Après
quinze heures d'interrogatoire, probablement "serré",
Christian Ranucci
commença ses aveux, ce 6 juin 1974, entre 13 heures
30 et 14 heures, à l'issue
d'une confrontation décisive
avec les époux Aubert.
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"Je
préfère libérer ma conscience et
vous dire tout ce que je sais sur cette affaire. C'est
bien moi effectivement qui ai invité la jeune
fille à venir avec moi dans ma voiture. Par la
suite, je vais vous expliquer que je ne comptais pas
lui faire de mal, et pourtant j'ai perdu la tête.
...Je
préfère libérer ma conscience et
vous dire tout ce qui s'est passé. En effet, je
ne suis pas un salaud et je réalise à peine
comment j'ai pu agir de la manière qui est la
suivante.
J'ai
passé la nuit du dimanche à lundi dans
mon véhicule. J'avais garé la voiture dans
un chemin de campagne situé non loin de Salernes
dans le Var. Je me suis réveillé assez
tard; je me suis mis au volant de ma voiture et j'ai
pris la route d'Aix-en-Provence par de petites routes.
Je
ne peux vous donner de précisions sur les horaires
car ma montre est en réparation et celle du tableau
de bord de ma voiture ne fonctionne plus.
On
sait aujourd'hui que Christian Ranucci était
déjà à Marseille le dimanche
soir vers 20 heures 30. Un automobiliste, Mr Daniel
Moussy, qui suivait la Peugeot 304 dans les quartiers
nord de la ville, confirma ce point. Les détails
de ce témoignage figurent sur cette page.
Pourquoi
Christian Ranucci a-t-il occulté cet élément
essentiel? A la suite de l'amnésie dont
il affirma toujours avoir été victime?
Avait-il, à cet instant précis
de sa garde à vue, encore assez de lucidité pour
se rendre compte de ses propos ou ne faisait-il
qu'aller là où les policiers voulaient
l'emmener?
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Je
suis arrivé à Marseille et j'ai pensé retrouver
un camarade de l'armée qui se nomme Benvenutti
et qui demeure avenue Alphonse-Daudet, n°51. Sans
trop connaître Marseille, j'ai donc garé mon
véhicule et je pensais aller me promener à pied.
A un moment, j'ai remarqué deux enfants jeunes
qui jouaient devant une cité. Je ne me souviens
pas exactement de l'endroit. Je peux cependant vous dire
que cette rue était assez étroite et qu'elle
n'était pas bordée d'arbres. Après
avoir regardé ces enfants pendant quelques minutes,
je les ai abordés. J'avais garé mon véhicule à dix
mètres de l'endroit où jouaient les enfants.
Il y avait un petit garçon auquel j'ai donné cinq
ou six ans, qui avait les cheveux courts. Il y avait également
une petite fille qui semblait un peu plus âgée,
peut-être sept ou huit ans. Elle était vêtue
de clair, un pull-over et un pantalon court.
Je
me suis approché de ces enfants et je leur ai
demandé s'ils avaient vu une bête. Je ne
me souviens pas très bien des termes que j'ai
employés et je pense qu'il s'agissait de chien
ou de chat. Le petit garçon est reparti de son
côté pour rechercher la bête. Je suis
resté sur les lieux en compagnie de la fille.
Les
souvenirs me reviennent et je suis en mesure de vous
dessiner le plan des lieux. Je m'exécute.
Comme
vous pouvez le constater sur ce plan que je viens de
vous dessiner de ma main, les enfants jouaient sur un
trottoir qui longeait une rue en pente. J'avais garé ma
voiture en bas de cette pente, devant un immeuble situé à gauche,
en bas de la rue. Les enfants étaient sur le trottoir
en face de l'immeuble. A cet endroit, la rue forme un
léger virage. Le petit garçon est parti
en direction du haut de la rue pour rechercher un animal.
J'ai alors discuté quelques instants avec la petite
fille et elle est montée sans difficultés
dans la voiture.
