Entretien: Gérard BOULADOU
Dernière mise à jour: 04 Mars 2007

 

 

 


12- Le couple Aubert a-t-il selon vous fait un ou des témoignages fiables à 100 %?

A mon avis, après avoir découvert qu’ils avaient assisté à une scène qui s’était terminée, sans qu’ils le sachent, par un crime (qu’ils n’ont pas vu), les époux Aubert ont eu peur qu’on leur reproche vertement de ne pas être intervenus ou de ne pas avoir insisté auprès des gendarmes pour qu’ils viennent vérifier sur place. Et ils ont rendu la scène moins dure. Madame Aubert, interviewée par un journaliste au téléphone, le 5 juin, a « lâché » que l’homme avait arraché l’enfant de l’arrière de la voiture. Le terme arraché montre bien que la scène était tout de même violente. Pour eux il s’agissait d’un voleur de voiture adulte avec son petit frère ou sa petite sœur. Ceux qui disent sur le forum que cela n’est pas possible, qu’un voleur de voiture ne prend pas son petit frère avec lui, se trompent par manque d’expérience. J’ai traité des affaires de gymkhanas dans les cités Nord de Marseille où c’était des enfants de 8-10 ans qui conduisaient des voitures volées par leurs grands frères, debout devant le volant car ils n’auraient plus vu la route s’ils s’étaient assis. M. Aubert n’a jamais parlé d’un individu s’enfuyant dans la colline avec un « paquet volumineux ». Il a toujours parlé d’un enfant. J’ai expliqué que les gendarmes avaient refusé de prendre en compte son témoignage (c’est surtout le témoignage de M. Martinez qui permet de le savoir) et qu’une fois qu’ils ont été obligés de s’expliquer là-dessus, ils ont dû salement bafouiller. Je tiens à repréciser et je trouve que Gilles Perrault est bas quand il évoque cette possibilité dans son dernier livre, qu’il ne s’agit pas d’une guerre qu’un ancien policier livre aux gendarmes, la fameuse guerre des polices. Il s’agit d’analyser une situation précise et dans cette situation, ce sont des gendarmes qui sont au premier plan. Il aurait pu de la même façon s’agir de policiers et j’aurais eu la même analyse. Cela ne fait qu’un procès d’intention à mon égard de plus. Mme Aubert n‘avait pas vu l’enfant (elle le dit dans son interview du 5 juin, avant d’avoir vu les policiers) mais son mari l’avait bien vu et avait remarqué le short blanc. M. Aubert a dit à un certain moment que le conducteur du coupé Peugeot avait sorti l’enfant comme un paquet de la voiture et que sa femme avait cru que c’était un paquet. Et les deux gendarmes ont joué là dessus pour éviter d’être mis en cause dans ce loupé de première heure. A ce sujet, voici ce que le commissaire Alessandra a déclaré le 13 novembre 1978 devant l’avocat général de la Cour d’Appel d’Aix en Provence lorsqu’il a été entendu pour la première requête en révision :« Le 5 juin, vers 13 heures, j’ai reçu un coup de fil des époux Aubert, me signalant que le 3 juin, vers 13 heures, ils avaient été témoins d’un accident matériel de la circulation au carrefour de la Pomme, et qu’ils avaient pris en chasse l’auteur de l’accident qui avait pris la fuite. Ces personnes m’ont confirmé qu’à un certain moment le conducteur du véhicule s’était arrêté au pied d’une pinède et qu’il avait pris la fuite dans cette pinède en entraînant avec lui un enfant. Ce souvenir les avait frappés à un point tel qu’en lisant la presse local faisant état de l’enlèvement de la fillette à Marseille, ils avaient immédiatement fait un rapprochement, et qu’ils me téléphonaient pour ce motif.Je n’ai su qu’au moment du procès qu’un document de gendarmerie faisait état de ce que Ranucci se serait enfui dans la forêt en transportant un paquet volumineux. Je ne parviens pas à m’expliquer quelle peut être l’origine de cette information, étant donné que les époux Aubert ont été les seuls témoins de cette scène et qu’ils ont constamment affirmé avec une rare sûreté qu’ils avaient bien vu l’individu s’enfuir dans la forêt en entraînant par la main un enfant. »

13- La portière de la 304 a souvent provoqué un débat animé sur le forum. Etait-elle bloquée, pouvait-on l'ouvrir en baissant la vitre et en passant le bras pour actionner la poignée qui fonctionnait, etc.?Dans votre premier livre, Christian CHARDON est interviewé sur ce point et la question ne lui a pas été posée. Pourquoi?

