Les Aveux
Dernière mise à jour: 21 septembre 2011

 

 

Après quinze heures d'interrogatoire, probablement "serré", Christian Ranucci

commença ses aveux, ce 6 juin 1974, entre 13 heures 30 et 14 heures, à l'issue

d'une
confrontation décisive avec les époux Aubert.


"Je préfère libérer ma conscience et vous dire tout ce que je sais sur cette affaire. C'est bien moi effectivement qui ai invité la jeune fille à venir avec moi dans ma voiture. Par la suite, je vais vous expliquer que je ne comptais pas lui faire de mal, et pourtant j'ai perdu la tête.

...Je préfère libérer ma conscience et vous dire tout ce qui s'est passé. En effet, je ne suis pas un salaud et je réalise à peine comment j'ai pu agir de la manière qui est la suivante.

J'ai passé la nuit du dimanche à lundi dans mon véhicule. J'avais garé la voiture dans un chemin de campagne situé non loin de Salernes dans le Var. Je me suis réveillé assez tard; je me suis mis au volant de ma voiture et j'ai pris la route d'Aix-en-Provence par de petites routes.

Je ne peux vous donner de précisions sur les horaires car ma montre est en réparation et celle du tableau de bord de ma voiture ne fonctionne plus.

On sait aujourd'hui que Christian Ranucci était déjà à Marseille le dimanche soir vers 20 heures 30. Un automobiliste, Mr Daniel Moussy, qui suivait la Peugeot 304 dans les quartiers nord de la ville, confirma ce point. Les détails de ce témoignage figurent sur cette page.

Pourquoi Christian Ranucci a-t-il occulté cet élément essentiel? A la suite de l'amnésie dont il affirma toujours avoir été victime? Avait-il, à cet instant précis de sa garde à vue, encore assez de lucidité pour se rendre compte de ses propos ou ne faisait-il qu'aller là où les policiers voulaient l'emmener?

Je suis arrivé à Marseille et j'ai pensé retrouver un camarade de l'armée qui se nomme Benvenutti et qui demeure avenue Alphonse-Daudet, n°51. Sans trop connaître Marseille, j'ai donc garé mon véhicule et je pensais aller me promener à pied. A un moment, j'ai remarqué deux enfants jeunes qui jouaient devant une cité. Je ne me souviens pas exactement de l'endroit. Je peux cependant vous dire que cette rue était assez étroite et qu'elle n'était pas bordée d'arbres. Après avoir regardé ces enfants pendant quelques minutes, je les ai abordés. J'avais garé mon véhicule à dix mètres de l'endroit où jouaient les enfants. Il y avait un petit garçon auquel j'ai donné cinq ou six ans, qui avait les cheveux courts. Il y avait également une petite fille qui semblait un peu plus âgée, peut-être sept ou huit ans. Elle était vêtue de clair, un pull-over et un pantalon court.

Je me suis approché de ces enfants et je leur ai demandé s'ils avaient vu une bête. Je ne me souviens pas très bien des termes que j'ai employés et je pense qu'il s'agissait de chien ou de chat. Le petit garçon est reparti de son côté pour rechercher la bête. Je suis resté sur les lieux en compagnie de la fille.

Les souvenirs me reviennent et je suis en mesure de vous dessiner le plan des lieux. Je m'exécute.

Comme vous pouvez le constater sur ce plan que je viens de vous dessiner de ma main, les enfants jouaient sur un trottoir qui longeait une rue en pente. J'avais garé ma voiture en bas de cette pente, devant un immeuble situé à gauche, en bas de la rue. Les enfants étaient sur le trottoir en face de l'immeuble. A cet endroit, la rue forme un léger virage. Le petit garçon est parti en direction du haut de la rue pour rechercher un animal. J'ai alors discuté quelques instants avec la petite fille et elle est montée sans difficultés dans la voiture.