Je
vous précise que lorsque le petit garçon
est parti rechercher l'animal, nous nous trouvions tous
les trois à hauteur de ma voiture et sur le même
trottoir. Quand nous fûmes seuls, la petite et
moi, je lui ai proposé de monter en voiture pour
aller nous promener. J'ai formulé cette offre à deux
reprises car, la première fois, elle a hésité.
Finalement, elle a accepté. Je suis monté le
premier dans la voiture, je lui ai rabattu le siège
avant et la petite a pris place à l'arrière.
Je précise que la porte côté conducteur
de ma voiture est bloquée, ce qui m'a obligé à monter
moi-même par le côté passager. Je
me trompe, la porte n'était pas bloquée à ce
moment-là, je suis monté par le côté gauche.
C'est seulement après l'accident que la portière
gauche a été bloquée.
le
scénario avancé est surréaliste
et très peu crédible.
Ainsi,
si CR a bien enlevé MD c'est parce qu'il serait
arrivé à la cité Sainte-Agnès
par erreur, à un kilomètre environ
de l'endroit où il voulait aller. Ayant alors
décidé de se promener à pied
(il n'a pas encore aperçu les enfants à cet
instant), il gare sa voiture, non pas comme tout
le monde le long de la rue, mais à la perpendiculaire
de celle-ci, en marche arrière et de surcroît
devant l'entrée d'un garage dont il bloque
l'accès.
Le
plan des lieux de l'enlèvement, dessiné par
Christian Ranucci, a fait l'objet d'une polémique
résumée ici.
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J'avais
garé mon véhicule l'arrière face à l'immeuble.
Je suis parti devant moi et je me suis éloigné du
centre ville. Après avoir traversé la banlieue,
j'ai emprunté une petite route en virages, elle
montait. Après avoir roulé une dizaine
de kilomètres au plus sur cette route, j'ai arrêté la
voiture sur un espace situé à droite de
la route. L'endroit ne m'a pas paru très vaste.
Je me souviens également avoir traversé une
petite agglomération. Quand nous nous sommes arrêtés,
la petite est descendue de la voiture et s'est assise
au bord de la route. J'ai allumé une cigarette
et nous avons parlé. Pendant le voyage, nous avons
parlé; je lui ai posé diverses questions
sur ses conditions de vie. Quand elle a vu que nous nous éloignions
de la maison, la petite a dit: "qu'il était
l'heure du repas". Je l'ai rassurée en lui
disant que j'allais la ramener chez elle. Nous ne nous
sommes arrêtés que quelques minutes à l'endroit
indiqué. Quand nous sommes repartis, la petite
est montée à l'avant. C'est elle-même
qui l'avait demandé. A partir de ce moment, nous
avons dû rouler encore une dizaine de kilomètres.
A
un moment, je suis arrivé à un "stop" et
la route débouchait sur une autre, plus importante.
C'est à cet endroit qu'a eu lieu l'accident. J'ai
démarré en seconde vitesse sans voir arriver
un véhicule sur ma gauche. J'ai été atteint à la
portière gauche, j'ai senti que mon véhicule était
déporté. Je ne sais pas trop bien dans
quelle direction je suis reparti. J'ai senti une forte
odeur de brûlé et j'ai compris que je ne
pourrais rouler très longtemps dans ces conditions;
le pneu qui frottait contre l'aile faisait "un bruit
d'enfer".
J'étais
affolé et je ne me rendais pas compte que quelqu'un
me suivait. Je me suis enfui pour deux raisons: d'abord
parce que l'on pouvait penser que j'avais brûlé le "stop" et
ensuite à cause de la présence de la petite
fille dans ma voiture. J'ai roulé quelques centaines
de mètres environ, puis je me suis arrêté.
J'ai garé la voiture sur le bord de la route.
Ma portière s'étant bloquée à la
suite de l'accident, j'ai ouvert la portière côté passager.
