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L'adjudant Monnin,
commandant la brigade de recherches de la compagnie
d'Aubagne, rédige le procès-verbal de saisie suivant:
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Vu
l'enquête ouverte sur la découverte du cadavre de l'enfant
Rambla, Marie-Dolorès,
Vu la réquisition de Monsieur le commissaire
principal Alessandra, chef de la sûreté urbaine
de Marseille, agissant lui-même sur commission
rogatoire de Mlle Di Marino, juge d'instruction à Marseille,
suite aux aveux de Ranucci Christian, sur la commission
du meurtre,
A
dix sept heures trente minutes, nous nous transportons
sur un terre-plein précédant l'accès à la champignonnière
où à l'aide d'un appareil de détection électro-magnétique
nous effectuons des recherches aux fins de découvrir
un couteau ayant servi à Ranucci pour commettre
son crime.
Après
plusieurs recherches, nous découvrons ce couteau enfoui
dans du fumier et sous 20 centimètres d'épaisseur,
dans la partie nord-est du tas de ce fumier.
Nous
saisissons ce couteau que nous plaçons sous scellé
n° 8 et nous en portons mention à l'inventaire des
pièces à conviction.
Ce
couteau de marque "Virginia-Inox" à cran
d'arrêt, manche
en nacre, longueur fermé, 12,5 centimètres,
longueur ouvert, 22 centimètres, sera remis à la
disposition de Mlle le juge d'instruction.
Ce
couteau placé sous scellé est remis le 7 juin 1974
au commissaire Alessandra suivant bordereau d'envoi
n° 227/2.R.
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L'adjudant de
gendarmerie saisit officiellement le couteau à cran d'arrêt
qu'il place aussitôt sous scellé, conformément à l'article
97 du Code de procédure pénale qui stipule que "tous
objets et documents saisis sont immédiatement inventoriés
et placés sous scellés".
Le
couteau sera remis au commissaire Alessandra le lendemain
7 juin.
On peut dès lors s'interroger,
une nouvelle fois, sur le procès-verbal de l'inspecteur
Porte qui déclarait "saisir pour être
placé sous scellé" le même objet
que celui visé ci-dessus.
Pourquoi
l'inspecteur divisionnaire affirmait-il saisir un couteau
qu'il n'avait pas saisi
lui-même puis
le placer sous scellé, alors que l'adjudant Monnin
l'avait déjà fait?
Les
deux officiers de police judiciaire parlaient-ils d'un
seul et même couteau ou évoquaient-ils
deux lames de même marque, de même caractéristiques,
mais deux lames bien différentes?
La question peut se poser car l'inspecteur Porte n'avait,
dans le cas contraire, aucune raison d'ajouter la mention
relative au couteau à cran d'arrêt sur son
procès-verbal.
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Le second
interrogatoire de Christian Ranucci devant le juge
d'instruction est consacré, pour partie,
au couteau:
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Nous
présentons à l'inculpé un couteau à cran d'arrêt
à ouverture automatique avec manche de nacre.
L'inculpé: Ce
couteau m'appartient, je le reconnais. C'est le
couteau dont je me suis
servi pour frapper la fillette. Comme je vous l'avais
déjà déclaré, je m'étais
débarrassé de ce couteau après
les faits en le jetant dans la tourbe près
de la galerie où je m'étais rendu après
les faits. Comme je vous l'ai déjà déclaré,
j'avais enfoncé ce couteau dans la tourbe
en lui donnant un coup de pied. J'ignore à quelle
profondeur j'avais enfoui ce couteau. Je reconnais
que la lame de ce couteau présente de légères
taches brunes, il est possible que ces légères
traces brunes soient des traces de sang provenant
du cou de la fillette que j'ai frappé avec
le couteau. Vous me demandez si j'ai essuyé le
couteau après les faits, je n'en sais plus
rien, il est possible que j'ai essuyé le couteau
en le plongeant dans la tourbe, mais les choses se
confondent dans mon esprit.
Le
juge: Nous précisons à l'inculpé que
nous transmettons ce couteau dans les services spécialisés
aux fins d'examens de laboratoire.
L'inculpé: Je prends acte de ce que vous m'indiquez.
L'inculpé: ...
Vous me faites remarquer que, outre le couteau
automatique que vous venez de me présenter
au début de cet interrogatoire j'avais dans
ma voiture, dans le coffre, un autre couteau de
marque Opinel, je réponds à votre
remarque que le couteau Opinel avait été mis
dans ma voiture en qualité d'outil et au
même titre que les autres outils. Par contre
le couteau automatique que vous m'avez présenté au
début de l'interrogatoire se trouvait lui,
dans ma poche car étant parti en week-end
je comptais m'en servir au cours d'un éventuel
pique-nique.
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Christian
Ranucci réitère
donc le scénario de l'enfouissement du couteau
décrit dans ses aveux.
Il
ajoute cependant l'avoir jeté "dans
la tourbe près de la galerie". Or l'endroit
où fut retrouvé le couteau est situé à 100
mètres de l'entrée de la champignonnière.
La proximité avec la galerie est par conséquent
moins immédiate que l'expression "près
de" laisse sous-entendre. Détail certes,
mais néanmoins important si l'on essaie de
reconstituer le fil des évènements à cet
endroit.
La question
du juge d'instruction sur l'essuyage du couteau est
intéressante. Car elle pourrait
laisser penser que le magistrat restait dubitatif
sur la légèreté des taches relevées
sur la lame au regard des quinze coups portés à la
victime.
Cet interrogatoire
semble en tout cas confirmer que Christian Ranucci
n'a
pu confondre l'Opinel et
le couteau à cran d'arrêt puisque celui-ci
lui a bien été présenté lors
de cette comparution.
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L'inspecteur
Jules Porte rédige un procès-verbal
de mise sous scellés pour l'ensemble des
objets saisis précédemment.
Une
mention supplémentaire et séparée
précise
que "les objets saisis et mis sous scellés à
nous remis par la compagnie de gendarmerie, brigade
de recherches d'Aubagne", parmi lesquels le
couteau à cran
d'arrêt,
sont déposés au greffe du Tribunal
de Grande Instance de Marseille.
Celui-ci établit
un récipissé de dépôt des scellés,
sous le n° 979, le 26 juillet 1974.
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