Coupable ou innocent à tout prix Affaire Tangorre

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    Comme dans le cas du livre miraculeusement retrouvé, «le dieu des enquêteurs» se manifestera à nouveau quand, lors d'une visite du gendarme Dalichoux aux services des impôts pour une toute autre affaire, un employé lui déclare qu'il connait le «premier amour» de Luc Tangorre. Ce hasard donnera aux enquêteurs la possibilité d'établir un lien entre Luc Tangorre et le Mas de Boulbon, lieu de jeu de son enfance et que lui, connaissait sous le nom de «le petit bois».



Note: dans le texte qui suit, l'auteur substitue volontairement les noms des américaines

    L'une des jeunes filles, Jessica, a remarqué que l'agresseur semblait bien connaître les lieux car «il y était venu directement, sans hésiter. Il avait même avoué qu'il aimait bien cet endroit».

L'hippodrome    Or, Luc Tangorre a habité pendant plusieurs années un immeuble, Les Jonquilles, qui se trouve à deux kilomètres cinq cents du lieu du viol. Tangorre ne se souvient pas d'être venu à cet endroit lorsqu'il habitait Nîmes. Le mas de Boulbon ne lui dit rien, pas plus que l'hippodrome (que les victimes ont appelé «manège à chevaux» dans leur première déclaration).

    — C'était il y a vingt ans, précise l'inculpé, j'étais encore un enfant.

    Une cabine téléphonique se trouve près des Jonquilles. Luc Tangorre aurait-il pu appeler Claire-Lise Foiret de cette cabine? Le juge ne le dit pas, mais le fait qu'il signale sa présence le donne à penser. Tangorre connaissait-il l'existence de cette cabine? Les gendarmes ont fait une enquête auprès des Télécommunications. Ce poste téléphonique a été installé en 1978. Les Tangorre avaient quitté Nîmes depuis cinq ans.

    Le juge Lernould demande aux gendarmes d'enquêter autour des Jonquilles, dans la banlieue de Nîmes, où la famille Tangorre a vécu pendant deux ans, de 1971 à 1973.

    Ils retrouvent bientôt toute une petite bande, une dizaine de garçons et de filles qui ont partagé les jeux de Luc qui avait onze ans à l'époque : Jean, Frédéric, Jean-Luc, Régis, Antoine, Chantal, Pauline, Marie- Ange, Marie. Ils ont été copains. Ils jouaient ensemble au foot, sur le stade de l'Assomption, ils allaient faire des virées à mobylette vers Rodilhan, le petit bois derrière le bâtiment du bas Rhône, ils pêchaient dans le Vistel. Luc? Il était comme tous les garçons, il recherchait la compagnie des filles mais il ne les embêtait pas plus que les autres. Il faut dire que les filles ne sortaient pas beaucoup, les parents, pour la plupart d'origine espagnole, étaient très stricts là-dessus. Dès la sortie de l'école, elles rentraient à la maison. Pas question d'aller courir la campagne avec les garçons qu'elles ne rencontraient que dans l'établissement scolaire qu'ils fréquentaient, un collège mixte, le C.E.S. Bigot.

    L'une des filles, Chantal, a connu Luc un peu mieux que les autres.

    — Il a été mon premier flirt. J'ai gardé de lui le souvenir d'un garçon gentil, attentif. Je n'ai jamais rien remarqué d'anormal dans sa façon de se conduire.

    Elle se souvient qu'en 1981 Luc lui a rendu visite à plusieurs reprises.

    — C'était pendant le week-end, j'attendais mon premier enfant. Il n'avait pas de voiture, il accompagnait son frère qui avait besoin de venir à Nîmes. Il passait en coup de vent.

Le Mas de Boulbon aujourd'hui    Les gendarmes demandent à plusieurs des anciens camarades de Luc Tangorre s'ils peuvent les conduire sur le terrain de jeux où ils se retrouvaient. Les lieux ont bien changé. L'autoroute A9 a bouleversé le paysage mais, dans l'ensemble, les petits chemins de campagne sont restés les mêmes. Ils accompagnent les gendarmes par des routes dont l'une longe la pommeraie où les Américaines ont été agressées. Les enquêteurs ont photographié Les Jonquilles et la cabine téléphonique.

    L'enquête démontre que Luc Tangorre connaissait cet endroit, qu'il y passait régulièrement avec sa petite bande de copains. Pourquoi l'a-t-il nié?

    — Parce que, depuis le début de l'enquête, chaque fois que les gendarmes parlaient de la pommeraie, ils la situaient au lieu-dit mas de Boulbon. Je ne la connaissais pas sous ce nom. La plupart de mes copains non plus, d'ailleurs. Pour nous, c'était «le petit bois». Lorsqu'on m'a parlé du petit bois, j'ai dit oui, je connais! Quant à penser que, les viols accomplis, j'aie pu me rendre jusqu'à cette cabine téléphonique pour appeler Claire-Lise Foiret afin qu'elle croie que je l'appelais de Marseille et me donne ainsi de bonne foi un précieux alibi, c'est impossible!

Roger Colombani - Les ombres d'un dossier



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