J'ai laissé descendre le petite fille et je l'ai
suivie. Je ne me souviens pas que la petite ait eu peur
des suites de l'accident et elle n'a pas manifesté le
désir de retourner chez elle.
La
petite fille a sauté un caniveau; j'ai également
sauté ce caniveau; j'ai pris la main de la petite
fille et nous avons parcouru ensemble une courte distance
et nous nous sommes retrouvés en haut du talus.
Je vous précise que j'ai dû aider la petite à grimper
le talus. J'ai dû la tirer par la main."
- "Pourquoi
l'avoir tirée par la main?" -
"Pour
l'aider à monter le talus. La petite n'a pas manifesté de
signes d'inquiétude, je l'affirme. Arrivés
sur le talus, l'enfant s'est mise à crier, elle
ne voulait plus me suivre, elle devait être effrayée
suite à l'accident.
A
en croire les déclarations de Christian
Ranucci, Maria-Dolorès n'aurait réagi à l'accident
qu'arrivée en haut du talus. La fillette, âgée
de 8 ans, qui n'avait pas l'habitude de la voiture
puisque ses parents n'en avaient pas, aurait
donc été confrontée à cette
situation, brutale et nouvelle pour elle, sans
broncher ni paniquer. Difficile à croire.
De plus, si elle avait bien été présente
dans la Peugeot au moment du choc, la violence de ce
dernier l'aurait, sans aucun doute, projetée
contre le tableau de bord ou la portière passager
(il n"y avat pas, en 1974, de ceinture de sécurité),
occasionnant à l'enfant des ecchymoses plus
ou moins importantes. Or aucune n'a été relevée
sur son corps.
Selon
Christian Ranucci, qui aurait en vain essayé d'ouvrir
sa portière, Maria-Dolorès serait
sortie la première de la voiture. Ce point
est donc en contradiction totale avec les affirmations
des Aubert qui ont déclaré avoir
vu le suspect extraire la fillette de la Peugeot,
donc en être sorti avant elle.
On peut s'interroger sur l'absence de réaction
des policiers sur cet élément important.
De même, pas la moindre allusion au soi-disant
dialogue entre Alain Aubert et Christian Ranucci...
|
Je
l'ai empêchée de crier en lui serrant le
cou avec ma main gauche. L'enfant se débattait.
Je vous précise que tout est confus dans ma mémoire
parce que les choses se sont passées très
vite. J'ai pris un couteau automatique qui se trouvait
dans la poche de mon pantalon, j'ai ouvert ce couteau
en appuyant sur le bouton et j'ai frappé la petite à plusieurs
reprises. A partir de cet instant, je n'ai plus rien
vu et je ne savais plu ce que je faisais. Je ne me souviens
pas de ce que j'ai fait du corps, je ne me souviens pas
si je l'ai traîné par terre. Je ne souviens
cependant que j'ai arraché des branches, plus
précisément des épineux, avec lesquelles
j'ai recouvert le corps. Je garde encore sur mes mains
les traces de piqûres et de coupures des épines
et je vous les montre.
Je
suis retourné sur la route après avoir
remis le couteau dans ma poche si mes souvenirs sont
exacts. Je me suis remis au volant de ma voiture et,
après un parcours, je me suis engagé dans
la piste qui donne accès à la galerie.
Le long de cette piste se trouve une espèce de
place où est étalée de la tourbe.
Je l'ai jeté à terre et j'ai donné un
coup de pied dedans.
J'ai
déjà expliqué dans ma précédente
déclaration la façon dont je suis sorti
de la champignonnière.
Je
vous affirme que je n'ai pas violé cette enfant
ni procédé à des attouchements impudiques."
-A
la question: pourquoi l'avoir enlévée?- "Je
ne sais pas.Je voulais l'emmener promener" - Pourquoi
ne pas l'avoir ramenée avant, quand elle l'a demandé?