Je vous précise que lorsque le petit garçon est parti rechercher l'animal, nous nous trouvions tous les trois à hauteur de ma voiture et sur le même trottoir. Quand nous fûmes seuls, la petite et moi, je lui ai proposé de monter en voiture pour aller nous promener. J'ai formulé cette offre à deux reprises car, la première fois, elle a hésité. Finalement, elle a accepté. Je suis monté le premier dans la voiture, je lui ai rabattu le siège avant et la petite a pris place à l'arrière. Je précise que la porte côté conducteur de ma voiture est bloquée, ce qui m'a obligé à monter moi-même par le côté passager. Je me trompe, la porte n'était pas bloquée à ce moment-là, je suis monté par le côté gauche. C'est seulement après l'accident que la portière gauche a été bloquée.

le scénario avancé est surréaliste et très peu crédible.
Ainsi, si CR a bien enlevé MD c'est parce qu'il serait arrivé à la cité Sainte-Agnès par erreur, à un kilomètre environ de l'endroit où il voulait aller. Ayant alors décidé de se promener à pied (il n'a pas encore aperçu les enfants à cet instant), il gare sa voiture, non pas comme tout le monde le long de la rue, mais à la perpendiculaire de celle-ci, en marche arrière et de surcroît devant l'entrée d'un garage dont il bloque l'accès.

Le plan des lieux de l'enlèvement, dessiné par Christian Ranucci, a fait l'objet d'une polémique résumée ici.

J'avais garé mon véhicule l'arrière face à l'immeuble. Je suis parti devant moi et je me suis éloigné du centre ville. Après avoir traversé la banlieue, j'ai emprunté une petite route en virages, elle montait. Après avoir roulé une dizaine de kilomètres au plus sur cette route, j'ai arrêté la voiture sur un espace situé à droite de la route. L'endroit ne m'a pas paru très vaste. Je me souviens également avoir traversé une petite agglomération. Quand nous nous sommes arrêtés, la petite est descendue de la voiture et s'est assise au bord de la route. J'ai allumé une cigarette et nous avons parlé. Pendant le voyage, nous avons parlé; je lui ai posé diverses questions sur ses conditions de vie. Quand elle a vu que nous nous éloignions de la maison, la petite a dit: "qu'il était l'heure du repas". Je l'ai rassurée en lui disant que j'allais la ramener chez elle. Nous ne nous sommes arrêtés que quelques minutes à l'endroit indiqué. Quand nous sommes repartis, la petite est montée à l'avant. C'est elle-même qui l'avait demandé. A partir de ce moment, nous avons dû rouler encore une dizaine de kilomètres.

A un moment, je suis arrivé à un "stop" et la route débouchait sur une autre, plus importante. C'est à cet endroit qu'a eu lieu l'accident. J'ai démarré en seconde vitesse sans voir arriver un véhicule sur ma gauche. J'ai été atteint à la portière gauche, j'ai senti que mon véhicule était déporté. Je ne sais pas trop bien dans quelle direction je suis reparti. J'ai senti une forte odeur de brûlé et j'ai compris que je ne pourrais rouler très longtemps dans ces conditions; le pneu qui frottait contre l'aile faisait "un bruit d'enfer".

J'étais affolé et je ne me rendais pas compte que quelqu'un me suivait. Je me suis enfui pour deux raisons: d'abord parce que l'on pouvait penser que j'avais brûlé le "stop" et ensuite à cause de la présence de la petite fille dans ma voiture. J'ai roulé quelques centaines de mètres environ, puis je me suis arrêté. J'ai garé la voiture sur le bord de la route. Ma portière s'étant bloquée à la suite de l'accident, j'ai ouvert la portière côté passager. J'ai laissé descendre le petite fille et je l'ai suivie. Je ne me souviens pas que la petite ait eu peur des suites de l'accident et elle n'a pas manifesté le désir de retourner chez elle.

La petite fille a sauté un caniveau; j'ai également sauté ce caniveau; j'ai pris la main de la petite fille et nous avons parcouru ensemble une courte distance et nous nous sommes retrouvés en haut du talus. Je vous précise que j'ai dû aider la petite à grimper le talus. J'ai dû la tirer par la main."

- "Pourquoi l'avoir tirée par la main?" -

"Pour l'aider à monter le talus. La petite n'a pas manifesté de signes d'inquiétude, je l'affirme. Arrivés sur le talus, l'enfant s'est mise à crier, elle ne voulait plus me suivre, elle devait être effrayée suite à l'accident.

