En
résumé, les Aubert ont-ils dit la vérité,
ce 6 juin 1974, ou ont-ils menti? Il est impossible aujourd'hui
de répondre clairement à cette question.
Nous ne pouvons qu'émettre des hypothèses
ou à tout le moins des éléments
de réflexion.
Le
témoignage de M. Aubert des 4 et 5 juin est sans
nul doute le plus crédible de tous. Il est en
effet spontané et exempt de toute pression externe.
Il exprime également des souvenirs de faits survenus
moins de 48 heures avant, donc l'oubli de certains "détails" est
improbable.
M. Aubert est au courant, à cet instant, de l'enlèvement de Maria-Dolorès,
dont on ignore encore la mort; il fait un lien hypothétique entre les
deux évènements mais le paquet volumineux reste ce qu'il est,
un colis presque sans intérêt. C'est pourquoi, lorsqu'il retrouve
M. Martinez au carrefour, M. Aubert ne parle que de la voiture au bord de la
route et probablement de son conducteur fuyant dans les fourrés. Nous
pouvons, en tout cas, supposer, que s'il avait vu un enfant, il lui en aurait
fait part par une remarque du type "il est fou ce gars de rouler aussi
vite avec un gosse dans la voiture..."
Le
6 juin, tout est différent. L'hôtel de police,
où sont convoqués les Aubert, donne à la
situation un caractère officiel et solemnel.
On
leur demande d'identifier le propriétaire de la
Peugeot dans un groupe de personnes. Sans succès.
Mais pouvaient-ils reconnaître un homme qu'ils
avaient peut-être aperçu à une centaine
de mètres, de dos, disparaissant dans les buissons?
Que
restait-il alors aux enquêteurs? Rien, sauf peut-être à presser
ce couple témoin et à insister encore et
encore...
Que
s'est-il dit entre 12 heures et 13 heures? Nous pouvons émettre
l'hypothèse suivante: lorsqu'ils ont appris la
mort de Maria-Dolorès, M. et Mme Aubert ont à coup
sûr éprouvé un très profond
malaise d'avoir été présents à cet
endroit probablement quelques minutes avant le crime
et de n'avoir rien fait ou rien pu faire pour sauver
la vie de la fillette. Les enquêteurs ont peut-être
senti ce malaise chez les Aubert et ont pu l'accentuer
en évoquant le risque d'une possible inculpation
pour non assistance à personne en danger.
Puis, comme le propriétaire de la 304 Peugeot ne pouvait qu'être,
aux yeux de tous, que le meurtrier, pourquoi hésiter à le présenter,
seul, aux époux Aubert pour qu'ils le reconnaissent enfin?
Les aveux suivront puisque tout semble accuser un homme qui ne se souvient
de rien.
Peut-on
dire pour autant que les époux Aubert ont menti?
Leur premier témoignage est certainement celui
qui correspond le plus à la réalité.
Les enquêteurs ont pu profiter du malaise ressenti
par les Aubert et du flou qui entourait le paquet volumineux
pour installer le doute dans l'esprit de leurs témoins
et transformer ce doute en une certitude, celle d'avoir
vu un enfant. (*)
En revanche, les autres éléments de leur témoignage ne
semblent pas crédibles; la voix fluette de l'enfant, la portière
bloquée qui s'ouvre, le conducteur qui fait le tour de son véhicule...
Personne ne peut y croire sauf à compléter la certitude précédente
issue du même doute...
Le piège s'est peut-être ainsi refermé sur M. et Mme Aubert.
Connaîtra-t-on un jour la vérité sur ce qu'ils ont vu ce
3 juin 1974? Eux seuls peuvent en décider...
(*)
Voici les propos que tenait M.
Aubert au quotidien "Le
méridional" en juin 1974 après l'annonce
de la mort de Maria-Dolorès: "...J'ai
vu l'homme sortir de sa 304 grise. Il tenait dans ses
bras une forme blanche. J'ai cru qu'il s'agissait d'un
paquet dont il voulait se débarrasser en cachette...
Mais jamais je ne me serais douté qu'il s'agissait
d'un enfant ! ....
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