- " Je comptais le faire. Tout s'est troublé dans
mon esprit à partir de l'accident. Je suis incapable
de vous en dire davantage."
Christian
Ranucci est ensuite déféré devant
le juge d'instruction qui procèda à l'interrogatoire
de première comparution.
Il réitère ses aveux de
la manière suivante, en apportant quelques détails
supplémentaires:
"Je
reconnais m'être rendu à Marseille le lundi
de Pentecôte, c'est-à-dire le 3 juin 1974.
Je reconnais avoir enlevé une fillette qui devait être âgée
au maximum de huit ans. Je reconnais avoir au cours de
la même matinée égorgé cette
fillette un peu plus tard dans la matinée à coups
de couteau. Je l'ai égorgée avec un couteau
automatique que j'avais dans ma poche. Ce couteau, je
m'en suis débarrassé après les faits à l'entrée
de la galerie où je me suis embourbé.
En ce qui me concerne, je n'ai saigné à aucun
moment au cours de la journée du 3 juin. Je me suis
seulement égratigné ainsi que vous pouvez le
constater et que vous l'avez déjà constaté au
cours du contrôle de garde à vue. Ces égratignures
proviennent des ronces qui se trouvaient à l'endroit
où j'ai égorgé l'enfant et des ronces
qui se trouvaient non loin de la galerie où je me suis
embourbé.
Sans pouvoir être formel, je pense donc que, si une tache
de sang a été découverte sur le pantalon
trouvé dans ma voiture par les policiers, je pense qu'il
s'agit de sang provenant de la fillette. Avant que l'enfant
ne soit égorgée, mon pantalon était propre,
il n'y avait aucune tache.
J'ajoute que je suis bien propriétaire de la Peugeot
304 grise qui a été découverte à mon
domicile à Nice, que c'est à bord de cette voiture
que j'avais emmené la fillette et que c'est avec cette
voiture que j'ai causé un accident qui a immédiatement
précédé le moment où j'ai égorgé la
fillette. Je viens de résumer l'essentiel des faits;
je consens maintenant à donner des détails supplémentaires."
"J'ai quitté Nice
le dimanche 2 juin avec l'intention de me promener pour
le week-end sans but bien défini. Je me suis rendu à Draguignan
et j'ai passé la nuit de dimanche à lundi
dans la voiture un peu plus loin de Draguignan près
de Salernes dans le Var. En me réveillant, peut-être
vers 9 heures du matin, l'idée m'est venue de
poursuivre ma route jusqu'à Marseille où je
savais que se trouvait un de mes camarades connu à l'armée.
Plus exactement, je rectifie, l'idée m'est venue
d'aller à Marseille sans but précis et
c'est en arrivant dans cette ville que j'ai pensé à mon
camarade Benvenuti et que j'ai voulu aller lui dire bonjour.
Comme je ne connais
pas la ville de Marseille, j'ai garé mon véhicule
dans une rue dont je n'ai pas relevé le nom, je
n'ai pas trop insisté pour retrouver mon camarade
et, apercevant deux enfants, un garçon et une
fillette jouant sur un trottoir, je me suis approché d'eux.
La petite fille portait une chemisette, et un short dont
j'ai oublié la couleur.
J'ai abordé les enfants, je leur ai parlé, ils
m'ont dit qu'ils s'amusaient. L'idée m'est venue d'emmener
la petite fille promener et pour me débarrasser du petit
garçon, ou plus précisément. pour ne pas
l'emmener lui, car, je considère le mot "débarrasser" trop
fort, j'ai invité le petit garçon à rechercher
un animal que je prétendais avoir perdu.
Resté seul avec la petite fille, j'ai invité la
petite fille à venir se promener à bord de ma
voiture après avoir bavardé avec elle un petit
moment. Elle m'a suivi sans difficulté. Je ne peux pas
expliquer pour quelle raison j'ai préféré emmener
la petite fille plutôt que le petit garçon mais
j'affirme qu'en agissant de la sorte je n'avais pas de mauvaises
intentions à l'égard de la fillette.