A en croire les déclarations de Christian Ranucci, Maria-Dolorès n'aurait réagi à l'accident qu'arrivée en haut du talus. La fillette, âgée de 8 ans, qui n'avait pas l'habitude de la voiture puisque ses parents n'en avaient pas, aurait donc été confrontée à cette situation, brutale et nouvelle pour elle, sans broncher ni paniquer. Difficile à croire.
De plus, si elle avait bien été présente dans la Peugeot au moment du choc, la violence de ce dernier l'aurait, sans aucun doute, projetée contre le tableau de bord ou la portière passager (il n"y avat pas, en 1974, de ceinture de sécurité), occasionnant à l'enfant des ecchymoses plus ou moins importantes. Or aucune n'a été relevée sur son corps.

Selon Christian Ranucci, qui aurait en vain essayé d'ouvrir sa portière, Maria-Dolorès serait sortie la première de la voiture. Ce point est donc en contradiction totale avec les affirmations des Aubert qui ont déclaré avoir vu le suspect extraire la fillette de la Peugeot, donc en être sorti avant elle.
On peut s'interroger sur l'absence de réaction des policiers sur cet élément important.
De même, pas la moindre allusion au soi-disant dialogue entre Alain Aubert et Christian Ranucci...

Je l'ai empêchée de crier en lui serrant le cou avec ma main gauche. L'enfant se débattait. Je vous précise que tout est confus dans ma mémoire parce que les choses se sont passées très vite. J'ai pris un couteau automatique qui se trouvait dans la poche de mon pantalon, j'ai ouvert ce couteau en appuyant sur le bouton et j'ai frappé la petite à plusieurs reprises. A partir de cet instant, je n'ai plus rien vu et je ne savais plu ce que je faisais. Je ne me souviens pas de ce que j'ai fait du corps, je ne me souviens pas si je l'ai traîné par terre. Je ne souviens cependant que j'ai arraché des branches, plus précisément des épineux, avec lesquelles j'ai recouvert le corps. Je garde encore sur mes mains les traces de piqûres et de coupures des épines et je vous les montre.

Je suis retourné sur la route après avoir remis le couteau dans ma poche si mes souvenirs sont exacts. Je me suis remis au volant de ma voiture et, après un parcours, je me suis engagé dans la piste qui donne accès à la galerie. Le long de cette piste se trouve une espèce de place où est étalée de la tourbe. Je l'ai jeté à terre et j'ai donné un coup de pied dedans.

J'ai déjà expliqué dans ma précédente déclaration la façon dont je suis sorti de la champignonnière.

Je vous affirme que je n'ai pas violé cette enfant ni procédé à des attouchements impudiques."

-A la question: pourquoi l'avoir enlévée?- "Je ne sais pas.Je voulais l'emmener promener" - Pourquoi ne pas l'avoir ramenée avant, quand elle l'a demandé? - " Je comptais le faire. Tout s'est troublé dans mon esprit à partir de l'accident. Je suis incapable de vous en dire davantage."


6 juin - 18 heures

Christian Ranucci est ensuite déféré devant le juge d'instruction qui procèda à l'interrogatoire de première comparution.

Il réitère ses aveux de la manière suivante, en apportant quelques détails supplémentaires:

"Je reconnais m'être rendu à Marseille le lundi de Pentecôte, c'est-à-dire le 3 juin 1974. Je reconnais avoir enlevé une fillette qui devait être âgée au maximum de huit ans. Je reconnais avoir au cours de la même matinée égorgé cette fillette un peu plus tard dans la matinée à coups de couteau. Je l'ai égorgée avec un couteau automatique que j'avais dans ma poche. Ce couteau, je m'en suis débarrassé après les faits à l'entrée de la galerie où je me suis embourbé.
En ce qui me concerne, je n'ai saigné à aucun moment au cours de la journée du 3 juin. Je me suis seulement égratigné ainsi que vous pouvez le constater et que vous l'avez déjà constaté au cours du contrôle de garde à vue. Ces égratignures proviennent des ronces qui se trouvaient à l'endroit où j'ai égorgé l'enfant et des ronces qui se trouvaient non loin de la galerie où je me suis embourbé.
Sans pouvoir être formel, je pense donc que, si une tache de sang a été découverte sur le pantalon trouvé dans ma voiture par les policiers, je pense qu'il s'agit de sang provenant de la fillette. Avant que l'enfant ne soit égorgée, mon pantalon était propre, il n'y avait aucune tache.
J'ajoute que je suis bien propriétaire de la Peugeot 304 grise qui a été découverte à mon domicile à Nice, que c'est à bord de cette voiture que j'avais emmené la fillette et que c'est avec cette voiture que j'ai causé un accident qui a immédiatement précédé le moment où j'ai égorgé la fillette. Je viens de résumer l'essentiel des faits; je consens maintenant à donner des détails supplémentaires."

