Le pull-over rouge
Dernière mise à jour: 21 septembre 2011

 

 




Suite de l'enquête



Ce même jour, Christian Ranucci est interpellé puis placé en garde à vue. Conduit à l'hôtel de police de Marseille, il affirme au commissaire Alessandra : "je n'ai jamais porté de pull-over de couleur rouge. Je suis bien certain de ce fait."

Les enquêteurs sont, à ce moment, convaincus du lien existant entre les faits relatés par Mme Mattei et M. Martel et l'enlèvement puis l'assassinat de Marie-Dolorès.

Le commissaire Cubaynes, chef de la sûreté urbaine de Marseille, fait en effet le lien entre la manière d'opérer de l'homme au pull-over rouge et l'assassin de la fillette. Il déclara, le 6 juin, au quotidien La marseillaise:


Il y a un mois deux fillettes étaient l'objet d'une tentative d'enlèvement à Marseille...Le motif choisi pour attirer les deux enfants était le même que pour la petite Marie Dolorès, le chien noir... Vous savez, ceci vaut tous les signalements. La corrélation que l'on peut faire entre les deux affaires semble confirmer autre chose: l'assassin a agi avec préméditation.


Très vite, tous les témoins des faits des 31 mai et 1er juin sont convoqués à l'Evêché pour la présentation à témoin. Christian Ranucci est alors placé parmi d'autres policiers. Mais personne ne le reconnaît. Il n'est pas l'homme qui a sévi dans les deux cités de la ville.
Les 31 mai et 1er juin, Christian Ranucci se trouvait en effet à Nice. Quant au pull-over rouge, il ne lui appartient pas. Il n'est pas à sa taille. Aucun voisin ni familier ne l'a jamais vu porter ce vêtement, d'une couleur qu'il abhorre (aucun vêtement rouge n'est retrouvé dans sa garde-robe).

Qu'en conclut la police?

Voici ce que dit, en conclusion, le procès-verbal du 7 août 1974 qui atteste la confrontation infructueuse entre Christian Ranucci et les fillettes C. et M. Martel:


Les procès-verbaux établis dans le cadre de cette affaire d'attentat à la pudeur sont séparés de la procédure établie contre le nommé Ranucci...


C'est ainsi que tous les procès-verbaux d'audition, comme le scellé n°1, vont être extraits du dossier et ne seront jamais présentés au juge d'instruction, qui n'en n'aura pas connaissance. Pour les enquêteurs, la piste du pull-over rouge s'arrête à ce moment.

Pourquoi les policiers n'ont-ils jamais présenté le pull-over rouge, trouvé dans la galerie, aux différents témoins des Cités des Tilleuls et des Cerisiers? Craignaient-ils de s'être trompés de coupable puisque ces témoins n'avaient pas reconnu l'homme au pull-over en Christian Ranucci?

Sûr de son fait, le commissaire Cubaynes affirmait qu'outre le lien évident et acquis entre tous les évènements, l'assassin avait agi avec préméditation. Si l'on reprend les aveux de Christian Ranucci, réels ou dictés, ceux-ci parlent d'un "concours de circonstances" qui l'aurait conduit à l'irréparable. Aucune préméditation n'y a donc jamais été présente ni son absence contestée pas les policiers. Ces aveux sont-ils par conséquent crédibles?

La mise à l'écart du pull-over et des témoignages précités est-elle la conséquence de l'optimisme prématuré affiché devant l'opinion publique et la presse? C'est en tout cas à cet instant que le destin de Christian Ranucci a basculé.



Clôture de l'instruction


C'est en 1975, bien après la fin de l'instruction, que les avocats de Christian Ranucci ont eu connaissance des témoignages évoqués ci-dessus. Mme Mattei rencontra fortuitement Mme Mathon à la prison des Baumettes, où son fils était également détenu. C'est à ce moment qu'elle fit part de son témoignage à la maman de Christian Ranucci, qui la présenta ensuite à Maîtres Lombard et Le Forsonney.
D'abord réticents, ceux-ci décidèrent toutefois d'adresser une requête à la chambre d'accusation pour audition de Mme Mattei. La chambre, s'estimant dessaisie, déclara, par arrêt du 3 octobre 1975, la requête irrecevable. Le procureur général demanda toutefois, par lettre du 14 octobre 1975, au procureur de la République de faire recueillir "les dires de la dame Mattei et le cas échéant de toute autre personne qui ne serait pas encore intervenue dans la procédure, et de faire ensuite, s'il y a lieu, contrôler par la gendarmerie les faits donnés ou indices matériels dont la dame Mattei et autres auront pu faire état".

Mme Mattei est ainsi entendue par Mme Brugère, premier substitut de Marseille, à qui elle confirme ses précédentes déclarations. Elle précise même à propos de l'homme au pull-over rouge:


...Je lui ai parlé. Il m'a dit "qu'il s'arrêtait". Je remarquais qu'il avait un accent méridional... Je suis même allée aux obsèques de la petite Rambla, sur le conseil des policiers, mais je n'ai pas vu cet individu dans la foule.


En revanche, Mme Brugère estime inutile d'entendre Agnès Mattei, Carole Barraco, ni la mère de celle-ci, ni M. Martel.

Mme Mattei sera une nouvelle fois entendue par l'inspecteur Porte, le 25 novembre 1975, pour vérification de ses dires.

Curieuse décision prise par le premier substitut de ne pas auditionner les autres témoins, contrairement à la mission qui lui avait été confiée.

Pourquoi, ni le procureur de la République, ni le premier substitut ne se sont-ils interrogés sur l'absence, dans les dossiers d'enqûete et d'instruction, de toute référence aux témoignages de Mme Mattei, de sa fille, de Carole Barraco et de M. Martel? Mme Mattei révélait pourtant, dans ses déclarations, un élément important, sa présence aux obsèques de Marie-Dolorès sur les conseils des policiers qui donc suivaient cette piste.

Pourquoi, ici encore, les avocats de Christian Ranucci sont-ils restés sans réaction?


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