Les Aubert
Dernière mise à jour: 21 septembre 2011

 

 



1985 - Interview des Aubert


En 1985, le journaliste Roger Colombani rencontra M. et Mme Aubert pour l'émission de Philippe Alfonsi, "histoire d'un jour". Ce fut le seul entretien accordé par ces témoins à un journaliste depuis le procès de 1976.
Leurs propos restaient identiques. Ainsi Mme Aubert déclara: "un monsieur est descendu de voiture et a arraché un enfant de la porte arrière, puis est parti dans la colline... J'ai simplement entendu une voix d'enfant qui lui disait: "Qu'est-ce que tu fais?". L'enfant le tutoyait, ce qui ne m'a pas choqué puisque je pensais que c'était son enfant..."

M. Aubert réaffirma également ses précédentes déclarations: "...Il s'est arrêté. Il est descendu de sa voiture, a fait le tour du véhicule, a pris la main du gosse qui descendait du côté passager, et ils sont partis dans les fourrés, dans la colline... Le gosse est descendu normalement, sans contrainte apparente".

A propos du mystère de la portière conducteur, bloquée depuis l'accident, M. Aubert maintenait sa position: "j'affirme qu'il a fait le tour du véhicule. La portière a peut-être pu s'ouvrir à cet instant avant de se bloquer définitivement..."

Quant au fait qu'ils n'auraient pas reconnu Christian Ranucci lors de la première présentation à témoin, M. Aubert était, sur ce point, catégorique: "Je n'ai vu Christian Ranucci qu'une seule fois au milieu des inspecteurs. Je l'ai reconnu tout de suite. Nous lui avons parlé; nous lui avons posé des questions. Et c'est quand mon épouse l'a harcelé de questions, en lui demandant d'avouer et de dire la vérité, qu'il s'est écroulé en pleurs et qu'il a avoué en demandant pardon à toute l'assistance..."




En résumé, les Aubert ont-ils dit la vérité, ce 6 juin 1974, ou ont-ils menti? Il est impossible aujourd'hui de répondre clairement à cette question. Nous ne pouvons qu'émettre des hypothèses ou à tout le moins des éléments de réflexion.

Le témoignage de M. Aubert des 4 et 5 juin est sans nul doute le plus crédible de tous. Il est en effet spontané et exempt de toute pression externe. Il exprime également des souvenirs de faits survenus moins de 48 heures avant, donc l'oubli de certains "détails" est improbable.
M. Aubert est au courant, à cet instant, de l'enlèvement de Maria-Dolorès, dont on ignore encore la mort; il fait un lien hypothétique entre les deux évènements mais le paquet volumineux reste ce qu'il est, un colis presque sans intérêt. C'est pourquoi, lorsqu'il retrouve M. Martinez au carrefour, M. Aubert ne parle que de la voiture au bord de la route et probablement de son conducteur fuyant dans les fourrés. Nous pouvons, en tout cas, supposer, que s'il avait vu un enfant, il lui en aurait fait part par une remarque du type "il est fou ce gars de rouler aussi vite avec un gosse dans la voiture..."

Le 6 juin, tout est différent. L'hôtel de police, où sont convoqués les Aubert, donne à la situation un caractère officiel et solemnel.

On leur demande d'identifier le propriétaire de la Peugeot dans un groupe de personnes. Sans succès. Mais pouvaient-ils reconnaître un homme qu'ils avaient peut-être aperçu à une centaine de mètres, de dos, disparaissant dans les buissons?

Que restait-il alors aux enquêteurs? Rien, sauf peut-être à presser ce couple témoin et à insister encore et encore...

Que s'est-il dit entre 12 heures et 13 heures? Nous pouvons émettre l'hypothèse suivante: lorsqu'ils ont appris la mort de Maria-Dolorès, M. et Mme Aubert ont à coup sûr éprouvé un très profond malaise d'avoir été présents à cet endroit probablement quelques minutes avant le crime et de n'avoir rien fait ou rien pu faire pour sauver la vie de la fillette. Les enquêteurs ont peut-être senti ce malaise chez les Aubert et ont pu l'accentuer en évoquant le risque d'une possible inculpation pour non assistance à personne en danger.
Puis, comme le propriétaire de la 304 Peugeot ne pouvait qu'être, aux yeux de tous, que le meurtrier, pourquoi hésiter à le présenter, seul, aux époux Aubert pour qu'ils le reconnaissent enfin?
Les aveux suivront puisque tout semble accuser un homme qui ne se souvient de rien.

Peut-on dire pour autant que les époux Aubert ont menti? Leur premier témoignage est certainement celui qui correspond le plus à la réalité. Les enquêteurs ont pu profiter du malaise ressenti par les Aubert et du flou qui entourait le paquet volumineux pour installer le doute dans l'esprit de leurs témoins et transformer ce doute en une certitude, celle d'avoir vu un enfant. (*)
En revanche, les autres éléments de leur témoignage ne semblent pas crédibles; la voix fluette de l'enfant, la portière bloquée qui s'ouvre, le conducteur qui fait le tour de son véhicule... Personne ne peut y croire sauf à compléter la certitude précédente issue du même doute...
Le piège s'est peut-être ainsi refermé sur M. et Mme Aubert.
Connaîtra-t-on un jour la vérité sur ce qu'ils ont vu ce 3 juin 1974? Eux seuls peuvent en décider...

 

(*) Voici les propos que tenait M. Aubert au quotidien "Le méridional" en juin 1974 après l'annonce de la mort de Maria-Dolorès: "...J'ai vu l'homme sortir de sa 304 grise. Il tenait dans ses bras une forme blanche. J'ai cru qu'il s'agissait d'un paquet dont il voulait se débarrasser en cachette... Mais jamais je ne me serais douté qu'il s'agissait d'un enfant ! ....

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