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              | 
 
 
 
                    
                      
                        | Interpellé à son
                              domicile le 5 juin en fin d'après-midi,
                              Christian Ranucci est conduit à la brigade
                              de gendarmerie de Nice-Ouest pour y être
                              interrogé à 19 heures dans le cadre
                              d'une enquête pour délit de fuite
                              commis le 3 juin au carrefour de La Pomme.
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                        | Procès-verbal
                              d'audition de personne gardée à vue Il
                                est exact que j'ai eu un accident matériel
                                de la circulation le 3 juin 1974, je pense vers
                                16 heures, alors que je venais d'Aix-en-Provence
                                et que je me rendais à Nice, mais je ne
                                puis préciser le lieu exact. Je venais
                                de démarrer en 2ème vitesse d'un "stop" lorsqu'une
                                voiture m'a percuté sur le côté gauche.
                                J'ignore le genre de voiture avec laquelle j'ai
                                eu l'accident. Je me suis affolé et je
                                suis parti droit devant moi. Payant très
                                cher l'assurance, j'avais peur de l'augmentation
                            de celle-ci et de la suppression du permis.Je
                                  ne me souviens pas avoir été poursuivi
                          par un témoin.
 
 Après avoir roulé environ
                                    un kilomètre,
                                    ayant un pneu qui touchait la carrosserie, je
                                    me suis arrêté sur le bord de la
                                    route pour réparer. A cet endroit, un
                                    chemin se trouvait sur ma droite, fermé par
                                    une barrière
                                    (tube en fer de couleur blanche et rouge). Je
                                    suis descendu de voiture pour ouvrir cette barrière
                                    et, après être remonté en
                                    voiture, j'ai dirigé celle-ci dans le
                                    chemin. Après
                                    avoir parcouru quelques centaines de mètres,
                                    je me suis arrêté pour effectuer
                                    la réparation que je n'avais pu faire
                                    au bord de la route.
 La réparation effectuée, j'ai voulu
                                    repartir mais j'ai constaté que j'étais
                                    embourbé. Je me trouvais dans une sorte
                                    de trou ou bas-fond de terrain. Ayant aperçu
                                    des personnes, j'ai demandé de l'aide et
                                    ces personnes m'ont aidé à sortir
                                    la voiture. Elles m'ont même invité à boire
                                    une boisson chaude avec du citron. Je précise
                                    que ces personnes m'ont semblé être
                                    des Nord-Africains. Je précise aussi que
                                    ces personnes qui étaient employées
                                    dans une champignonnière ne m'ont aidé qu'à l'arrivée
                                    de leur patron.
 J'ai quitté cet endroit vers 18 heures.
                                    Je tiens à préciser que je ne
                                    puis être
                                    affirmatif sur les heures, n'ayant pas de montre
                                    en ma possession ce jour-là. Je suis
                                    rentré directement à Nice
                          où je suis arrivé vers 22 heures.
 
 Je
                                    n'ai rien d'autre à dire sur cette affaire,
                          ma déclaration reflétant la vérité.
 |  
                      
                        | Cette
                              déposition est enregistrée à 20
                              heures.
 Le procès-verbal est émargé de
                            la mention suivante et clos à 20 heures 30:
 |  
                      
                        | Vu les
                              articles 63 et 65 du Code de Procédure Pénale:Pour les nécessités de l'enquête,
                          nous estimons devoir retenir Ranucci Christian au bureau
                          de la brigade de Nice-Ouest. Cette mesure de garde à vue
                          prend effet le 5 juin 1974 à 18 heures 15',
                          heure à laquelle il a été intercepté à son
                          domicile.
 De l'audition effectuée, il ressort qu'à l'encontre
                          de Ranucci Christian, ont été réunis
                          des indices graves et concordants de nature à motiver
                          son inculpation pour délit de fuite, délit
                          prévu et réprimé par l'article
                          12 du Code de la Route.
 Par ailleurs, cette affaire faisant l'objet d'une commission
                          rogatoire de M. le Juge d'Instruction Di Marino, du
                          Tribunal de Grande Instance de Marseille, délivrée à M.
                          le Commissaire Alessandra, du service Régional
                          de Police Judiciaire de Marseille, et sur les instructions
                          de M. le Procureur de la République à Nice,
                          nous déférons l'intéressé à la
                          salle des gardés à vue de Gioffredo.
 Nous faisons parvenir directement à ce magistrat
                          la procédure constituée en double exemplaire,
                          telle que le détail en figure au bordereau d'envoi.
 |  
                      
                        | Christian
                              Ranucci est donc placé en garde à vue
                              pour inculpation pour délit de fuite. La
                              gendarmerie de Nice semble donc à cet instant
                              ignorer l'objet de la commission rogatoire du juge
                              d'instruction marseillais mentionnée dans
                              son procès-verbal.
 Cette
                              déposition
                              de Christian Ranucci contient deux contrevérités:
                              il ne venait pas d'Aix en Provence pour se rendre à Nice
                              au moment de l'accident, mais bien de Marseille.
                              D'autre
                            part il ne s'est pas arrêté à hauteur
                            de la barrière, mais bien avant, à environ
                            sept cents mètres du carrefour.
 
 Les
                            partisans de sa culpabilité verront dans
                              ces deux éléments un premier mensonge
                              visant à dissimuler la réalité de
                              l'enlèvement et du crime atroce qui s'ensuivit.
                              Les explications données par Ranucci sur
                              son arrêt ne sont en effet guère convaincantes.
                              Pourquoi ne pas avoir fait la réparation
                              au bord de la route et préféré,
                              pour ce faire, une champignonnière humide
                              et sombre? Si ce n'est pour s'y cacher et échapper à l'éventuel
                              retour des époux Aubert ou de M. Martinez.
 
 Si
                              l'on retient, en revanche, la thèse de
                              son innocence, ces mêmes éléments
                              peuvent être interprétés de
                              toute autre manière: les gendarmes niçois
                              interrogeaient Christian Ranucci pour son délit
                              de fuite. Craignant de perdre son permis de conduire,
                              donc son travail, et incapable de se remémorer
                              ce qui survint après l'accident, il aurait
                              choisi de cacher sa nuit de beuverie marseillaise
                              et tenté d'expliquer, tant bien que mal,
                              sa présence, pour lui incompréhensible,
                              dans la champignonnière.
 
 Quoiqu'il
                              en soit, lors de son interpellation à son
                                domicile, Christian Ranucci ne semblait pas nerveux
                                ni inquiet. Est-ce l'attitude d'un assassin d'enfant arrogant
                              et bien décidé à duper
                                son monde, ou celle d'un homme dont la seule
                                faute était
                            d'avoir commis un délit de fuite?
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