J’ai posé la question de la portière à Christian Chardon, à Roger Ardin,  à Ferrer, le policier qui a emmené la voiture du box de Ranucci jusqu’au commissariat de Nice.Je n’ai pas tout mis dans le livre mais je m’engage, à condition que l’on m’en laisse le temps car j’ai beaucoup de choses en cours et je n’ai pas le temps, à vous faire écouter leurs réponses. Aucun d’eux ne m’a dit qu’elle était coincée. Chardon ne s’en souvient pas, Roger Arduin m’a dit « Il me semble que si on avait dû faire cette gymnastique, (de passer par la portière droite) je m’en souviendrais, pour moi elle n’était pas bloquée »

14- Quelle explication est-il possible de donner à cette histoire de voiture qu'"on" ramène et reprend "illégalement" ?

On n’a jamais ramené ni repris illégalement la voiture, c’est scandaleux de l’affirmer. Lorsque les policiers prennent la voiture le 5 juin au soir, ils ont une commission rogatoire de Mlle Di Marino qui leur prescrit de procéder à tous actes utiles à l’enquête. Et la saisie de la voiture dans le but de la faire analyser (empreintes, cheveux, etc.…) fait partie de ces éléments utiles à l’enquête. La saisie est donc légale.Les policiers l’ont restituée prématurément, sans doute parce qu’ils ne pensaient pas que la juge s’en servirait à la reconstitution ou bien que la reconstitution se ferait beaucoup plus tard et ils ne pouvaient pas la garder dans la cour de l’Evêché où elle gênait. Ils avaient tort et Mlle Di Marino leur a demandé de la ramener rapidement en vue de cette reconstitution du 24 juin. Lorsque les policiers ramènent la voiture à Marseille, ils le font avec une commission rogatoire spéciale, datée du 10 juin, ne concernant que cet acte.Cette histoire de voiture volée dans le garage est impossible et stupide. Le jour où Mme Mathon la situe, soit le matin du 8 juin, le coupé 304 était en possession de Christian Chardon. Comme ça l’arrange pour sa thèse, Perrault invente que la voiture a été volée dans la nuit du 9 au 10 juin. Le 10 juin, deux policiers de Nice se rendent chez Mme Mathon, saisissent la voiture et la conduisent au commissariat de Nice, avec Mme Mathon. Cette dernière signe deux mentions sur un procès-verbal attestant qu’elle est au courant que la voiture est saisie.Si les policiers de Marseille avaient dit aux policiers de Nice : - Allez voir au garage de Ranucci avec sa mère, la voiture n’est pas là parce qu’on l’a prise cette nuit, et faites signer Mme Mathon comme quoi elle atteste qu’elle a donné la voiture ce matin-, les policiers de Nice ne se seraient pas mouillés. Je peux vous dire en tant que policier qui connaît bien la « boite » que cela est impossible. Et Mme Mathon sait très bien qu’elle a vu un policier de Nice se mettre au volant de la 304, qu’elle est allé au commissariat de Nice avec l’autre policier et qu’elle a signé les mentions de saisie de la voiture.En fait, elle est partie d’une confusion et l’a transformée en mensonge. Le soir du cinq juin, elle n’a sans doute pas été mise au courant que les policiers allaient emmener la voiture avec eux car les policiers sont allés chercher Ranucci au commissariat central de Nice et sont passés au garage de Ranucci sans avertir sa mère. Le matin du 6 juin, les policiers de Nice sont venus faire une perquisition à son domicile. Ils ont du aller avec elle au garage fouiller la voiture, ignorant que les policiers marseillais l’avaient saisie la veille. Mme Mathon a constaté avec surprise que le coupé Peugeot avait été emmené par les policiers sans son autorisation, ce qu’elle a pu prendre pour un vol. C’est de là, certainement qu’est venue cette confusion. Lorsqu’elle a décidé de défendre son fils, je pense que tous les moyens ont été bons pour jeter la suspicion sur le travail de la police et cet « incident » de la voiture volée dans le garage (alors qu’elle a été prise en présence de Ranucci) s’est transformé en vol le matin du 8. Perrault change la date de ce « vol » et le situe dans la nuit du 9 au 10 juin parce que ça l’arrange, comme ça il fait coller ce soi disant vol avec l’erreur de date du procès-verbal de Canonge.Perrault insinue que la voiture a été volée pour récupérer le pantalon bleu oublié dans le garage. Maintenant que Me Le Forsonney a écrit que le pantalon était dans le bureau de Mlle Di Marino le matin du 7 juin, que reste-t-il de ces basses insinuations ? Perrault semble ignorer que, dans une affaire de crime, tout vêtement tâché de sang est immédiatement saisi et peu importe l’endroit où il a été trouvé. Si le pantalon s’était trouvé dans l’appartement, il aurait été saisi immédiatement de la même façon lorsque les policiers de Nice l’ont perquisitionné. Et je ne connais aucun policier qui aurait laissé une telle pièce à conviction sur place sans l’emporter, même s’il était sur la mobylette. Ranucci n’était pas assez bête pour laisser le pantalon à la vue de sa mère puisqu’il voulait le lui cacher en attendant de faire partir les traces qui étaient dessus afin d’éviter d’avoir à s’expliquer sur leur présence.

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