"J'ai quitté Nice le dimanche 2 juin avec l'intention de me promener pour le week-end sans but bien défini. Je me suis rendu à Draguignan et j'ai passé la nuit de dimanche à lundi dans la voiture un peu plus loin de Draguignan près de Salernes dans le Var. En me réveillant, peut-être vers 9 heures du matin, l'idée m'est venue de poursuivre ma route jusqu'à Marseille où je savais que se trouvait un de mes camarades connu à l'armée. Plus exactement, je rectifie, l'idée m'est venue d'aller à Marseille sans but précis et c'est en arrivant dans cette ville que j'ai pensé à mon camarade Benvenuti et que j'ai voulu aller lui dire bonjour.

Comme je ne connais pas la ville de Marseille, j'ai garé mon véhicule dans une rue dont je n'ai pas relevé le nom, je n'ai pas trop insisté pour retrouver mon camarade et, apercevant deux enfants, un garçon et une fillette jouant sur un trottoir, je me suis approché d'eux. La petite fille portait une chemisette, et un short dont j'ai oublié la couleur.
J'ai abordé les enfants, je leur ai parlé, ils m'ont dit qu'ils s'amusaient. L'idée m'est venue d'emmener la petite fille promener et pour me débarrasser du petit garçon, ou plus précisément. pour ne pas l'emmener lui, car, je considère le mot "débarrasser" trop fort, j'ai invité le petit garçon à rechercher un animal que je prétendais avoir perdu.
Resté seul avec la petite fille, j'ai invité la petite fille à venir se promener à bord de ma voiture après avoir bavardé avec elle un petit moment. Elle m'a suivi sans difficulté. Je ne peux pas expliquer pour quelle raison j'ai préféré emmener la petite fille plutôt que le petit garçon mais j'affirme qu'en agissant de la sorte je n'avais pas de mauvaises intentions à l'égard de la fillette.
Je répète que je ne connais pas le nom de la rue où jouaient les enfants mais j'ai fait un plan des lieux où jouaient les enfants au cours de mon audition devant les services de police. Il s'agit bien du plan que vous me montrez et que j'ai signé.
J'ai rabattu le siège avant de ma voiture pour faire monter la petite fille à l'arrière du véhicule et j'ai démarré dans la direction opposée au centre-ville. J'ai quitté la ville de Marseille sans pouvoir vous dire quelle direction j'ai exactement suivie. Il est évident que je me suis dirigé vers le lieu où l'accident a été constaté par des témoins. Accident sur lequel je vais m'expliquer par la suite.

A un moment donné, je me suis arrêté sur le bord de la route pour fumer une cigarette et j'ai bavardé de choses et d'autres avec la petite fille, lui demandant par exemple si elle allait à l'école. Je ne saurais préciser le nom de l'endroit où je me suis arrêté, je le reconnaîtrais peut-être si j'y retournais. La petite fille ne manifestait aucune crainte à mon égard et je réaffirme que pas plus à ce moment qu'à un autre, je n'ai exercé de violences à caractère sexuel sur la fillette.
Au bout d'un moment, nous sommes remontés en voiture et la petite fille a dit qu elle avait faim, qu'elle voulait retourner chez elle. Je lui ai dit que j'étais d'accord pour la ramener, que j'allais faire demi-tour mais je n'ai pas pu mettre mes intentions à exécution car c'est à ce moment-là que je suis arrivé à un stop à un endroit où la route débouche sur une autre plus importante et que j'ai accroché un autre véhicule.
En effet, j'avais démarré en seconde vitesse et je n'avais pas vu arriver un véhicule sur ma gauche. J'ai senti le choc, j'ai poursuivi ma route appuyant sur l'accélérateur. J'ai ainsi pris la fuite parce que je venais de causer un accident et que j'estimais que cela me coûterait de l'argent, l'idée ne m'étant pas venue qu'on pourrait relever mon numéro d'immatriculation sur le moment. J'ai également pris la fuite parce que j'avais la petite fille à bord de mon véhicule et je craignais que l'on pense à mal si on la trouvait dans ma voiture alors que je l'avais emmenée sans demander aucune autorisatîon à ses parents. Je réaffirme que, en emmenant l'enfant, je n'avais pas de mauvaises intentions, bien que je n'aie pas cru devoir demander aux parents de l'enfant l'autorisation d'emmener celle-ci et bien que j'aie au préalable écarté le petit garçon.

