38- Que pensez vous du témoignage de Jean Baptiste RAMBLA en 1974 ? (Voiture, Ranucci, costume gris) et même question 30 ans après ?
Jean n’a pas fait attention à l’homme et à la voiture. Il a été obnubilé tout de suite par la disparition du chien. Pour lui, le problème était là. Quand il a fallu restituer la marque de la voiture, il en a été incapable et l’indication qu’il a donnée sur la couleur des vêtements du ravisseur est loin de la réalité. Le commissaire Cubaynes a dit lors d’une interview télévisée : « Il faut se garder de lui faire dire des choses qui ne viendraient pas de lui ». Il faisait allusion à la Simca 1100. Il n’en avait parlé à personne et les journalistes lui faisaient donner cette marque.
Lorsque vous dites à un enfant : « J’ai perdu mon gros chien noir, aidez moi à le chercher » est-ce que vous pensez sérieusement que le gamin, va vers votre voiture en regardant de quelle marque il s’agit ? Son problème c’est le chien qui a disparu, ce n’est pas la voiture.
39- Pourquoi vous êtes vous intéressé à l'affaire RANUCCI, et pourquoi aujourd'hui encore, après tout le temps que vous y avez consacré et la passion que vous y avez mis, persévérer dans vos travaux sur l'affaire?
L’affaire m’a passionné parce que Gilles Perrault introduisait un doute sur la culpabilité. Au cas où sa thèse était bonne, je me proposais de faire des recherches pour trouver le véritable criminel. Car on n’a pas beaucoup vu le romancier se démener pour qu’une enquête soit effectuée afin de retrouver le soi-disant assassin en fuite de Marie Dolorès. Mais sa thèse était fausse et il n’y avait personne d’autre à chercher.
Ma passion ne s’arrêtera que lorsque j’aurais vu toutes les personnes que je n’ai pas encore rencontrées. J’ai de plus une piste sérieuse sur une personne de la famille de Ranucci qui avait voulu parler à l’époque et qui avait un élément accablant pour Ranucci mais qui s’est dégonflée au dernier moment. Je suis sur le point de la rencontrer.
40- sur la fameuse page 80 comment pouvez vous écrire que les policiers ont établi la culpabilité de Ranucci le 6 juin et comment pouvez vous justifier les pressions faites sur E.Spinelli lors de sa seconde audition ce même jour pour qu'il dise avoir pu s'être trompé de voiture.
Je suis allé un peu vite en écrivant que c’était le 6 juin à midi, lorsque M. Spinelli est revenu à l’Evêché. En fait, la culpabilité de Ranucci ne sera définitivement établie que dans la soirée, lorsque le couteau aura été retrouvé sur ses indications.
Mais à midi, les policiers avaient entre les mains celui que les époux Aubert avaient vu monter avec un enfant dans les fourrés, à l’endroit où le corps de Marie-Dolorès avait été trouvé (et il n’était pas du tout question d’un paquet). Les policiers avaient trouvé dans le coffre de la voiture de Ranucci un pantalon taché de sang et de boue. Ranucci était incapable de donner l’origine de ce sang qui, de toute évidence, venait de la fillette (d’apposition) et la boue de la champignonnière. (Il n’y avait dans cette affaire aucun autre pantalon appartenant à Ranucci présentant des traces de boue ou ayant été lavé récemment). Et Ranucci avait sur les mains les traces de piqûres d’argelas, correspondant à l‘argelas trouvé sur le corps de Marie Dolorès, destiné à la cacher.
Par contre, après que Ranucci ait dessiné le plan de la cité et donné l’emplacement du couteau, trouvé sur ses indications, sa culpabilité a été établie, donc le 6 au soir.
Il me parait indigne de parler de pressions sur Eugène Spinelli. Celui-ci a reconnu qu’il n’avait pas fait attention à la scène parce qu’elle était banale et qu’il avait donc pu se tromper sur la marque de la voiture. On ne se trompe pas quand on fait attention. On peut se tromper quand on ne fait pas attention. Et Spinelli a toujours dit qu’il avait pu se tromper car les deux voitures se ressemblent. Il a fallu que Gilles Perrault déforme ses propos en reprenant ce qu’il disait : « En tant que carrossier, je ne peux pas me tromper si vous me mettez les deux voitures devant moi, mais si je ne fais pas attention, si je les vois de loin, avec le soleil dans les yeux, je peux me tromper. » Perrault n’a retenu que les dix premiers mots. Sans quoi sa thèse s’affaiblissait.
Lorsque j’ai rencontré Monsieur SPINELLI, la conversation a été très courtoise.
Mais lorsque je l’ai revu quelques mois après, juste avant l’interview qu’il a donnée pour l’émission « Le Droit de Savoir », il a vraiment eu l’air content de me voir et il a accepté de témoigner à la télévision le lendemain. Et ce témoignage s’est fait sans pression.
Comment peut-on croire qu’il a refusé de signer Le procès-verbal parce qu’une expression ne lui plaisait pas et qu’il a obligé Porte a écrire une deuxième mention et penser qu’il a baissé les bras sous une hypothétique pression policière ?
Au sujet de cette deuxième mention qu’il a obligé les policiers à ajouter, il m’a expliqué pourquoi : il a été choqué parce qu’il était écrit : j’ai pu confondre les deux voitures. Pour un carrossier, cela la foutait mal. Il a donc voulu faire préciser que s’il avait pu se tromper, c’est parce qu’il n’avait pas fait attention à la scène, qu’il l’avait vue de loin et que les deux voitures se ressemblent vues de l’arrière.
C’est le mot « confondre » qui ne lui convenait pas.
Et pourtant, au cours de notre conversation, il n’a pas hésité à l’employer en disant que dans les conditions où il avait vu la scène, il avait pu confondre les deux voitures. Je pense donc qu’il a prononcé ce mot « confondre » pendant l’audition mais que quand il s’est relu, cela ne lui a pas convenu.
41- Toujours page 80 : pouvez vous expliquer la phrase " Il (Spinelli) ne reconnut pas l'auteur de l'enlèvement qui lui fut présenté au milieu d'autres inspecteurs"
J’ai voulu dire : des inspecteurs différents de ceux qui faisaient l’enquête. Pour que les
témoins n’aient pas déjà été mis en contact avec eux, ce qui aurait rendu la parade d’identification inefficace. Les personnes qui comprennent vite ont compris. Ceux qui ont cru que je voulais dire que Ranucci était inspecteur …je vous laisse juger.
Comme vous l’avez vu dans la première édition de mon 2ème livre, il y’a eu un gros problème de correction avec mon éditeur et cette phrase n’a pas été corrigée malgré ma demande.