Daniel Moussy
Dernière mise à jour: 21 septembre 2011

 

 



Lors de sa rencontre avec Gilles Perrault, en 1978, le commissaire Alessandra déclara à l'écrivain que Christian Ranucci avait bien passé la nuit du 2 au 3 juin 1974 à Marseille.

"Nous le savons de façon certaine parce qu'il a eu un accident de la circulation le dimanche en fin d'après-midi. Il a renversé un chien dans le quartier Saint-Michel. Le propriétaire du chien et lui ont échangé leurs identités pour les problèmes d'assurance."

Selon le commissaire, ce témoignage n'aurait jamais été évoqué car cette personne ne se serait manifestée qu'après la clôture de l'instruction, mais avant le procès.

Le même commissaire affirma en revanche, le 1er février 1979, lors de la conférence de presse organisée par le Garde des Sceaux, que ces propos étaient inexacts et que les faits rapportés n'étaient que pure invention.

Gilles Perrault retrouva toutefois le propriétaire du chien, Mr Daniel Moussy, au début des années 1980. Ce dernier lui déclara que le dimanche 2 juin 1974 vers 20h30, dans les quartiers nord de Marseille, il avait vu un chien jaillir d'un couloir d'immeuble et se jeter sous les roues d'un coupé Peugeot 304 qu'il suivait. N'ayant pu éviter le choc, le chauffeur de la Peugeot s'arrêta; de même que Mr Moussy, qui rejoignit l'autre conducteur, visiblement désolé de ce qui s'était passé.
Mr Moussy lui laissa ses coordonnées en lui promettant de témoigner, le cas échéant, pour sa compagnie d'assurances.

Mr Moussy déclara également avoir reçu, quelques jours plus tard, selon lui avant le 15 juillet 1974, la visite de deux ou trois policiers qui lui demandèrent s'il reconnaissait Christian Ranucci. Ils avaient en effet trouvé son nom et son adresse sur ce dernier.
Un procès-verbal fut ensuite rédigé et signé par le témoin.

Le commissaire divisionnaire Le Bruchec, mandaté par le Garde des Sceaux dans le cadre de la seconde requête en révision, entendit Mr Moussy et confirma la crédibilité et la réalité de ses propos. "Il demeure, écrivit le commissaire, que le récit de Moussy apparaît tout à fait sincère et exact."

Daniel Moussy précisa que l'un des policiers venus l'interroger en 1974 était Mathieu Fratacci, l'un des enquêteurs dans ledossier Ranucci.
L'inspecteur marseillais dut, bien malgré lui, reconnaître avoir été envoyé par son supérieur, le commissaire Alessandra, à une époque qu'il ne pouvait plus préciser.

Mr Alessandra, à son tour auditionné, fut obligé, lui aussi, de reconnaître la réalité des faits: une "rumeur" lui serait parvenue en 1975 ou 1976 concernant cet accident; il ne se souvenait plus du nom des fonctionnaires à qui il avait confié la mission; l'inspecteur Fratacci lui aurait finalement indiqué que ses recherches avaient été infructueuses; il ajoutait également que le compte rendu avait été verbal... Bien des efforts pour essayer tant bien que mal de dissimuler la réalité des faits.

Ainsi donc, le commissaire ayant dirigé l'enquête dans l'affaire Ranucci, avait sciemment trompé la justice en cachant un fait essentiel sur l'emploi du temps du futur condamné, la veille de l'enlèvement de la fillette.

Mr Fratacci affirmait dans son livre "Qui a tué Ranucci?" ceci: " De toutes façons, ce témoignage n'aurait rien changé puisqu'il se serait reporté à des évènements antérieurs à l'enlèvement et au crime. Que Ranucci ait passé la nuit à dormir dans sa voiture en rase campagne, du côté de Salernes, ou à lever le coude dans les bars louches de Marseille, n'infléchissait pas le cours de l'histoire en sa faveur. Il ne devient assassin que le lendemain, après 12h30, heure de l'accident. Qu'il soit à Salernes ou à Marseille, dans les deux cas, il a largement le temps d'enlever la fillette et de la tuer." Il écrivait également: "Au contraire de ce que certains avancent, dans cette enquête, ceci venait à charge et non à décharge de Ranucci. S'il avait menti pour une question aussi secondaire que le lieu de sa présence, il pouvait mentir également sur d'autres points plus importants."

Le problème pour Mr Fratacci et les autres enquêteurs est qu'une enquête importante et une pièce ont été extirpées du dossier et par conséquent non portées à la connaissance du magistrat instructeur, de la défense et de la cour d'assises. Ce qui, en soi, est inacceptable.

De plus, contrairement à ce qui écrivit l'inspecteur, l'épisode Moussy était à décharge de Christian Ranucci, car son omission dans les aveux rendait ceux-ci bien peu crédibles dans le déroulé des évènements.
Mr Fratacci oubliait que ses collègues et lui étaient intimement convaincus, dès son interpellation, de la culpabilité de Christian Ranucci. Et que la révélation de ce témoignage contredisait a posteriori le contenu des aveux.

Lorsque, devant les Assises d'Aix-en-Provence, Christian Ranucci tenta de dire la vérité et de rectifier son emploi du temps, il fut accusé de mensonge et s'en trouva totalement discrédité jusqu'à la fin de son procès...


   
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