Le pull-over rouge
Dernière mise à jour: 21 septembre 2011

 

 
 

Cour d'assises
d'Aix-en-Provence


Nous ne reviendrons pas ici sur le déroulement du procès sauf en ce qui concerne le témoignage de Mme Mattei et la réapparition des procès-verbaux, extirpés du dossier.

Mme Mattei est une personne simple, qui n'est pas habituée à parler en public et à fortiori devant une assemblée aussi solemnelle que celle d'une cour d'assises. Lorsqu'elle commença son récit, Mme mattei s'adressa à la cour d'une voix hésitante, voire inaudible, commettant certaines erreurs bien compréhensibles. L'accusation et la partie civile n'auront de cesse que de décrédibiliser son propos, allant même jusqu'à la menacer de faux témoignage.
Puis vint le tour de M. Martel, moins influençable, mais dont le récit fit tout autant long feu. Car la cour d'assises avait choisi de ne pas s'intéresser à cette histoire de simca 1100 et de pull-over rouge, à laquelle personne ne croyait.

Puis vinrent les plaidoiries de la défense, puis l'incident, unique dans les annales des cours d'assises. Maître Lombard venait à peine de se rasseoir que l'avocat général se leva, brandissant un dossier entre les mains. Le pull-over rouge? Pure invention de la défense, aux dires de M. Viala. Et il sortit un procès-verbal, du 5 juin 1974, qui faisait état du témoignage d'un jeune homme, Jean-Claude Jaglasse, qui racontait avoir vu un homme jouer avec deux fillettes. Cet homme portait un pull-over vert et disparut au volant d'une Citroën Dyane, de couleur bleu clair.
Mr Viala venait ainsi de réduire à néant l'histoire du pull-over rouge et les arguments de la défense. Ce qu'il ne dit pas aux jurés, c'est qu'en dessous de ce procès-verbal se trouvaient ceux de Mme Mattei, de M. Martel et des autres...

Le procès devant la cour d'assises d'Aix-en-Provence suscite de nombreuses questions. L'accusation, relayée par la partie civile, a tout fait pour décrédibiliser l'un des arguments essentiels de la défense, le pull-over rouge et la simca 1100. C'est son rôle, certes, mais la fin justifie-t-elle les moyens, surtout si la vie d'un homme est en jeu?

Comment qualifier l'attitude des enquêteurs, pendant le procès, qui fut à l'origine de l'incident causé par M. Viala? Gilles Perrault révélait dans son livre que des policiers, présents dans la salle d'audience, avaient informé M. Alessandra que la défense faisait état de l'homme au pull-over rouge. Le commissaire avait aussitôt fait porter au tribunal un dossier contenant les procès-verbaux relatifs aux incidents des 31 mai et 1er juin 1974, qui furent ensuite remis à l'avocat général, avec la suite que l'on connaît.

Peut-on accepter, si ces faits sont exacts, qu'un officier de police puisse soustraire des documents officiels d'un dossier d'enquête, au mépris des magistrats ayant à l'instruire, pour ensuite les faire réapparaître en fin de procès d'assises?

Citons encore Gilles Perrault qui rapportait les commentaires du commissaire: "Nous avons pris les avocats complètement à contre-pied. Ils ne savaient pas que nous possédions ces procès-verbaux, tant et si bien que l'avocat général a pu anéantir leur argumentation."




La piste suivie par le chien


Le 1er février 1979, Alain Peyrefitte, garde des sceaux, organisa une conférence de presse pour expliquer le refus de la révision du procès. Un gendarme maître-chien était présent aux côtés du ministre. Il déclara qu'un délai de 48 heures, écoulé en l'espèce entre le crime et la mise du chien sur la piste, interdisait de croire que le chien ait pu suivre la piste et remonter jusqu'au cadavre.

Le 27 septembre 1985, le directeur des affaires criminelles informait les avocats de Mme Mathon qu'il avait décidé de procéder à l'audition du capitaine Gras, pour su'il ne subsiste aucune zone d'ombre dans cette affaire.

Le capitaine est entendu le 19 novembre 1985 par M. Boccon Gibod, premier substitut du procureur de la république à Marseille. Voici ce qu'il déclara:


J'ai fait appel au maître-chien de la compagnie d'Arles, celui d'Aix étant indisponible. Avec le personnel chargé des recherches nous sommes arrivés dans la zone vers 13 heures le 5 juin 1974.

Le maître-chien et son animal sont arrivés au rendez-vous fixé à l'intersection de la RN 8 et de la route de la Bouilladise vers 15 h 35. J'ai immédiatement conduit l'équipage à la champignonnière où, pendant que le maître-chien équipait son animal, je lui ai donné sa mission, à savoir à partir du véhicule se trouvant dans la champignonnière, de rechercher la trace de son conducteur et éventuellement d'un passager. Les portes de la voiture ont été ouvertes et le chien est venu renifler les places avant et arrière. Je ne pense pas que l'on ait expressément fait sentir un pull-over rouge qui se trouvait dans la galerie plusieurs mètres en arrière du véhicule. Ma certitude est que le véhicule a été soumis au flair du chien.