Pensant que l'on pouvait me poursuivre, j'ai quitté mon véhicule en bordure de la route. A ce moment-là, la fillette, qui après le premier arrêt sur la route était passée sur le siège avant, est sortie par la portière droite de mon véhicule. Je suis également sorti par cette portière. J'affirme que la petite fille m'a suivi sans rien dire.
Je l'ai tirée par la main et je lui ai fait sauter une sorte de caniveau se trouvant à cet endroit. J'ai sauté après elle et je l'ai tirée par le bras en haut du talus bordant la route. A un moment donné, la petite fille n'a plus voulu avancer. Elle s'est mise à crier. Je l'ai serrée au cou et je lui ai porté plusieurs coups de couteau. Comme je l'ai déjà dit, ce couteau, je l'ai sorti de la poche de mon pantalon. Tout s'est passé très vite. Je ne me contrôlais plus. J'étais affolé. Pire que ça. Je n'étais plus moi.

Nouvelle contradiction avec les déclarations des Aubert. Maria-Dolorès se serait mise à crier. Or les Aubert, pourtant à proximité immédiate des fourrés, n'ont entendu aucun cri.

Je sais que ce que j'ai fait est affreux, mais je ne peux absolument pas expliquer mon geste. Je réaffirme que, si j'ai agi de la sorte, ce n'est pas parce que j'aurais commis des violences d'ordre sexuel sur la petite comme on pourrait le supposer.
Je réaffirme que mes intentions étaient honnêtes quand j'ai pris l'enfant. Je n'ai commis aucun attouchement sur sa personne. Je ne lui ai pas fait procéder à des attouchements sur ma personne. J'ai emmené la petite fille se promener avec moi par sympathie. Je n'ai demandé aucune autorisation aux parents parce que je comptais seulement emmener l'enfant faire un petit tour. Si j'ai fait faire plusieurs kilomètres à l'enfant à bord de ma voiture, c'est parce qu'elle était contente de se trouver en voiture.

Une fois l'enfant égorgée, je l'ai abandonnée sur le talus après l'avoir recouverte de branchages. J'affirme, ou plus exactement je ne me souviens pas d'avoir frappé sur le crâne de l'enfant avec une pierre. Par contre, je me souviens d'avoir fortement secoué la fillette avec une main, il est possible qu'elle se soit cognée contre le sol au moment où je l'ai secouée, allongée par terre.

Presque immédiatement après avoir égorgé l'enfant, j'ai rejoint mon véhicule. J'ai poursuivi ma route. A un moment donné, je me suis engagé sur un chemin situé sur la droite de la route. A un moment donné, j'ai enlevé une barre de fer qui me barrait le passage. Un peu plus loin, je me suis arrêté et j'ai jeté le couteau dans la tourbe qui se trouvait à cet endroit.
Je suis remonté à bord de mon véhicule avec l'intention de rejoindre l'entrée d'une galerie se situant à cet endroit pour réparer mon véhicule endommagé par l'accident. J'ai dérapé, je me suis retrouvé au fond de la galerie. J'ai longtemps essayé de sortir de cette galerie. Mais n'y parvenant pas après avoir essayé plusieurs systèmes, au bout de plusieurs heures après la mort de l'enfant, je suis allé chercher du secours. Deux hommes sont venus m'aider.

Pourquoi Christian Ranucci aurait-il choisi de s'enterrer dans une galerie à l'accès aussi incertain alors qu'il lui suffisait de s'arrêter à un endroit plus propice à une "fuite" rapide?

Jamais la police ni le juge d'instruction n'ont cherché à éclaircir sa présence dans la galerie, pas plus qu'ils n'ont essayé de savoir pourquoi le couteau aurait été abandonné à cet endroit.

Je ne sais plus si c'est après avoir porté des coups à l'enfant, mes mains étaient tachées de sang. En tout cas, j'ai coupé des branchages. J'ai utilisé de la tourbe pour essayer de dégager mon véhicule. J'ai procédé à tellement d'opérations après les faits que même si mes mains avaient été tachées de sang, ces taches auraient disparu. On m'a dit qu'un pull-over rouge avait été découvert à proximité du lieu où mon véhicule s'est arrêté, j'affirme que ce pull-over ne m'appartient pas.

