Entretien: Gérard BOULADOU
Dernière mise à jour: 04 Mars 2007

 

 

 


 

3- Si vous aviez été chargé de l'enquête à l'époque, auriez vous procédé différemment ?

A l’époque, j’étais à l’école de police de Toulouse. Il faut de l’expérience pour traiter ce genre d’affaire, ce n’est pas un travail de débutant.Avec plus d’expérience, je l’ai fait plus tard, je sais au moins que j’aurais demandé à Ranucci d’où venait le couteau à cran d’arrêt puisque je l’ai fait dans toutes les affaires criminelles que j’ai traitées.D’autre part, j’aurais suggéré à la juge de me faire faire sur commission rogatoire plus de recherches dans la cité Sainte Agnès. J’aurais rédigé un procès-verbal juste après les appels de M. Martinez et M. Aubert pour indiquer ce qu’ils avaient relaté au téléphone. (Un télégramme relatant le fait que M. AUBERT parlait d’un enfant a été rédigé après son appel et avant que les policiers ne rencontrent Mme et M. AUBERT. Une copie de ce télégramme figure dans mon dernier livre)Mais à cette époque là, la procédure n’était pas très rigoureuse. C’est précisément dans ces années là, et j’y ai été très sensible, que la question s’est posée : il fallait être plus rigoureux. Des avocats commençaient à faire casser des procédures de stupéfiants pour vices de procédure, par exemple. Des semaines de surveillances et de filatures étaient annulées pour ces raisons. Là dessus Pierre Joxe est arrivé comme ministre de l’Intérieur et a largement prolongé la scolarité des inspecteurs pour qu’ils soient mieux formés à la sortie de l’école, en droit et en procédure pénale en particulier.Le sentiment que j’ai en lisant les procès-verbaux établis par Mlle Di Marino est qu’elle était brouillon. Il manque des mentions « persiste et signe » à la fin de certaines auditions ou interrogatoires. Elle ne va pas au fond des choses. 

4- Existe-t-il selon vous une possibilité, même infime, que Ranucci ne soit pas coupable du meurtre pour lequel il a été condamné ?

Pour moi, il n’y a aucune possibilité que CR soit innocent. Tout simplement parce que toutes les preuves sont inscrites dans le dossier et qu’il faut avoir des difficultés pour comprendre certaines dates sur des fiches de scellés ou sur la raison d’être de certains procès-verbaux, pour douter par exemple de la façon dont le couteau a été trouvé. Je laisse ceux qui ne veulent rien entendre rester sur leurs positions. Aucune des questions posées sur le forum ne fait avancer l’affaire. Se demander encore si la date sur la fiche de scellé est celle de la découverte du couteau, si un acte inscrit à la fin d’un procès-verbal est exécuté à l’heure qui est en haut de ce procès-verbal, pourquoi Ranucci a dessiné sur le plan de Sainte Agnès une murette qui lui crevait les yeux, je trouve que tout cela n’est pas sérieux. Tant qu’il y’en a qui maintiennent que cela pose problème, ils n’avanceront jamais et ne comprendront jamais cette affaire. Si Ranucci était innocent, il y’aurait eu une explication rationnelle pour tous les éléments qui l’accablaient. Or il n’y en a pas, seulement des inventions après qu’il ait été exécuté. On ne peut pas passer deux ans dans l’attente du procès sans trouver ces explications rationnelles, laisser Ranucci se faire exécuter puis dire ensuite : « Ah ! Mais le pantalon n’était pas dans le coffre de la voiture, il était sur une mobylette (que personne n’a jamais vue dans le garage) ; CR avait eu un accident de mobylette juste avant le 3 juin 1974 (alors que le seul accident de mobylette dont il parle date de 1971) ; les policiers de Marseille sont venus voler la voiture dans la nuit du 9 au 10 juin, alors que les policiers de Nice sont venus faire une perquisition chez Mme Mathon le 6 au matin, qu’ils ont du aller dans le garage avec madame Mathon pour faire la fouille de la voiture de Ranucci et se sont rendus compte que les policiers de Marseille l’avaient emportée la veille. Mme Mathon a été surprise que l’on ait pris la voiture sans le lui demander et, dans la confusion de ses idées a pensé ensuite qu’elle avait été volée et ainsi de suite pour toutes les fausses informations qui ont été données ensuite. S’il y’avait eu ces problèmes là avant, les avocats en auraient été informés et n’auraient pas manqué d’en parler au procès.

5- Jean RAMBLA a-t-il à l'époque été mis en présence d'une Simca 1100 aux fins de reconnaissance de la voiture du ravisseur de sa sœur ?

Lorsqu’on présente des voitures à Jean Rambla, nous sommes le 4 juin. Ranucci ne sera identifié que le lendemain, après les appels de Monsieur Martinez et Monsieur Aubert. Les policiers ne sont donc pas en train de s’acharner sur lui, ils ne le connaissent pas. On voit sur les photographies de l’époque qu’il y’avait des Simca 1100 dans la cour de l’Evêché, au moins une qui est visible sur ces photos. Cette voiture était très répandue dans la police. Jean fait le tour de la cour avec Pierre Grivel en regardant toutes les voitures. Il ne s’arrête pas devant la Simca 1100 sinon le policier l’aurait marqué. Ce n’est qu’en voyant la voiture du directeur du Secrétariat pour l’Administration de la Police Nationale (S.G.A.P.), une Simca Chrysler noire, qu’il s’arrête et dit « C’était une voiture comme ça, mais grise ». D’après Grivel, c’est l’arrière de la voiture qui l’avait marqué mais il n’était pas aussi sûr de lui que la phrase qui a été rédigée ensuite peut le laisser penser.

Page précédente
   
copyrightfrance