Entretien: Gilles Perrault
Dernière mise à jour: 15 Avril 2007

 



1- Pourquoi avez vous écrit ces deux livres ( Le déshonneur de Valéry Giscard D’Estaing et l’ombre de Christian Ranucci) ? Et surtout pourquoi 30 ans après l’affaire ?

Le premier livre, le déshonneur de VGE, je l’ai écrit parce que j’étais indigné par ce qu’il disait de l’affaire dans le supplément du Monde ( le monde 2)…cela devait être à propos du trentième anniversaire de son élection. Cela témoignait d’une ignorance complète de l’affaire. Il y racontait n’importe quoi et j’ai trouvé cela insultant pour la mémoire de Christian Ranucci. Il s’agit tout de même d’un garçon qu’il a envoyé à l’échafaud… Il aurait très bien pu dire : « Ecoutez, je n’ai plus à m’expliquer là dessus, je connaissais le dossier à l’époque , j’ai laissé la justice suivre son cours et la peine de mort était applicable à l’époque », mais là non ! Il s’est lancé hardiment en racontant n’importe quoi. Je dois dire que l’attitude de cet homme m’inspire beaucoup de mépris. A vrai dire , il n’y a pas seulement ce qu’il a pu raconter sur Ranucci, mais aussi son attitude sur la peine de mort en général : le fait de se réclamer farouchement opposé, son aversion profonde, etc... Je rappelle que lorsque le Président Antona ouvre les délibérations du jury qui va condamner Ranucci, il commence par dire aux jurés «  Vous connaissez les opinions de notre Président sur la peine de mort, donc quel que soit le verdict, nous savons qu’il n’y aura pas exécution ». Bon ! C’est grave quand même. Et donc voilà, j’ai tenu à écrire un petit livre pour m’exprimer là dessus… 

L’autre livre c’est autre chose : le Pull-Over rouge date de 1978, cela fait 28 ans et il s’est passé beaucoup de choses depuis. On a beaucoup travaillé. Il y a eu les enquêtes officielles du commissaire Le Bruchec par exemple. Toute une nouvelle génération arrive et prend le relais de notre groupe qui travaille depuis 30 ans . L’âge est là, il ne faut pas se voiler la face… en fait ce livre vise à dire à toute une nouvelle génération «  voilà où nous en sommes, voilà où en est le dossier au moment où vous reprenez le flambeau ». Il s’agit en somme d’une mise au point , un bilan qui prend en compte tout ce qui a été découvert depuis 28 ans : le témoignage de Moussy , le rapport d’autopsie ( puisque ni le jour ni l’heure de la mort de la petite victime ne sont mentionnés) et cela je n’en parlais pas dans mon livre le Pull-Over rouge.Il m’est apparu nécessaire de faire le point.

2- Dans la précédente interview datant de 2004, vous expliquiez d’où vous venait l’intérêt pour l’affaire Ranucci. Mais vous n’expliquez pas pourquoi vous avez écrit le Pull-Over rouge. Quel but poursuiviez vous en 1978, si évidemment vous en poursuiviez un ?

 

He bien non, précisément, je n’avais pas de but. Après, on a dit que c’était pour lutter contre la peine de mort ; ce n’était pas du tout mon but même si je suis un farouche adversaire de la peine de mort. J’ai été bouleversé par la manière dont on était arrivés à condamner un jeune homme de 20 ans et à l’envoyer sur l’échafaud…Je ne pensais pas que pareille chose était possible. Voilà ce que j’ai voulu raconter aux lecteurs comment ça se passe et vous savez j’ai reçu un énorme courrier. Je reçois aujourd’hui encore un énorme courrier. Il n’y a pas de semaine sans lettre et des lettres de toute sorte. Mais il y avait un leitmotiv dans ces lettres « je ne pensais pas que ça puisse se passer comme ça »Comme Outreau, n’est-ce pas… heu, mais là ça se termine pas à l’échafaud quand même. J’ai voulu dire aux lecteurs, c’était un besoin irrépressible, irréductible : la justice voyez-vous c’est pas infaillible. Si vous voulez, alors, le seul but que j’avais c’était de démontrer aux gens que la justice ça ne s’écrivait pas avec un J majuscule mais avec un j minuscule, que c’était une administration comme une autre, comme le fisc qui peut faire des erreurs, la sécurité sociale. Ca c’était mon but, sinon ce n’était du tout un but idéologique et je n’ai même pas pensé que ça deviendrait l’un des arguments dans la lutte contre la peine de mort. Badinter, là, pour le 25eme anniversaire de l’abolition a dit que ce livre avait joué un rôle, un grand rôle même. Mais ça n’était pas du tout mon objectif.

D’ailleurs cette affaire continue à mobiliser des gens alors même que la peine de mort est abolie. Si ça avait été une machine contre la peine de mort, tout ce serait arrêté le lendemain de l’abolition. Ca continue, et les jeunes dont je parle qui sont mobilisés par cette affaire sont souvent nés après l’abolition pour les plus jeunes.

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