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La présence de la voiture dans la galerie, en position
de marche arrière, reste aussi un mystère. Comment
l'expliquez-vous?
Je
ne me l'explique pas. Pourquoi est-il rentré en
marche arrière? Tout cela est très mystérieux.
Christian Ranucci avait bu cette nuit-là, il l'a
dit lui-même, dans le quartier de l'Opéra à Marseille.
Peut-être était-il toujours sous l'effet de
l'alcool.
Nous avons reçu un jour, après la publication
de mon livre, le témoignage d'un homme qui avait dépassé Christian
sur la route qui venait de Marseille. Il l'avait donc rattrapé avant
le carrefour de La Pomme. Selon ses dires, Christian avait
l'air bizarre, un peu secoué, comme quelqu'un qui
avait la gueule de bois; mais surtout il était seul.
Ce témoin avait une voiture plus haute que la Peugeot
304 et avait donc une bonne vision de l'habitacle de celle-ci.
Et il était formel, Christian était seul à bord.
Nous ne pouvions faire état de ce témoignage
car cet homme était ce jour-là en escapade
amoureuse et tenait donc à conserver son anonymat.
Mais il voulait néanmoins nous faire part de ce qu'il
avait vu.
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Le couteau fut l'un des éléments essentiels
de l'accusation. Pourtant les conditions de sa découverte
paraissent assez étranges. Qu'en pensez-vous?
Ranucci désigne, au terme de ses
aveux, l'endroit où il a caché le couteau.
Le capitaine Gras commence les recherches à 1750 mètres
de cet endroit et mettra une heure cinquante-cinq minutes
pour le retrouver.
Lors de ma rencontre avec Gras, je lui ai demandé pourquoi
les recherches avaient débuté loin de là alors
qu'on lui avait dit où était le couteau. Il
me répondit: "mais vous me prenez pour un con?
On ne m'a évidemment pas dit où était
le couteau, sinon j'y serais allé tout droit. On m'a
dit: le crime a eu lieu chez vous, le couteau doit être
par là, cherchez-le". Ceci me fut d'ailleurs
confirmé par Guazzone, présent pendant la durée
des recherches.
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Que vous a dit le capitaine Gras quand vous lui avez rappelé qu'au
moment où il a commencé les recherches, Christian
Ranucci avait indiqué l'endroit exact où il avait
enfoui le couteau?
Il m'a dit très sûr de
lui: "ne me racontez pas d'histoires, vous pensez bien
que si Ranucci avait dit où était le couteau,
on me l'aurait indiqué". Il considérait
en vérité avoir bien fait son travail: il était
parti de la scène du crime, avait descendu la route
nationale, remonté le chemin jusqu'au tas de tourbe
puis avait fini par retrouver le couteau. Il me trouvait
d'ailleurs un peu léger de sous-estimer ainsi le travail
des gendarmes.
Quelque chose ne colle donc pas dans la découverte
du couteau, c'est une évidence. Dans une affaire criminelle,
il y a des habitudes mais aussi des règles policières.
Lorsque le suspect ou le mis en cause craque et passe des
aveux en disant avoir caché l'arme du crime à tel
endroit, les enquêteurs l'y emmènent en voiture
pour qu'il confirme ses aveux. Pourquoi les policiers marseillais
ne l'ont-ils pas fait? Il ne leur aurait fallu que quinze
ou vingt minutes pour s'y rendre.
On a voulu nous faire croire que le juge d'instruction avait
exigé qu'on lui présentât immédiatement
Ranucci. Non, soyons sérieux. Je peux vous dire qu'étant
donné les relations entre l'Evêché et
le magistrat instructeur, celui-ci n'avait ni l'autorité,
ni la stature, ni la carure pour empêcher le commissaire
Alessandra de se rendre sur les lieux avec Ranucci. Et puis,
c'était aussi à elle, la juge d'instruction,
de diligenter cette opération ou d'y aller elle-même.
Les policiers qui ont lu mon livre ont tous été surpris
de cette attitude de leurs collègues marseillais.
"
Ca n'a pas pu se passer comme cela," me disaient-ils, "on
va toujours sur les lieux avec un suspect qui vient d'avouer
pour qu'il nous montre où est cachée l'arme
du crime".
D'autre part, beaucoup de policiers n'ont pas compris pourquoi
personne n'a vérifié que la lame du couteau
correspondait avec ce que l'on appelle les boutonnières
des blessures.
Tout ceci est très étrange, vous en conviendrez,
et suscite de nombreuses questions sur ce qui s'est réellement
passé. La chronologie des procès-verbaux relatifs
au couteau en est un autre exemple. Quelles conclusions tirer
des bizarreries les entourant? Sont-elles la conséquence
d'une certaine routine ou paresse, sans que ce soit excessivement
péjoratif? Peut-être. Traduisent-elles quelque
chose de plus pernicieux? Je l'ignore. Tout est possible.
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Christian Ranucci a toujours affirmé que le couteau
lui appartenait. Aurait-il toutefois pu confondre le Virginia-Inox
et l'Opinel pendant toute la procédure?
Absolument, c'est mon hypothèse,
ou en tout cas une hypothèse que j'aurais tendance à privilégier.
En effet, jusqu'au dernier interrogatoire récapitulatif
de l'instruction, Christian clamera son innocence tout en
reconnaissant que le couteau lui appartient. Il confiera
bien naïvement à Jean-François Le Forsonney: "voulez-vous
que je mente au sujet du couteau en disant que ce n'est pas
le mien?"
Quelle honnêteté extraordinaire chez ce garçon
qui veut que son innocence soit reconnue et en même
temps qui ne nie pas que le couteau lui appartienne. Reste à savoir
de quel couteau Christian parlait.
Comme vous le savez, certains procès-verbaux du juge
d'instruction ont été modifiés de manière
très intéressante. On parle d'un couteau opinel;
on rature ce mot, puis on le remplace, dans la marge, par
la mention "automatique", ajout que l'on fait ensuite
signer à Christian Ranucci.
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Mme Mathon vous a-t-elle parlé du Virginia-Inox
qui aurait appartenu à son fils?
Non, elle ne
m'en a jamais parlé.
Elle n'a évoqué que le couteau opinel de Christian.
Ce que l'on peut en tout cas dire au sujet du couteau, c'est
que cet argument essentiel aux yeux de l'accusation est tellement
entouré de flou et d'étrangetés qu'il
ne tient plus et qu'il ne peut être considéré comme
la preuve de la culpabilité de Christian Ranucci.