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Ce
même jour, Christian Ranucci est interpellé puis
placé en garde à vue. Conduit à l'hôtel
de police de Marseille, il affirme au commissaire Alessandra
: "je n'ai jamais porté de pull-over de
couleur rouge. Je suis bien certain de ce fait."
Les
enquêteurs sont, à ce moment, convaincus
du lien existant entre les faits relatés par
Mme Mattei et M. Martel et l'enlèvement puis
l'assassinat de Marie-Dolorès.
Le
commissaire Cubaynes, chef de la sûreté urbaine
de Marseille, fait en effet le lien entre la manière
d'opérer de l'homme au pull-over rouge et l'assassin
de la fillette. Il déclara, le 6 juin, au quotidien
La marseillaise:
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Il
y a un mois deux fillettes étaient l'objet
d'une tentative d'enlèvement à Marseille...Le
motif choisi pour attirer les deux enfants était
le même que pour la petite Marie Dolorès,
le chien noir... Vous savez, ceci vaut tous les signalements.
La corrélation que l'on peut faire entre les
deux affaires semble confirmer autre chose: l'assassin
a agi avec préméditation.
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Très
vite, tous les témoins des faits des 31 mai et
1er juin sont convoqués à l'Evêché pour
la présentation à témoin. Christian
Ranucci est alors placé parmi d'autres policiers.
Mais personne ne le reconnaît. Il n'est pas l'homme
qui a sévi dans les deux cités de la ville.
Les 31 mai et 1er juin, Christian Ranucci se trouvait
en effet à Nice.
Quant au pull-over rouge, il ne lui appartient pas. Il n'est pas à sa
taille. Aucun voisin ni familier ne l'a jamais vu porter ce vêtement, d'une
couleur qu'il abhorre (aucun vêtement rouge n'est retrouvé dans
sa garde-robe).
Qu'en
conclut la police?
Voici ce que dit, en conclusion, le procès-verbal du 7 août
1974 qui atteste la confrontation infructueuse entre
Christian Ranucci et les fillettes
C. et M. Martel:
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Les
procès-verbaux établis
dans le cadre de cette affaire d'attentat à la
pudeur sont séparés de la procédure établie
contre le nommé Ranucci...
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C'est ainsi que
tous les procès-verbaux d'audition, comme le
scellé n°1, vont être extraits du
dossier et ne seront jamais présentés
au juge d'instruction, qui n'en n'aura pas connaissance.
Pour les enquêteurs, la piste du pull-over rouge
s'arrête à ce moment.
Pourquoi
les policiers n'ont-ils jamais présenté le
pull-over rouge, trouvé dans la galerie, aux
différents témoins des Cités des
Tilleuls et des Cerisiers? Craignaient-ils de s'être
trompés de coupable puisque ces témoins
n'avaient pas reconnu l'homme au pull-over en Christian
Ranucci?
Sûr
de son fait, le commissaire Cubaynes affirmait qu'outre
le lien évident et acquis entre tous les évènements,
l'assassin avait agi avec préméditation.
Si l'on reprend les aveux de Christian Ranucci, réels
ou dictés, ceux-ci parlent d'un "concours
de circonstances" qui l'aurait conduit à l'irréparable.
Aucune préméditation n'y a donc jamais été présente
ni son absence contestée pas les policiers. Ces
aveux sont-ils par conséquent crédibles?
La
mise à l'écart du pull-over et des témoignages
précités est-elle la conséquence
de l'optimisme prématuré affiché devant
l'opinion publique et la presse? C'est en tout cas à cet
instant que le destin de Christian Ranucci a basculé.
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C'est
en 1975, bien après la fin de l'instruction, que
les avocats de Christian Ranucci ont eu connaissance
des témoignages évoqués ci-dessus.
Mme Mattei rencontra fortuitement Mme Mathon à la
prison des Baumettes, où son fils était également
détenu. C'est à ce moment qu'elle fit part
de son témoignage à la maman de Christian
Ranucci, qui la présenta ensuite à Maîtres
Lombard et Le Forsonney.
D'abord réticents, ceux-ci décidèrent toutefois d'adresser
une requête à la chambre d'accusation pour audition de Mme Mattei.
La chambre, s'estimant dessaisie, déclara, par arrêt du 3 octobre
1975, la requête irrecevable. Le procureur général demanda
toutefois, par lettre du 14 octobre 1975, au procureur de la République
de faire recueillir "les dires de la dame Mattei et le cas échéant
de toute autre personne qui ne serait pas encore intervenue dans la procédure,
et de faire ensuite, s'il y a lieu, contrôler par la gendarmerie les faits
donnés ou indices matériels dont la dame Mattei et autres auront
pu faire état".
Mme
Mattei est ainsi entendue par Mme Brugère, premier
substitut de Marseille, à qui elle confirme ses
précédentes déclarations. Elle précise
même à propos de l'homme au pull-over rouge:
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...Je
lui ai parlé. Il m'a dit "qu'il s'arrêtait".
Je remarquais qu'il avait un accent méridional...
Je suis même allée aux obsèques
de la petite Rambla, sur le conseil des policiers,
mais je n'ai pas vu cet individu dans la foule.
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En
revanche, Mme Brugère estime inutile d'entendre
Agnès Mattei, Carole Barraco, ni la mère
de celle-ci, ni M. Martel.
Mme
Mattei sera une nouvelle fois entendue par l'inspecteur
Porte, le 25 novembre 1975, pour vérification
de ses dires.
Curieuse
décision prise par le premier substitut de ne
pas auditionner les autres témoins, contrairement à la
mission qui lui avait été confiée.
Pourquoi,
ni le procureur de la République, ni le premier
substitut ne se sont-ils interrogés sur l'absence,
dans les dossiers d'enqûete et d'instruction, de
toute référence aux témoignages
de Mme Mattei, de sa fille, de Carole Barraco et de M.
Martel? Mme Mattei révélait pourtant, dans
ses déclarations, un élément important,
sa présence aux obsèques de Marie-Dolorès
sur les conseils des policiers qui donc suivaient cette
piste.
Pourquoi,
ici encore, les avocats de Christian Ranucci sont-ils
restés sans réaction?
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