Entretien: Gilles Perrault
Dernière mise à jour: 29 septembre 2004

 



- On ne peut, me semble-t-il, expliquer de manière rationnelle la scène décrite par les Aubert qu'en y intégrant la piste du chien, dont vous avez, le premier, révélé l'importance. Quelle lecture en faites-vous?

On retrouve, dans la champignonnière, un pull-over rouge dont on sait qu'il n'appartenait pas à Christian Ranucci. On le fait flairer à un chien policier; celui-ci remonte le chemin de terre puis la rn8bis jusqu'à trente mètres de l'endroit où le corps a été retrouvé, probablement l'endroit où se trouvait la voiture. Tout ceci implique que le pull-over est indubitablement lié à la scène du crime.
Reste à préciser quand ce vêtement a été déposé dans la galerie. Les maîtres-chiens que j'ai interrogés ont été formels: un chien ne peut pas suivre une piste 48 heures après, ce qui avait été dit lors de la conférence de presse du garde des sceaux Alain Peyrefitte. C'est donc que le pull-over aurait été déposé le 3 en fin de journée, voire le lendemain.
Se pose alors évidemment la question du jour et de l'heure de la mort de la petite fille. C'est d'ailleurs Michel Drach qui a révélé, lors de la préparation de son film, l'absence de cette information dans le rapport d'autopsie. Personne, avant lui, ne s'en était aperçu. Les médecins légistes ont pourtant bien prélevé le bol alimentaire. Or, selon l'avis d'autres légistes que j'ai pu rencontrer, ce prélèvement fait toujours l'objet d'une analyse. On peut donc en conclure que celle-ci a bien été faite et que ses résultats contredisaient le version de l'accusation.

- Pour en revenir à la piste du chien, pourquoi celui-ci n'a-t-il pas remonté le talus pour aller au cadavre?

Je l'ignore. A mon avis, l'homme au pull-over rouge s'est débarrassé du vêtement dans la champignonnière car il devait se douter qu'on l'avait identifié lors de ses tentatives précédentes dans les autres cités; il est ensuite remonté dans sa voiture, sans retourner au talus. Je pense que cela a été son dernier trajet.

- Le commissaire Alessandra a-t-il évoqué l'opération du chien policier?

Non, mais il m'a dit ce que je rapportais dans mon livre, à savoir qu'il était convaincu que Christian Ranucci et l'homme au pull-over rouge s'étaient rencontrés au cours de la nuit dans le quartier de l'Opéra à Marseille. C'est tout ce qu'il a consenti à me dire.

- Faisait-il le même lien avec les incidents des autres cités?

Il ne m'en a pas parlé, bien sûr. Et pourtant ce lien existait et il le savait, sa hiérarchie le savait puisque Mr Cubaynes en avait parlé dès le début de l'affaire, avalisant ainsi le témoignage de ceux que l'on chercha à faire passer pour des faux témoins. Mme Mattei, par exemple. Jamais, dans le climat d'hystérie créé par cette affaire, elle n'aurait pris le risque d'imaginer ce qu'elle a rapporté. Et puis elle avait elle-même des enfants et était très malade. En vérité Mme Mattei fut surprise de voir Mme Mathon à l'entrée des Baumettes car elle savait, comme les autres témoins qui n'avaient pas reconnu Christian Ranucci, qu'il n'était pas l'auteur des faits qui lui étaient reprochés. C'est donc un mouvement de curiosité naturelle qui l'a fait aller vers la mère de Christian.

A propos de tous ces incidents, je me suis longuement intérrogé sur le mode opératoire utilisé par l'homme au pull-over rouge. J'ai fini par me renseigner auprès des milieux pédophiles. Je ne comprenais pas pourquoi cet individu abordait toujours deux enfants en même temps. Je trouvais que c'était très risqué. Et on m'a dit le contraire. En effet les enfants, on les met en garde et on leur déconseille de parler à un inconnu. Quand ils sont seuls, ils ont peur et suivent les conseils qu'on leur a donnés; mais quand ils sont deux, ils sont rassurés et donc moins méfiants.


Page précédente
   
copyrightfrance