Je répète que je ne connais pas le nom de la
rue où jouaient les enfants mais j'ai fait un plan des
lieux où jouaient les enfants au cours de mon audition
devant les services de police. Il s'agit bien du plan que vous
me montrez et que j'ai signé.
J'ai rabattu le siège avant de ma voiture pour faire
monter la petite fille à l'arrière du véhicule
et j'ai démarré dans la direction opposée
au centre-ville. J'ai quitté la ville de Marseille sans
pouvoir vous dire quelle direction j'ai exactement suivie.
Il est évident que je me suis dirigé vers le
lieu où l'accident a été constaté par
des témoins. Accident sur lequel je vais m'expliquer
par la suite.
A un moment donné,
je me suis arrêté sur le bord de la route
pour fumer une cigarette et j'ai bavardé de choses
et d'autres avec la petite fille, lui demandant par exemple
si elle allait à l'école. Je ne saurais
préciser le nom de l'endroit où je me suis
arrêté, je le reconnaîtrais peut-être
si j'y retournais. La petite fille ne manifestait aucune
crainte à mon égard et je réaffirme
que pas plus à ce moment qu'à un autre,
je n'ai exercé de violences à caractère
sexuel sur la fillette.
Au bout d'un moment, nous sommes remontés en voiture
et la petite fille a dit qu elle avait faim, qu'elle voulait
retourner chez elle. Je lui ai dit que j'étais d'accord
pour la ramener, que j'allais faire demi-tour mais je n'ai
pas pu mettre mes intentions à exécution car
c'est à ce moment-là que je suis arrivé à un
stop à un endroit où la route débouche
sur une autre plus importante et que j'ai accroché un
autre véhicule.
En effet, j'avais démarré en seconde vitesse
et je n'avais pas vu arriver un véhicule sur ma gauche.
J'ai senti le choc, j'ai poursuivi ma route appuyant sur l'accélérateur.
J'ai ainsi pris la fuite parce que je venais de causer un accident
et que j'estimais que cela me coûterait de l'argent,
l'idée ne m'étant pas venue qu'on pourrait relever
mon numéro d'immatriculation sur le moment. J'ai également
pris la fuite parce que j'avais la petite fille à bord
de mon véhicule et je craignais que l'on pense à mal
si on la trouvait dans ma voiture alors que je l'avais emmenée
sans demander aucune autorisatîon à ses parents.
Je réaffirme que, en emmenant l'enfant, je n'avais pas
de mauvaises intentions, bien que je n'aie pas cru devoir demander
aux parents de l'enfant l'autorisation d'emmener celle-ci et
bien que j'aie au préalable écarté le
petit garçon.
Pensant que l'on
pouvait me poursuivre, j'ai quitté mon véhicule
en bordure de la route. A ce moment-là, la fillette,
qui après le premier arrêt sur la route était
passée sur le siège avant, est sortie par
la portière droite de mon véhicule. Je
suis également sorti par cette portière.
J'affirme que la petite fille m'a suivi sans rien dire.
Je l'ai tirée par la main et je lui ai fait sauter une
sorte de caniveau se trouvant à cet endroit. J'ai sauté après
elle et je l'ai tirée par le bras en haut du talus bordant
la route. A un moment donné, la petite fille n'a plus
voulu avancer. Elle s'est mise à crier. Je l'ai serrée
au cou et je lui ai porté plusieurs coups de couteau.
Comme je l'ai déjà dit, ce couteau, je l'ai sorti
de la poche de mon pantalon. Tout s'est passé très
vite. Je ne me contrôlais plus. J'étais affolé.
Pire que ça. Je n'étais plus moi.
Nouvelle
contradiction avec les déclarations des
Aubert. Maria-Dolorès se serait mise à crier.
