Entretien: Gérard BOULADOU
Dernière mise à jour: 04 Mars 2007

 

 

 


 

23- Quel élément faudrait-il vous apporter pour vous enduire de douter le cas échéant ?

Dès l’instant que Ranucci est le coupable, je ne vois pas quel élément pourrait intervenir aujourd’hui à part un nouveau faux témoignage. Maître Badinter a fait ce qu’il a pu pour faire réviser Le procès, ça s’est terminé par un flop. Et tous ceux qui veulent que Ranucci soit innocent et qui œuvrent pour cela ont été incapables d’amener le moindre élément.

24- Quels seront vos axes de recherches futurs sur l'affaire?

Je travaille actuellement sur les copains de régiment car ce que dit Alain Rabineau est extrêmement intéressant. Il m’a donné les noms des six autres appelés du contingent qui étaient dans la même chambre que Ranucci. Je veux les rencontrer tous. 
Rabineau m’a dit (je l’ai rencontré trois heures chez lui et je l’ai enregistré) : retrouvez les, je ne les ai pas vus depuis le régiment, et vous verrez si ce que je vous dit est vrai ou pas. Il est très sûr de lui. J’ai de nombreux autres axes de recherche très intéressants mais je préfère les garder pour moi. Cela évitera des interférences et la lassitude de ceux qui n’arrêtent pas de recevoir des coups de téléphone.

25- Pourquoi avoir écrit un deuxième livre? Le premier vous paraissait-il insuffisant pour emporter la conviction du lecteur ? 

Ecrire un livre n’est pas chose facile quand a beaucoup d’autres occupations. J’ai voulu rajouter l’affaire Jean Rambla, la pantalonnade médiatique Fourniret, le témoignage du copain de régiment et celui du gardien de prison. Et enlever des répétitions. Il fallait donc un autre livre. 
Le premier livre a emporté la conviction de ceux qui comprennent vite. (Notamment les dates sur les fiches de scellés …) Il y’en a d’autres qui ne comprennent pas et qui sont encore à se demander pourquoi Ranucci a dessiné la murette ! Ces personnes veulent à tout prix qu’il soit innocent et leur cerveau ne veut pas comprendre. Ce n’est pas important. Mais je suis certain de trouver les éléments qui les feront changer d’avis. J’ai plusieurs pistes de recherches qui finiront par aboutir. Je les fais, ces recherches, par passion pour l’affaire, et pour eux, pour qu’ils comprennent que, sans le faire exprès, ils ont défendu un criminel. Qu’ils soient contre la peine de mort est un autre sujet. Je suis désolé de voir que des mères de famille ou des futures mères de famille défendent celui qui aurait pu être le meurtrier de leur enfant et je veux que même les plus « innocentistes » sachent un jour ce qu’elles ont fait. Elles feront comme Pierre Vidal-Nacquet dans l’affaire Luc Tangorre. Où alors, elles seront obligées de se positionner comme une mère de criminel qui défend son enfant contre tout, malgré son acte, attitude que je ne critique pas.
Pour vous montrer la difficulté qu’éprouvent certaines personnes, j’ai discuté dernièrement avec une jeune fille qui est passionnée par cette affaire. Elle m’a dit : « J’ai lu votre livre mais j’ai encore des doutes » Alors je lui ai posé la question : « Selon vous, à quoi sert une fiche de scellé ? » Elle a réfléchi un bon moment puis elle m’a dit : « A donner la date de découverte du scellé » Je n’ai pas éclaté de rire parce que cette affaire est triste mais j’ai compris qu’elle avait facilement absorbé l’énormité racontée par Perrault sur cette fiche de scellé mais qu’elle avait du mal à comprendre la réalité des choses. Alors je lui ai expliqué et tant pis si je me répète qu’une fiche de scellé ne sert en fait qu’à une chose : c’est à retrouver facilement, dans un greffe où il y’a des centaines de scellés, à quelle affaire se rattache ce scellé. De ce fait, la mention la plus importante sur cette fiche est la référence de l’affaire. Pour les gendarmes, cette référence est le numéro de procédure qu’ils ont affecté à l’affaire : 610/Gréasque ( c’est la gendarmerie de Gréasque qui traite l’affaire), la qualification de l’affaire : « Objet : Découverte du cadavre de Marie Dolorès » et la date de référence de l’affaire : 5/06/1974, c'est-à-dire la date où le corps de Marie Dolorès a été trouvé et où le numéro de procédure 610 a été affecté. Pour indiquer l’heure et la date de découverte du couteau, le seul document officiel est Le procès-verbal établi le 6 juin par l’adjudant MONNIN et dont la copie figure à la fin de mon livre.
Je voudrais reprendre l’explication sur le P.V du 6 juin commencé à 17 heures 30 par l’inspecteur divisionnaire Porte où ce dernier inscrit, tout en bas, le couteau qui est trouvé le jour–même à 19 h 29.
Le seul procès-verbal qui établit l’heure de découverte de ce couteau est celui de l’adjudant MONNIN indiqué ci-dessus car il décrit en détail l’opération qui permet cette découverte.
Qu’en est-il du P.V de Porte ? En fait il ne s’agit pas d’un P.V (il n’est pas du tout prévu par le code de procédure pénale) mais d’un document de travail que les policiers remplissent pour récapituler tous les scellés effectués dans l’enquête. Pour moi, et bien que j’ai rempli ce genre de document pendant des nombreuses années, c’est une erreur de le faire car il fait double emploi avec le bordereau de scellés qui récapitule tous les scellés et qui doit être rédigé pour être remis au greffe le jour où on dépose tous les scellés.
L’essence même de ce document (celui de Porte) est de récapituler tous les scellés et il est donc tout à fait normal qu’il ait attendu, à la fin de sa liste, de savoir si les gendarmes trouvaient le couteau pour le rajouter à la liste. Il aurait été ridicule de faire un autre procès-verbal pour faire paraître ce scellé. 
Ce que n’arrivent pas à comprendre certains, c’est qu’il n’y a aucune raison que figure sur ce document l’heure de découverte du couteau car ce n’est pas pour cela qu’il est rédigé. Et que le couteau, trouvé le 6 juin, figure sur un procès-verbal commencé le 6 juin deux heures avant, n’a rien d’étonnant et ne révèle aucune manipulation des policiers, sauf pour les esprits tordus.
Demander à ce procès-verbal qui n’est qu’une liste de donner le moment où le couteau a été trouvé est aussi ridicule que de chercher à lire l’heure sur un camembert. Un camembert n’est pas fait pour ça.
Je vous cite un passage de la page 28 du formulaire des officiers de police judiciaire de Louis Lambert, ouvrage considéré comme la bible des O.P.J avec le Traité de Procédure Pénale Policière de Charles Parra. Voici cet extrait : « Cela étant, nous jugeons plus simple de conseiller à nos lecteurs d’ajouter toujours l’heure à la date en tête de leur procès-verbaux, quels qu’ils soient. Quant à l’heure à laquelle s’est terminé l’acte, elle n’a de sens que pour les auditions effectuées sous garde à vue et nous conseillerons de ne la constater que sur les seuls procès-verbaux afférents à ces auditions. »

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