Entretien: Gérard BOULADOU
Dernière mise à jour: 29 septembre 2004

 

 

 


9- Avait-on selon vous tous les éléments en 1976 pour condamner Ranucci (à mort, comme le code pénal en prévoyait la possibilité à l'époque)

Il y’a dans le dossier tous les éléments, en 1976, pour condamner Ranucci à une peine très lourde, la mort ou la perpétuité. Mais l’attitude de Ranucci a fait pencher la balance vers la peine de mort. Pour moi, il est seul responsable de cette condamnation. Ses avocats ont essayé de le dissuader de plaider l’innocence. Il croyait sans doute que l’histoire du pull-over et de la Simca 1100 allait le sortir de là avec le faux témoignage de Madame Mattei. 

10- Pourquoi l'opinel a-t-il, selon vous, été conservé par Ranucci (de la même manière que le pantalon tâché de sang), alors qu'il s'est débarrassé du couteau à cran d'arrêt (arme du crime présumée)? Pourquoi ne s'est-il pas débarrassé également du pantalon et de ce couteau ?

Il a eu un réflexe naturel. Il s’est débarrassé de l’arme du crime qui était tachée de sang et a laissé dans son coffre un couteau dont la lame ne pouvait pas correspondre aux blessures provoquées à Marie Dolorès. Ranucci a agi dans un grand moment d’affolement. Il a changé de pantalon dans la champignonnière après avoir changé la roue. Et peut-être que dans ce moment d’affolement, il a cru qu’il n’y avait que de la boue sur le pantalon. C’est ce qu’il dira aux policiers lors de son premier interrogatoire. Il devait attendre de pouvoir le laver à l’insu de sa mère qui n’aurait pas manqué de lui demander d’où venaient les taches de boue. Je suis convaincu, car cela est courant, que sous l’effet de l’émotion et de l’alcool, CR ne s’est pas souvenu de ce qui s’est passé entre l’accident et le moment où il s’est retrouvé dans la champignonnière où il s’était endormi. Cela s’explique chimiquement par la fabrication d’une substance, en cas d’émotion forte, qui empêche la partie du cerveau qui enregistre les évènements de fonctionner.Il n’avait pas dans sa mémoire l’épisode Aubert et ne pensait pas que pour un simple délit de fuite où son numéro d’immatriculation avait peut-être été relevé, on allait fouiller sa voiture.Toute son attitude et les éléments qu’il a donnés montrent qu’il ne se souvient pas de ce qui s’est passé entre l’accident et son réveil dans la champignonnière.Certains diront : « Oui mais il a avoué ce qu’il avait fait entre les deux »Il faut savoir que lorsqu’un criminel avoue son crime et qu’il a des absences de mémoire, il essaye, lors de ces aveux, de construire une histoire qui tient à peu prés debout. Je l’ai remarqué moi-même dans ma carrière et cela a été étudié par des spécialistes. Tant qu’il avouait, Ranucci donnait une version de ces faits. Mais comme il ne s’en souvenait pas,ou tout au moins en avait des souvenirs très atténués (flashes) il a fini plus tard par imaginer que pendant ce laps de temps, quelqu’un d’autre avait pu commettre le crime à sa place. Ce qui ne correspond pas aux traces qu’il avait sur lui : le pantalon taché de sang et les traces de piqûres venant des branches d’argelas placées sur le corps de la fillette, pas plus qu’au témoignage des Aubert et du fait qu’il se souvienne bien de la cité Sainte Agnès, entre autres éléments.

11- Pourquoi le pull over rouge a-t-il été conservé parmi les scellés alors que, selon vous-même, il était dissocié du dossier ?

Je n’ai jamais dit ou écrit, sauf erreur de ma part (dans ce cas j’aimerais voir le texte), que le pull-over rouge trouvé dans la champignonnière était dissocié du dossier. C’est l’affaire des Cerisiers qui est dissociée du dossier parce qu’il n’a pas été établi que l’homme au POR des Cerisiers était Ranucci (ce qui n’est pas sûr du tout). Et comme, lors de l’enquête, il n’est pas établi que ce pull-over est celui des Cerisiers, et que l’on ne peut l’attribuer à personne, il reste sous scellé dans l’affaire Ranucci. Ce n’est que plus tard, après avoir vu la mère de Ranucci, que Martel dira que le pull-over de l’affaire Ranucci est le même que celui que portait l’homme des Cerisiers. Il aurait été préférable qu’il le dise aux policiers au début de l’enquête.

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