Or les Aubert, pourtant à proximité immédiate
des fourrés, n'ont entendu aucun cri.
|
Je sais que ce que
j'ai fait est affreux, mais je ne peux absolument pas
expliquer mon geste. Je réaffirme que, si j'ai
agi de la sorte, ce n'est pas parce que j'aurais commis
des violences d'ordre sexuel sur la petite comme on pourrait
le supposer.
Je réaffirme que mes intentions étaient honnêtes
quand j'ai pris l'enfant. Je n'ai commis aucun attouchement
sur sa personne. Je ne lui ai pas fait procéder à des
attouchements sur ma personne. J'ai emmené la petite
fille se promener avec moi par sympathie. Je n'ai demandé aucune
autorisation aux parents parce que je comptais seulement emmener
l'enfant faire un petit tour. Si j'ai fait faire plusieurs
kilomètres à l'enfant à bord de ma voiture,
c'est parce qu'elle était contente de se trouver en
voiture.
Une fois l'enfant égorgée,
je l'ai abandonnée sur le talus après l'avoir
recouverte de branchages. J'affirme, ou plus exactement
je ne me souviens pas d'avoir frappé sur le crâne
de l'enfant avec une pierre. Par contre, je me souviens
d'avoir fortement secoué la fillette avec une
main, il est possible qu'elle se soit cognée contre
le sol au moment où je l'ai secouée, allongée
par terre.
Presque immédiatement
après avoir égorgé l'enfant, j'ai
rejoint mon véhicule. J'ai poursuivi ma route.
A un moment donné, je me suis engagé sur
un chemin situé sur la droite de la route. A un
moment donné, j'ai enlevé une barre de
fer qui me barrait le passage. Un peu plus loin, je me
suis arrêté et j'ai jeté le couteau
dans la tourbe qui se trouvait à cet endroit.
Je suis remonté à bord de mon véhicule
avec l'intention de rejoindre l'entrée d'une galerie
se situant à cet endroit pour réparer mon véhicule
endommagé par l'accident. J'ai dérapé,
je me suis retrouvé au fond de la galerie. J'ai longtemps
essayé de sortir de cette galerie. Mais n'y parvenant
pas après avoir essayé plusieurs systèmes,
au bout de plusieurs heures après la mort de l'enfant,
je suis allé chercher du secours. Deux hommes sont venus
m'aider.
Pourquoi
Christian Ranucci aurait-il choisi de s'enterrer
dans une galerie à l'accès aussi
incertain alors qu'il lui suffisait de s'arrêter à un
endroit plus propice à une "fuite" rapide?
Jamais
la police ni le juge d'instruction n'ont cherché à éclaircir
sa présence dans la galerie, pas plus
qu'ils n'ont essayé de savoir pourquoi
le couteau aurait été abandonné à cet
endroit.
|
Je ne sais plus
si c'est après avoir porté des coups à l'enfant,
mes mains étaient tachées de sang. En tout
cas, j'ai coupé des branchages. J'ai utilisé de
la tourbe pour essayer de dégager mon véhicule.
J'ai procédé à tellement d'opérations
après les faits que même si mes mains avaient été tachées
de sang, ces taches auraient disparu. On m'a dit qu'un
pull-over rouge avait été découvert à proximité du
lieu où mon véhicule s'est arrêté,
j'affirme que ce pull-over ne m'appartient pas.
En résumé,
j'affirme avoir pris l'enfant sans prévenir qui
que ce soit après avoir éloigné le
petit garçon se trouvant avec elle. Je reconnais
avoir porté des coups de couteau à l'enfant,
l'avoir recouverte de branchages après avoir constaté qu'elle était
morte. Je réaffirme que, je ne peux absolument
pas expliquer ce que j'ai fait. Je réaffirme que
je n'avais pas de mauvaises intentions lorsque j'ai pris
l'enfant et qu'elle n'a subi aucune violence de caractère
sexuel de ma part."
