côté passager. J'ai laissé descendre
le petite fille et je l'ai suivie. Je ne me souviens
pas que la petite ait eu peur des suites de l'accident
et elle n'a pas manifesté le désir
de retourner chez elle.
La
petite fille a sauté un caniveau; j'ai également
sauté ce caniveau; j'ai pris la main de
la petite fille et nous avons parcouru ensemble
une courte distance et nous nous sommes retrouvés
en haut du talus. Je vous précise que
j'ai dû aider la petite à grimper
le talus. J'ai dû la tirer par la main."
-
Pourquoi l'avoir tirée par la main?
Pour
l'aider à monter le talus. La petite n'a
pas manifesté de signes d'inquiétude,
je l'affirme. Arrivés sur le talus, l'enfant
s'est mise à crier, elle ne voulait plus
me suivre, elle devait être effrayée
suite à l'accident.
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A
en croire les déclarations de Christian
Ranucci, Maria-Dolorès n'aurait réagi à l'accident
qu'arrivée en haut du talus. La fillette, âgée
de 8 ans, qui n'avait pas l'habitude de la voiture
puisque ses parents n'en avaient pas, aurait donc été confrontée à cette
situation, brutale et nouvelle pour elle, sans
broncher ni paniquer. Difficile à croire.
De plus, si elle avait bien été présente dans la Peugeot
au moment du choc, la violence de ce dernier l'aurait, sans aucun doute, projetée
contre le tableau de bord ou la portière passager (il n"y avat
pas, en 1974, de ceinture de sécurité), occasionnant à l'enfant
des ecchymoses plus ou moins importantes. Or aucune n'a été relevée
sur son corps.
Selon
Christian Ranucci, qui aurait en vain essayé d'ouvrir
sa portière, Maria-Dolorès serait
sortie la première de la voiture. Ce point
est donc en contradiction totale avec les affirmations
des Aubert qui ont déclaré avoir
vu le suspect extraire la fillette de la Peugeot,
donc en être sorti avant elle.
On peut s'interroger sur l'absence de réaction des policiers sur cet élément
important.
De même, pas la moindre allusion au soi-disant dialogue entre Alain Aubert
et Christian Ranucci...
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Procès-verbal:
Je
l'ai empêchée de crier en lui serrant
le cou avec ma main gauche. L'enfant se débattait.
Je vous précise que tout est confus dans
ma mémoire parce que les choses se sont
passées très vite. J'ai pris un
couteau automatique qui se trouvait dans la poche
de mon pantalon, j'ai ouvert ce couteau en appuyant
sur le bouton et j'ai frappé la petite à plusieurs
reprises. A partir de cet instant, je n'ai plus
rien vu et je ne savais plu ce que je faisais.
Je ne me souviens pas de ce que j'ai fait du
corps, je ne sais pas si je l'ai traînée
par terre. Je ne souviens cependant que j'ai
arraché des branches, plus précisément
des épineux, avec lesquelles j'ai recouvert
le corps. Je garde encore sur mes mains les traces
de piqûres et de coupures des épines
et je vous les montre.
Je
suis retourné sur la route après
avoir remis le couteau dans ma poche si mes souvenirs
sont exacts. Je me suis remis au volant de ma
voiture et, après un parcours, je me suis
engagé dans la piste qui donne accès à la
galerie. Le long de cette piste se trouve une
espèce de place où est étalée
de la tourbe. C'est à cet endroit que
je me suis débarrassé du couteau.
Je l'ai jeté à terre et j'ai donné un
coup de pied dedans.
J'ai
déjà expliqué dans ma précédente
déclaration la façon dont je suis
sorti de la champignonnière.
Vous
me présentez un pull de couleur rouge
qui a été saisi par les gendarmes
de Gréasque. Ce vêtement n'est pas
ma propriété. Je ne l'ai jamais
vu.
Je
vous affirme que je n'ai pas violé cette
enfant ni procédé à des
attouchements impudiques."
-
Pourquoi l'avoir enlévée?
Je
ne sais pas. Je voulais l'emmener promener.
-
Pourquoi ne pas l'avoir ramenée avant, quand
elle l'a demandé?
Je comptais le faire. Tout s'est troublé dans
mon esprit à partir de l'accident. Je suis
incapable de vous en dire davantage.
Lecture
faite par lui-même, persiste et signe avec
nous à dix-sept heures.
FIN DE LA GARDE A VUE:
Disons que nous mettons fin à la garde à vue
du sus nommé, qui sera déféré le
6 juin 1974 à dix huit heures devant M.
le juge mandant.
Mention lue par l'intéressé qui signe
avec nous.
ANNEXONS AU PRESENT: un plan des lieux,
dressé par le mis en
cause et signé de sa main.
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Nous expliquons
dans la rubrique relative au couteau les incohérences
des déclarations de Christian Ranucci sur la manière
dont il se serait débarrassé de l'arme du crime.
La mise en relation de ses aveux avec l'endroit
où fut retrouvé le couteau et son enfouissement
débouche sur deux "histoires" totalement différentes
sans aucun rapport l'une avec l'autre.
Et de s'interroger,
une nouvelle fois, sur les conditions dans lesquelles
les aveux ont été passés.
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