Coupable ou innocent à tout prix Affaire Tangorre

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Marseille    Entre les mois de décembre 1979 et d'avril 1981, les commissariats des 8e et 9e arrondissements de Marseille enregistraient les plaintes de quinze jeunes femmes victimes de viols ou d'attentats à la pudeur, alors qu'elles regagnaient seules leur domicile. L'agresseur était toujours un homme jeune (vingt à vingt-cinq ans), brun, à moustache, de taille moyenne (un mètre soixante-dix environ), à l'accent marseillais plus ou moins prononcé, portant souvent un «jean» et des chaussures de tennis blanches. En cherchant à reconnaître leur agresseur sur des photos d'archives de la police, certaines victimes crurent identifier Guy P. Mis en présence des plaignantes, Guy P. fut finalement disculpé, mais sa photo fut diffusée à toutes les unités de la voie publique comme portrait-robot.

    Au mois d'avril 1981, en pleine campagne pour les élections présidentielles, deux viols et quatre attentats à la pudeur sont commis. Les rondes de police s'intensifient et, le 12 avril, une patrouille qui circule dans le 8' arrondissement aperçoit un jeune homme vêtu d'un blouson et d'un «jean» bleus, chaussé de tennis blanches, qui semble faire le guet, puis part en courant vers la rue Daumier. Les policiers décident de vérifier l'identité de cet homme. Ils traversent l'avenue du Prado et, lorsqu'ils arrivent à la hauteur de la rue Daumier, ils aperçoivent le suspect qui redescend la rue en trottinant. L'un deux l'interpelle «Contrôle d'identité. Vos papiers, s'il vous plaît.» En sortant son porte-cartes d'une poche intérieure de son blouson, le jeune homme dégage partiellement un objet enveloppé dans du papier journal. Le policier décide alors d'effectuer une fouille et constate qu'il s'agit d'un couteau de cuisine.
    «Que fait ce couteau sur vous?
    - Je suis en train d'emménager dans mon studio sur la Corniche. Il me manquait un bon couteau â découper la viande et je l'ai pris chez ma fiancée...»
    Sourires ironiques des policiers qui chuchotent entre eux et changent d'attitude pour devenir franchement méprisants.
    «Que faites-vous ici à cette heure tardive? Pourquoi êtes-vous parti en courant?
    - J'avais rendez-vous avec un copain, Eric, et deux filles, mais comme ils n'arrivaient pas, je suis sorti pour aller uriner dans un endroit discret. Je suis revenu en courant, parce que j'avais laissé les clés de ma voiture sur le contact.»
    Nouveaux sourires ironiques des policiers.

    Le jeune homme les entend parler de portrait-robot, de 2 CV, de couteau. Après un coup de téléphone au commissariat de service, les policiers décident d'emmener le suspect.
Celui-ci proteste «Attendez encore un peu! Eric va arriver, il vous expliquera tout!»

    Mais les regards se font menaçants et les gestes brusques. On enferme le jeune homme dans la voiture de police et on se dirige vers le studio où le suspect prétend emménager sur la Corniche. Les policiers regardent un peu partout, sans toutefois fouiller les armoires et conduisent ensuite le jeune homme vers le commissariat de permanence.
    «Il y en a pour cinq minutes, lui dit-on, juste le temps de remplir un bibelot.»

    En réalité, Luc Tangorre — c'est le nom du jeune homme — vient de connaître ses dernières minutes de liberté, mais il l'ignore encore et voudrait bien rentrer chez lui. Au bout d'une heure, il s'inquiète et, à deux heures du matin, Luc Tangorre demande une nouvelle fois «Mais pourquoi suis-je ici? Pourquoi me garde-t-on si longtemps?»
    La réponse est brève «Ta gueule, petit con!»
    Luc se redresse. De quel droit lui parle-t-on ainsi? Il proteste! Un échange de mots de plus en plus violents se termine par une gifle retentissante donnée par un agent de police et que Luc retourne aussitôt par réflexe!
L'Évêché     Plusieurs policiers se jettent alors sur lui et le malmènent. Luc est en proie à une crise de nerfs. Plus on essaie de le maîtriser et plus il crie et se débat. A bout de résistance, il sombre finalement dans un état de prostration. C'est donc un homme complètement abattu qui est finalement conduit à l'hôtel de police, plus connu à Marseille sous le nom de L'Évêché.

    Le voilà derrière des barreaux, dans une cellule vide, sans lit. Luc se couche par terre et s'endort, épuisé par les émotions. Il est réveillé quelques heures après et dirigé vers le service d'anthropométrie prises d'empreintes et photographies. Au moment où le flash l'éblouit, Luc réalise dans quel état il se trouve: ses cheveux sont complètement décoiffés, sa barbe n'est pas rasée, ses doigts sont noirs de l'encre des empreintes et les languettes de ses tennis pointent vers l'avant, car ses lacets ont été confisqués. Il remarque que ses poignets ont été marqués par les menottes.
    De leur côté, les policiers jubilent ils tiennent l'homme qu'ils cherchent depuis quelques mois, ils en sont sûrs. Luc Tangorre est brun, moustachu, il porte des «jeans » et des tennis blanches. Il a vingt-deux ans et mesure un mètre soixante-dix. C'est exactement la description du portrait-robot. Des victimes ont fait allusion à un couteau dont l'agresseur les menaçait et Luc Tangorre en portait un dans sa poche. Plusieurs d'entre elles ont cru reconnaître le bruit d'une 2 CV lorsque leur agresseur est reparti et Luc Tangorre circule dans une voiture de ce type.

    Pas de doute, ils tiennent l'homme qui les a obligés à multiplier les rondes, qui les défiait depuis des mois. Ah! oui, ils triomphent! on ne pourra plus leur reprocher d'être incapables d'assurer la sécurité à Marseille. Cet homme ne causera plus d'ennuis, ni aux femmes, ni à eux!



Gisèle Tichané - Coupable à Tout Prix



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