Quelle
valeur donner à des aveux contenant autant
de contrevérités et d'incohérences?
Contrevérités,
tout d'abord, pour ce qui concerne l'emploi du
temps de Christian Ranucci dans la soirée
et la nuit du 2 au 3 juin, puis dans la matinée
du 3 juin. Pourquoi ce silence sur l'incident
du chien, la nuit passée dans les bars
du quartier de l'Opéra et la très
probable visite à son père, à Allauch?
Incohérences,
ensuite, dans le scénario de l'enlèvement
et du meurtre de la fillette. Quel serait le
mobile de l'enlèvement? Ranucci justifie
son geste par une réaction de sympathie à l'égard
de Maria-Dolorès, à qui, semble-t-il,
il voulait "faire plaisir" en l'emmenant
dans sa voiture. Pourquoi dès lors ne
pas avoir emmener les deux enfants et recourir
au stratagème de la bête qu'il aurait
perdue et qu'il faut chercher dans la cité?
Ce prétexte contredit en tout cas le reste
des aveux car il implique une volonté affirmée
d'écarter l'un des deux enfants, rendant
fort peu crédible le prétexte de
la simple promenade amicale.
Christian
Ranucci avoua avoir tué Maria-Dolorès
par affolement devant les cris de la fillette.
Il ne se contrôlait plus, n'était
plus lui et pourtant se souvint qu'il avait un
couteau en poche, prit ce couteau, en actionna
le mécanisme, lui porta quinze coups,
vérifia qu'elle était bien morte,
la recouvrit de branchage, remit son couteau
en poche puis repensa à va voiture qu'il
fallait à présent réparer...
Etonnante lucidité !!!
Le
problème posé par les aveux de
Ranucci est qu'ils n'ont jamais été étayés
par la police et le magistrat instructeur. Ils
se suffisaient à eux-mêmes. Les
policiers n'ont, à aucun moment, cherché à vérifier
l'exactitude des aveux par des témoignages
ou des preuves concrètes ou simplement à préciser
des points importants comme l'endroit précis
où Ranucci passa la nuit du 2 au 3 juin,
ce qu'il fit dans la matinée du 3 juin,
la localisation exacte de l'arrêt cigarette,
l'origine du couteau et son enfouissement dans
la tourbe, la connaissance ou non par Ranucci
de la champignonnière, etc...
En
revanche, ce qui ne collait pas aux aveux était
systématiquement écarté.
Comme l'ont été les déclarations
d'Eugène Spinelli et de Jean, le frère
de la victime. Ces deux seuls témoins
de l'enlèvement n'ont en effet pas reconnu
Ranucci, ni sa voiture. Pire. Ils ont donné du
ravisseur un portrait qui ne correspondait nullement à celui
de l'inculpé, ce qui induisait alors une
question essentielle: si Ranucci n'avait pas
enlevé Maria-Dolorès, pourquoi
l'aurait-il assassinée?
Nous
devons nous interroger sur les circonstances
qui ont entraîner les aveux de Christian
Ranucci: quinze heures d'un interrogatoire très
certainement musclé, dans un contexte
de pression populaire et médiatique énorme.
Christian Ranucci n'étant pas Jeremy Cartland,
rien ne devait entraver la volonté des
enquêteurs dans la recherche des aveux.
Lorsqu'elle
aperçut son fils, après qu'il eût
avoué, Madame Mathon remarqua "son
visage défait, ses cheveux ébouriffés,
ses yeux rouges, dont l'un saignait. Il n'avait
plus le même regard. On y lisait de la
terreur, de l'horreur, du dégoût". "Il
n'était plus le même, il n'était
plus lui-même", ajouta-t-elle.
Christian
Ranucci venait-il, à cet instant, de réaliser
l'absurdité et l'horreur de son geste
ou n'offrait-il, à sa mère, que
le visage d'un fils à qui l'on avait fait
dire ce qu'il n'aurait jamais pu commettre?
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