Entretien: Gilles Perrault
Dernière mise à jour: 15 Avril 2007

 

 


29- A propos des aveux de Ranucci, en quoi ne seraient-ils pas circonstanciés pour vous ?

Ben, parce qu’il n’y a rien dans ces aveux qui ajoute à ce que connaissaient les policiers de par leurs investigations. Tout simplement…Et j’insiste beaucoup là dessus…. Selon la thèse officielle, Ranucci a passé à peu près 1h30 avec la petite Rambla. La malheureuse enfant a dû parler pendant tout ce laps de temps, non ?Quant à Ranucci, il a bien dû lui parler aussi, ne serait-ce que pour la rassurer… Elle aurait pu lui révéler un détail sur sa vie familiale, ses habitudes : ex : mon oncle est venu ce week-end. J’aime ceci cela et là Si les aveux avaient fait part de ce genre de détails, vérifiables, à coup sûr Ranucci est coupable. Mais là… rien. Et vous vous souvenez en plus que Ranucci avait fait une pause cigarette, vous vous rendez compte cette petite fille, elle monte dans sa voiture et doit bien se douter à un certain moment qu’on ne va plus chercher un chien. Selon les aveux de Ranucci, elle est vivante, il sort de la voiture et fume. Ok, admettons ; mais la petite est là et ne bouge pas ? Il y a du monde qui passe sur la route, c’était un lundi férié, elle pourrait se sauver. Donc pour vous répondre, il n’y a rien dans les aveux qui apporte quelque chose en plus de ce que les policiers savaient. Et ça c’est le critère des aveux réellement circonstanciés. Porte n’est pas un imbécile, il connaît son métier, il sait qu’il faut nourrir les aveux, rechercher des éléments précises… 

30- Vous avez expliqué dans vos livres avoir rencontré Spinelli et Guazzone . Or, M. bouladou, lui, démontre dans ses écrits que vous ne les avez pas rencontrés ou même que vous leur avez prêté des propos qu’ils n’ont pas tenus ; qu’avez-vous à dire à ce sujet ?

Je n’ai pas d’explication à ce revirement de témoignages. Je ne crois pas qu’il y en ait d’ailleurs…. Cela m’étonne quand même. On peut penser que M. Spinelli a été au courant de cette affaire et de la publication de mon livre, puis du film. Je n’ai pas reçu de lettre de Mr Spinelli pour me signifier “  vous prétendez m’avoir rencontré, moi je vous ai foutu dehors… ”Il n’a pas porté plainte, il avait le temps de le faire, idem pour M. Guazzone. Ces gens-là n’ont pas bougé pendant 30 ans. M Bouladou arrive et d’un coup M. spinelli modifie aujourd’hui son témoignage : il m’aurait jeté dehors.. Quant à M. Guazzone , il affirme ne jamais m’avoir parlé. Pourtant, c’est Guazzone qui m’a emmené voir la champignonnière. M. Bouladou sort le témoignage de M. Rosano et maintenant un camarade de régiment… alors que les camarade de régiment de Ranucci ont été interrogés .Le témoignage de Rosano ne figure pas au dossier, celui du camarade de régiment non plus !

31- Que pensez-vous de l’instruction ?

Mlle Di Marino a du être bouleversée à la découverte du cadavre, il est évident aussi qu’elle a eu une conviction de culpabilité de Ranucci, qu’elle ne s’est pas posée la question de l’innocence. Quand Ranucci a contesté sa culpabilité, elle a été exaspérée. Alors la non reconstitution des lieux de l’enlèvement est vraiment dommageable ; une reconstitution aurait véritablement démontré que le fameux plan sur lequel Ranucci indique avoir garé sa voiture n’était pas probant. De la même manière, il aurait forcément été établi que Spinelli ne pouvait pas avoir vu Ranucci. M. Bouladou n’est pas idiot d’ailleurs sur ce point, puisqu’il se trouve contraint d’expliquer que Ranucci a changé sa voiture de place sur les lieux de l’enlèvement…il s’agit de faire emboîter toutes les pièces du puzzle entre elles. Mais, c’est complètement aberrant. Autre anomalie : pas d’audition de M. Spinelli par le juge d’instruction ! c’est une instruction véritablement abracadabrante. Encore, pour Jean Rambla, on pouvait comprendre….le pauvre enfant était traumatisé, et lui infliger pareille épreuve était difficile. Mais pas pour Spinelli. La chambre d’accusation a même dit que l’instruction avait été “ assez  rapide ”. Pensez donc ! 6 mois ! ! ! c’est ridicule. Et pour l’interrogatoire récapitulatif qui est quand même un acte important, les avocats ne sont pas là, s’il s’agissait d’un vulgaire cambriolage, encore…bon tant pis. Mais là c’est un crime ! Melle Di Marino aurait pu reporter la date. Elle a respecté le droit, je ne le nie pas, elle connaissait bien les textes applicables c’est un fait : les avocats ont été convoqués par lettre avec accusé de réception par exemple ; il n’empêche qu’elle aurait pu reporter l’interrogatoire et laisser une chance à la défense d’être présente. Il s’agit d’une Affaire traitée avec une conviction de culpabilité dès le départ, jamais remise en cause ensuite. Tout cela a été bien expéditif.

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