Il devait être 15 h 40, et le chien a immédiatement effectué le trajet inverse sur le chemin de la champignonnière, d'abord jusqu'à la RN 8 et sur cette voie, ensuite en direction de La Pomme et du lieu où une Peugeot 304 avait été vue ...par des témoins. Il y a un peu plus d'un kilomètre entre la champignonnière et ce lieu. Alors que le chien courait sur la RN 8, j'ai pris les devants pour me rendre au lieu du stationnement présumé. Arrivé sur place, j'ai appris que le corps d'une fillette, enseveli sous des branchages, venait d'être découvert quelques courts instants auparavant. Je suis monté sur le talus et j'ai constaté que le corps portait des vêtements ressemblant à ceux du descriptif, portés par la fillette enlevée.

Je suis revenu à la route, à mon véhicule radio, d'où j'ai émis des comptes rendus divers à destination notamment de M. le Procureur. Mon véhicule était garé au lieu exact ou avait dû stationner le véhicule signalé. Peu de temps après, il devait être un peu plus de 16 heures, 16 h 15, l'équipage du chien policier, se déplaçant à allure normale, est arrivé à ma hauteur, a continué sur quelques dizaines de mètres et s'est arrêté.

Sur l'itinéraire exact suivi par le chien:

Le chien a été mis en piste dans la champignonnière à partir du véhicule; à allure rapide, tenu en longe par le maître-chien, il a suivi le chemin normal de terre de la champignonnière à la route nationale, puis sur cette dernière, tout au moins au début, a emprunté les bas-côtés droits ou gauches.

Sur le point exact de l'arrêt à trente mètres du lieu de la découverte du corps:

Le chien s'est arrêté sur la RN 8, sur son bas-côté nord, à une trentaine de mètres du lieu où mon véhicule stationnait et qui était celui indiqué par le témoin, où avait stationné le véhicule Peugeot. Je précise bien que le chien a dépassé mon véhicule, d'une trentaine de mètres, en direction de La Pomme, Il s'est arrêté nettement sur place et n'a pas essayé de grimper dans les fourrés.

Sur les conclusions du comportement de l'animal et de son itinéraire:

Je confirme que je ne puis dire si le pull-over rouge a été expressément senti par l'animal. Je suis dubitatif en ce qui concerne l'efficacité du pistage de l'animal quarante-huit heures après le moment où le véhicule a pu entrer dans la champignonnière. Théoriquement le chien, doit être efficace dans son pistage dans les heures qui suivent immédiatement les faits ayant pu laisser une trace olfactive. De plus, le pistage s'effectuait sur une route nationale où la circulation est importante.

Le 5 décembre 1985, l'Avocat général Berlioz, lors d'une nouvelle audition, rappela que la voiture de Ranucci ne se trouvait pas dans la champignonnière le 5 juin 1974 vers 15 h 30. Le capitaine Gras présentait alors une nouvelle version des faits:

J'ai certainement fait une confusion entre la présence du véhicule et les traces de roues laissées dans la champignonnière. Le chien a été mis en piste dans la champignonnière sûrement à partir des traces de la voiture.

Sur l'itinéraire du chien et le pistage à partir du pull-over rouge:

Je confirme ma précédente déclaration au parquet de Marseille quant à l'itinéraire suivi par le chien et son point d'arrêt qui se situe sur la route nationale du bas-côté gauche dans son sens de marche et en deçà de mon véhicule radio. A aucun moment l'animal n'est monté dans les taillis, ni n'en a manifesté l'intention, ni ne s'est approché du cadavre. Je ne peux pas dire si l'animal a reniflé un pull-over rouge avant d'être mis en piste. Je pense que le pistage sur une toute nationale goudronnée quarante-huit heures après les faits est aléatoire; toutefois je puis vous indiquer que plusieurs mois après cette affaire ce même chien dans des conditions normales avait réussi un pistage parfait dans un terrain boisé.


Si l'on suit les propos du maître-chien, confirmé par le capitaine Gras, le délai de 48 heures est à considérer avec prudence. La fiabilité du travail du chien policier diminue logiquement au fil des heures.

Que peut-on en conclure? Rien !!!
Le rapport d'autopsie du corps de Marie-Dolorès ne mentionne pas le jour et l'heure de la mort de l'enfant. A-t-elle été assassinée le 3, le 4 voire le 5 juin? Personne ne le sait.
Rappelons que des gendarmes ont été envoyés sur place les 4 juin après-midi et 5 juin au matin, à la suite des témoignages relatifs à l'accident de La Pomme, pour ratisser les lieux. En vain. Etaient-ils au bon endroit? Le corps de la fillette se trouvait-il déjà là? Mystère.

Une certitude, toutefois, mais qui amène d'autres questions. Si le crime a été commis le 3 juin, un peu après l'accident de La Pomme, cela implique que l'assassin, quel qu'il soit, soit revenu sur les lieux bien après son forfait. Pour y dissimuler le pull-over dans la galerie et récupérer quelque chose près des lieux du crime?



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