En résumé, j'affirme avoir pris l'enfant sans prévenir qui que ce soit après avoir éloigné le petit garçon se trouvant avec elle. Je reconnais avoir porté des coups de couteau à l'enfant, l'avoir recouverte de branchages après avoir constaté qu'elle était morte. Je réaffirme que, je ne peux absolument pas expliquer ce que j'ai fait. Je réaffirme que je n'avais pas de mauvaises intentions lorsque j'ai pris l'enfant et qu'elle n'a subi aucune violence de caractère sexuel de ma part."

Quelle valeur donner à des aveux contenant autant de contrevérités et d'incohérences?

Contrevérités, tout d'abord, pour ce qui concerne l'emploi du temps de Christian Ranucci dans la soirée et la nuit du 2 au 3 juin, puis dans la matinée du 3 juin. Pourquoi ce silence sur l'incident du chien, la nuit passée dans les bars du quartier de l'Opéra et la très probable visite à son père, à Allauch?

Incohérences, ensuite, dans le scénario de l'enlèvement et du meurtre de la fillette. Quel serait le mobile de l'enlèvement? Ranucci justifie son geste par une réaction de sympathie à l'égard de Maria-Dolorès, à qui, semble-t-il, il voulait "faire plaisir" en l'emmenant dans sa voiture. Pourquoi dès lors ne pas avoir emmener les deux enfants et recourir au stratagème de la bête qu'il aurait perdue et qu'il faut chercher dans la cité? Ce prétexte contredit en tout cas le reste des aveux car il implique une volonté affirmée d'écarter l'un des deux enfants, rendant fort peu crédible le prétexte de la simple promenade amicale.

Christian Ranucci avoua avoir tué Maria-Dolorès par affolement devant les cris de la fillette. Il ne se contrôlait plus, n'était plus lui et pourtant se souvint qu'il avait un couteau en poche, prit ce couteau, en actionna le mécanisme, lui porta quinze coups, vérifia qu'elle était bien morte, la recouvrit de branchage, remit son couteau en poche puis repensa à va voiture qu'il fallait à présent réparer... Etonnante lucidité !!!

Le problème posé par les aveux de Ranucci est qu'ils n'ont jamais été étayés par la police et le magistrat instructeur. Ils se suffisaient à eux-mêmes. Les policiers n'ont, à aucun moment, cherché à vérifier l'exactitude des aveux par des témoignages ou des preuves concrètes ou simplement à préciser des points importants comme l'endroit précis où Ranucci passa la nuit du 2 au 3 juin, ce qu'il fit dans la matinée du 3 juin, la localisation exacte de l'arrêt cigarette, l'origine du couteau et son enfouissement dans la tourbe, la connaissance ou non par Ranucci de la champignonnière, etc...

En revanche, ce qui ne collait pas aux aveux était systématiquement écarté. Comme l'ont été les déclarations d'Eugène Spinelli et de Jean, le frère de la victime. Ces deux seuls témoins de l'enlèvement n'ont en effet pas reconnu Ranucci, ni sa voiture. Pire. Ils ont donné du ravisseur un portrait qui ne correspondait nullement à celui de l'inculpé, ce qui induisait alors une question essentielle: si Ranucci n'avait pas enlevé Maria-Dolorès, pourquoi l'aurait-il assassinée?

Nous devons nous interroger sur les circonstances qui ont entraîner les aveux de Christian Ranucci: quinze heures d'un interrogatoire très certainement musclé, dans un contexte de pression populaire et médiatique énorme. Christian Ranucci n'étant pas Jeremy Cartland, rien ne devait entraver la volonté des enquêteurs dans la recherche des aveux.

Lorsqu'elle aperçut son fils, après qu'il eût avoué, Madame Mathon remarqua "son visage défait, ses cheveux ébouriffés, ses yeux rouges, dont l'un saignait. Il n'avait plus le même regard. On y lisait de la terreur, de l'horreur, du dégoût". "Il n'était plus le même, il n'était plus lui-même", ajouta-t-elle.

Christian Ranucci venait-il, à cet instant, de réaliser l'absurdité et l'horreur de son geste ou n'offrait-il, à sa mère, que le visage d'un fils à qui l'on avait fait dire ce qu'il n'aurait jamais pu commettre?

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